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La Gestion du Silence dans la Magie


David MARSAC (Chakkan)

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Il y a 13 heures, César CHALRET (16 art) a dit :

Luke Jermay parle des réactions du public. Il ne cherche pas les applaudissement mais une assimilation.

J’avoue avoir un sentiment mitigé sur le silence des spectateurs, en fin de numéro.

Longtemps, je pensais les avoir perdu, c’était peut-être vrai… ;)

Ce qui m’a rassuré, c’est quand j’ai fait davantage de magie en mode « rue », principalement en médiéval :

Une petite table, un tabouret, et le public le plus souvent debout devant, qui se promène, et s’arrête en passant.

Donc, libre de partir à tout moment.

Et ce qui me rassure, donc, c’est que la grande majorité des gens restent, parfois pour un temps qui me surprend moi-même…

C’est donc qu’ils trouvent un intérêt à la chose, sinon, ils fileraient rapidement voir d’autres animations et spectacles.

Mais sauf quelques cas où je lance des applaudissements par une tournure de texte, j’ai un niveau de réaction assez discret :

Je mesure cela aux regards, qui n’en perdent pas une miette, s’écarquillent au moment de l’effet, et  quand ils regardent les autres spectateurs après l’effet, pour avoir une confirmation du groupe que cela à bien eut lieu.

Des sourires ou des rires, là où j’en ai prévu, le plus souvent. Parfois là ou je ne m’y attendais pas, car je pensais juste faire une ponctuation ne méritant pas qu’on s’y attarde…

Quelques interruptions, j’ai des moments qui sont prévus pour ça, et qui me permettent de rebondir par une répartie… Mais ça vient aussi parfois en dehors, et il faut rebondir, et faire semblant de dialoguer librement, mais en gardant la parole, sinon on va casser le rythme du spectacle si c’est le spectateur qui l’impose.

Des réactions physiques aussi, plus facilement visibles sur des spectateurs debout qu’assis, qui vont tourner le torse à gauche ou a droit, comme pour éviter de rester face à l’effet, des changements d’appuis d’avant en arrière, bref, des réactions…

Mais comme je ne vais presque jamais chercher les applaudissements, ceux qui arrivent sont spontanés, et dépendent donc d’un facteur déclencheur aléatoire :

En général, un spectateur plus exubérant, qui lance le mouvement.

J’ai quelques endroits où je lance des applaudissements sans les demander, uniquement par le ton d’une réplique et le rythme, et où ça ne marche pas toujours suivant le public, mais ce n’est pas grave.

Quand ça marche, cela me permet justement de les arrêter, en expliquant pourquoi c’était facile…et d’enchainer vers la suite, qui est bien plus « compliquée »… 

Le public que je croise en ces occasions ne se sent pas dans une salle de spectacle, ou des conventions s’appliquent, ou quand le numéro est fini, on applaudit.

Les circonstances étant plus informelles, et le ton que j’adopte étant plus un dialogue sans piédestal, ils sont moins enclins à applaudir, car ils ne savent pas s’ils doivent le faire et quand.

Quand on discute avec un copain, il est rare qu’on applaudisse à un bon mot : on souris, on rit, on participe corporellement…

C’est donc assez silencieux.

Une fois l’effet clôturé (je parle peu de tours, plus de thème de numéro…), ils n’hésitent pas à me parler, ce qui est bon signe avec mon personnage détendu et accessible, et ils peuvent aussi parler entre eux, ce qui est souvent réconfortant quand on les écoute discrètement ;)

Enfin, ces dernières années. Cela n’a pas toujours été cool d’entendre ce que disaient les spectateurs avant… ;)  Mais j’ai toujours une grosse marge de progression ;)

 

Donc, oui, c’est un peu frustrant de ne pas avoir de tonnerre d’applaudissement systématique.

Mais je pense que c’est naturel dans certaines circonstances ou mode d’interprétation.

Et surtout pour la magie, qui n’est pas (à priori) une performance, mais… de la magie.

 

De toute façon, je préfère cela à monter un texte avec des appels réguliers aux applaudissements, comme on en voit dans certains spectacles, car je ne suis pas sûr que ce soit le but de la magie…

J’ai aussi la chance de ne pas avoir d’employeur qui se fondent sur un applaudimètre pour juger de la qualité du spectacle, c’est aussi une bonne raison de gérer les choses autrement ;)

Souvent, les organisateurs prennent le temps de venir voir une partie de ce que je fais, ou se fient à des retours de spectateurs à postériori, et qui sont positifs heureusement :)

 

On peut disserter sur les raisons de faire faire du bruit au public, d’ailleurs :

Attirer du monde, quand on est dans une structure de spectacle ouverte.

