En 2002, j'avais assisté aux conférences de Luc Steels qui avait réalisé chez Sony des expériences où des robots fabriquaient par eux-même leur propre langage.
J'ai retrouvé la thèse en ligne de Frédéric Kaplan qui a travaillé avec lui (et qui a fait des livres sur le sujet depuis) :
ftp://ftp.lyx.org/lip6/reports/2000/lip6.2000.022.pdf
Le résumé :
L’objectif de cette recherche est de comprendre les mécanismes qui permettent
l’amorçage d’un phénomène culturel, en l’occurrence l’émergence d’un lexique au
sein d’une population d’agents artificiels. Ces agents sont soumis à des contraintes
de réalisme fortes. Ils ne peuvent communiquer entre eux que par mots ou par
gestes et, à leur création, ils ne connaissent ni mot ni catégorie. Comment de tels
agents peuvent-ils construire collectivement un lexique pour désigner des objets
du monde réel? Comment les mots de ce lexique peuvent-ils correspondre à des
sens partagés alors que les différents agents ne perçoivent ni ne catégorisent le
monde de la même façon?
Notre approche consiste à étudier expérimentalement une succession de modèles
de complexité croissante. Dans les plus simples, les agents artificiels se réduisent
essentiellement à une mémoire associative et les objets de l’environnement
à un ensemble de symboles. Dans les plus complexes, les agents sont des
robots dotés de capacités visuelles qui interagissent à propos de leur perception
du monde réel. A chaque étape, nous identifions les dynamiques collectives qui
permettent l’auto-organisation du lexique. Nous montrons comment ce lexique
peut être transmis de génération en génération, comment il se modifie, comment
il s’affine et devient toujours plus adapté pour décrire l’environnement réel ou virtuel
auquel les agents sont confrontés. Nous montrons comment la structure de
ce lexique se régularise et se simplifie pour devenir plus facile à apprendre, plus
facile à transmettre.
L’enjeu de cette recherche est double. Dans une perspective linguistique, l’étude
des dynamiques collectives conduisant à l’apparition d’un lexique dans une population
d’agents artificiels peut fournir des hypothèses pertinentes pour comprendre
les phénomènes en jeu dans l’évolution des langues naturelles et dans l’origine du
langage humain. Dans une perspective d’ingénierie, l’étude de ces mêmes dynamiques
ouvre la voie à de nouvelles techniques pour la communication hommemachine
et annonce peut-être la robotique de demain.