Bien qu'éloignée du monde de la prestidigitation, cette expo ouvre des portes et des horizons, en posant la question de la projection du vivant sur le non vivant.
La présence de 14 (!) pièces de la collection Surnatéum (beaucoup d'objets "ethnographiques" mais également liés au spiritisme (Main Martinka), au ghost hunting, ou freaks) marque une reconnaissance et un tournant historique dans l’œuvre polymorphe de Christian Chelman. C’est aussi un événement dans le monde de l’illusionnisme, qui pénètre ainsi –d’une manière détournée- une exposition nationale (il y a d’autres clins d’œil, notamment à Bosh).
Christian Chelman fait exploser la notion de scène. Dans la tradition des artistes « totaux » l’art et la vie se mêlent. Est-il un Conservateur jouant à l’illusionniste ? Ou un illusionnsite-conservateur ? Ou autre chose encore ?
Quel statut accorder aux pièces présentées quand elles jouent avec l’histoire ? La relecture du suicide de John Cumming « Fay » (époux de la médium) me semble emblématique. A partir d’une histoire vraie et d’une main truquée, l’artiste suggère une explication surnaturelle. Trois registres se mêlent… Entre fiction et réalité, le spectateur oscille. Todorov appelait ça le « fantastique ». Chelman a fait sortir ce concept de la littérature, il l’a matérialisé. Illusionnisme historique ? peut-être… Illusionnisme fantastique, sans aucun doute !
Quoi que l’on en pense par ailleurs (personnalités, choix artistiques, etc.), ce sont les artistes comme Chelman, Collet, Navarro, etc. qui font bouger les frontières de l’illusionnisme, et nous permettent de nous interroger sur ce qu’est – en profondeur – notre art.
Cette expo qui articule ce qu’il y a de plus archaïque (ethno) et de plus moderne (robot) peut être une source d’inspiration, pour ceux qui ont compris que l’essence de la magie se jouait ailleurs que dans les techniques et les gimmicks préformatés. A réserver aux avertis, à ceux qui cherchent un nouveau souffle.