Envoyer des messages rassurants aux organisateurs.

Créer un effet de groupe parmi les spectateurs, qui va amplifier le souvenir de chacun.

Et j’en passe.

Mais bon, la stupéfaction, c’est bien aussi…

A noter que des magiciens, plus talentueux sans doute, jouent sur les deux tableaux :

Tamaris, avant, pendant et après l’effet, génère un gros silence.

Mais il explose ensuite en frénésie, et permet aux spectateurs de disperser leur stupéfaction dans des applaudissements, dans une sorte de catharsis expiatoire, car n’est-ce pas pêcher contre l’univers que d’être témoin d’une transgression de ses lois ?

Il en profite d’ailleurs pour renforcer encore l’effet pendant les applaudissements, dans ses mimes récapitulatifs (voir dans son livre « l’arc en ciel magique » …), c’est fort…

 

Arf, il reste encore bien des choses à tester et comprendre…

Gilbus

Modifié par Gilbus
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Quand le magicien montre la lune avec son doigt, le public regarde le doigt...

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Bonjour

Le sujet est très intéressant et très vaste.

Pour revenir à une considération plus terre à terre de l’utilisation du silence dans la magie, j’utilise le silence dans le 3 Fly d’Axel Hecklau comme il l’explique dans sa conférence de Penguin live.

Au moment du 2eme passage, il montre les pièces devant lui et il s’arrête. Il ne parle plus, il baisse ou ferme les yeux et c’est le silence complet.

C’est un moment de tension, de temps fort. Tous les regards et l’attention se focalisent sur les pièces et les mains. Et il ne fait rien.

Et là le « miracle » se produit. Des petits rires commencent à fuser : les spectateurs se détendent spontanément. Ils créent eux mêmes le temps faible (c’est ça le « miracle »).

Et c’est à ce moment là que « boom » on fait le passage.  Et du coup cela devient très fort. Ce moment de silence, qui doit durer une ou 2 minutes semble une éternité pour nous et c’est assez flippant. Mais on est bien bien récompensé.

Amitiés

Sumio

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Il y a 19 heures, Chakkan (David) a dit :

un peu comme l'huile et l'eau je reste à chaque fois sur ma faim.

C'est parce qu'il manque la salade et une tranche de pain.

 

Il y a 17 heures, Gilbus a dit :

Il y a des silences habités, et des silences nourris :

Un silence nourri permet de savourer ou construire les images ou émotions données avant : Ce n’est pas nous qui nourrissons un silence, il se nourrit des images précédentes.

Voilà qui répond à la faim de Chakkan. 

Sinon oui j'ai bien compris que Chakkan parlait de phases de silence, pas d'un numéro de mime, mais je ne résiste pas à donner ce lien pointant vers un sujet que j'avais ouvert dans ce forum sur cet artiste remarquable, Tape Face, qui va jusqu'à se couvrir la bouche d'un adhésif pour s'imposer un silence verbal total, c'est quand même une sacrée leçon et surtout une belle idée de création de personnage, sa "marque de fabrique" :

https://virtualmagie.com/forum/sujet/49605-humour-quotthe-boy-with-tape-on-his-facequot/?tab=comments#comment-483967"

Ô privilège du génie ! Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui." (Sacha Guitry)

Oups, je suis déjà trop bavard (sous l'influence des messages de Marc Page ces temps-ci 😉 ?...).

 

Modifié par Christian Girard
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Il y a 1 heure, Gilbus a dit :

Tamaris, avant, pendant et après l’effet, génère un gros silence.

Alors ça c'est le bouquet !

 

Le 20/09/2018 à 18:59, Chakkan (David) a dit :

Quel dommage sur un si beau sujet... o.O

(Oups, désolé.) :D

 

"Le silence dans les arts visuels" : https://www.fabula.org/actualites/le-silence-dans-les-arts-visuels_64630.php

 

"Le rythme de la narration" :

Citation

 

Le narrateur ne peut jamais tout raconter. Il va donc utiliser des procédés d’accélération ou de ralentissement. Autrement dit, rapporter en détail des événements précis, en résumer brièvement d’autres, voire en passer certains sous silence. Voilà comment :

 

Dans la pause, le narrateur interrompt l’écoulement du temps de l’histoire et décrit un lieu, un personnage, ou fait un commentaire.

[...]

Dans le sommaire, le narrateur résume brièvement une période sans véritable importance. Le sommaire sert souvent de transition entre deux scènes.

 

Dans l’ellipse, le narrateur passe sous silence une partie des événements.

 

https://www.aproposdecriture.com/le-temps-de-la-narration

Il existe donc au moins deux types de silence, celui effectif où le magicien ne dira rien, et celui assez subtil qui consiste à "passer sous silence" certains points.

 

 

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Je donne régulièrement des cours de théâtre et j’essaie justement de faire toucher du doigt le concept du silence. Car paradoxalement, savoir jouer et parler à un public, c’est aussi savoir… se taire. Les comédiens le savent bien, et si la plupart des magiciens médiatiques qui ont du succès sont passés par la case théâtre (Eric Antoine…) c’est qu’il y a une raison je crois !

La maîtrise du silence fait partie intégrante du jeu d’acteur et de la prise de parole en public, et c’est à mon sens fondamental pour un magicien d’en maîtriser les bases.

C’est un exercice difficile car comme je le disais dans un message plus haut il faut lutter contre nous-même. L’être humain a peur du vide sonore, nous pratiquons donc d’autant moins volontiers le silence que ce dernier a tendance à nous angoisser.

Lorsque l’on se retrouve face à notre public, sachant que ce dernier nous regarde et bien nous ne parvenons pas ou peu à supporter cette confrontation de regards sans paroles.

La tentation de reprendre la parole, de combler et d’occuper ce vide créé par le silence nous anime alors immédiatement car ce silence nous fait peur. Cela donne des vannes nulles, des répétitions inutiles, des tics de langage...On veut maîtriser et reprendre le contrôle à tous prix, reprendre la parole même pour ne rien dire de pertinent nous donne cette illusion. C’est ce « cabotinage » que l’on retrouve souvent en improvisation chez des comédiens débutants par exemple.

Cette peur nous amène alors, pour combler à tout prix le silence, à bafouiller, chercher nos mots, nous racler la gorge… Tout plutôt que ce vide.

C’est une erreur car bien maîtrisé, le silence est un de nos alliés les plus précieux.

Je distingue deux gros types de « Silence ».

Un silence situationnel, à adopter par exemple lorsque le public est ponctuellement distrait, se détourne de votre présentation et se focalise sur une perturbation extérieure comme un téléphone portable qui se met à sonner, ou un spectateur qui fait une blague nulle (si si le eh le magicien tu veux pas couper ma femme en deux)… bref tous les facteurs de perte d’attention par vos spectateurs.

Notre tentation naturelle consiste alors à vouloir hausser le ton pour couvrir le bruit, reprendre la main. C’est une mauvaise solution en réalité, le public se préoccupant ponctuellement plus de la perturbation que de vous, c’est le même principe dans une mise en scène en théâtre avec des mouvements parasites inutiles sur le plateau scénique, ils captent l’attention. La bonne solution : se taire, ou baisser le ton de sa voix, pour recapter l’attention et repartir.

Ce silence est aussi intéressant lorsque vous déclenchez le rire ou des applaudissements, trop de comédiens (et de magiciens!), ont tendance à vouloir enchaîner coûte que coûte, pour ne pas perdre le fil ou encore une fois pour gérer leur stress. Le silence permet pourtant de laisser le public profiter d'un moment de joie, de crédulité...

Un silence prémédité

Ce sont par exemple les pauses, que l’on déclenchent volontairement, pour le comédien/magicien d’abord ce qui nous permet de reprendre calmement notre respiration (important dans la gestion de la voix également) mais aussi de rassembler nos idées et de penser à la suite du texte mais aussi des techniques magiques que l'on doit mettre en oeuvre. En ce sens le silence permet

Ces silences servent aussi à réguler l’intensité dramatique et émotionnelle afin de mettre l’accent sur certains termes, effets, ou de ménager le suspense et donc d’accroître l’intérêt dramatique et l’attente de votre public adoré. C’est idéal pour mettre en avant, en relief, un moment clé de votre prestation. En définitive le silence joue le même rôle à l’oral que joue le rôle de la ponctuation et le passage à la ligne à l’écrit, il doit rythmer votre numéro.

Il faut donc se forcer à ménager ces moments de silence car pour les spectateurs cela facilite la compréhension, de la scène, des effets, ils peuvent plus aisément comprendre et ressentir, en ce sens cela facilite la transmission des émotions et du rêve magique. Les amateurs de musique classique ne s’y trompent pas, car on dit qu’après une symphonie, le silence qui suit est encore celui du compositeur, tout cela pour dire que la gestion des temps (forts, faibles) est importante et que le silence en est un outil précieux de régulation.

Oh là j’ai fais mon Gilbus 😀 désolé pour la longueur. Merci à Chakkan pour ce sujet passionnant en tous les cas.

 

Modifié par darlone (Michel)
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www.dedales-hypnose.fr

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