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Le paradigme de l'art contemporain : Structures d'une révolution artistique, Nathalie Heinich


Christian GIRARD

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Je n'ai pas lu le livre (qui vient juste de paraître) mais la quatrième de couverture me semble pertinente :

Dans un article paru en 1999 dans Le Débat, Nathalie Heinich proposait de considérer l’art contemporain comme un genre de l’art, différent de l’art moderne comme de l’art classique. Il s’agissait d’en bien marquer la spécificité - un jeu sur les frontières ontologiques de l’art - tout en accueillant la pluralité des définitions de l’art susceptibles de coexister. Quinze ans après, la « querelle de l’art contemporain » n’est pas éteinte, stimulée par l’explosion des prix, la spectacularisation des propositions et le soutien d’institutions renommées, comme l’illustrent les « installations » controversées à Versailles. Dans ce nouveau livre, l'auteur pousse le raisonnement à son terme : plus qu’un « genre » artistique, l’art contemporain fonctionne comme un nouveau paradigme, autrement dit « une structuration générale des conceptions admises à un moment du temps », un modèle inconscient qui formate le sens de la normalité. Nathalie Heinich peut dès lors scruter en sociologue les modalités de cette révolution artistique dans le fonctionnement interne du monde de l’art : critères d’acceptabilité, fabrication et circulation des œuvres, statut des artistes, rôle des intermédiaires et des institutions... Une installation, une performance, une vidéo sont étrangères aux paradigmes classique comme moderne, faisant de l’art contemporain un objet de choix pour une investigation sociologique raisonnée, à distance aussi bien des discours de ses partisans que de ceux de ses détracteurs.

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C'est toute la question de la temporalité de ce que l'auteur défini comme contemporain qui est l'enjeux de cette question.

Je doute qu'un ouvrage aussi conséquent -et pour une maison d'édition comme nrf- sa pertinence perdure. La 4eme de couv contient d'ailleurs la déchéance de la définition, en précisant qu'il y 15ans déjà l'auteure proposait une définition de "l'art contemporain".

La contemporanéité n'est-elle pas par essence éphémère, et donc la définir dans un livre n'est-ce pas antinomique?

Mon regard sur les publications Close-Up :

http://closeupcritique.wordpress.com/

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C'est toute la question de la temporalité de ce que l'auteur défini comme contemporain qui est l'enjeux de cette question.

Non, je ne trouve pas. On peut toujours déplacer quelques bornes temporelles car les références sont différentes pour les uns et les autres. En schématisant à grands traits, l'art dit moderne pourrait commencer avec Picasso et ses Demoiselles d'Avignon, mais d'autres peuvent inclure les impressionnistes dans le "moderne", peu importe. Les "contemporains" seraient eux les artistes encore vivants (ou presque mdr ) plutôt situés du milieu du XXe siècle à nos jours mais une fois de plus, ce n'est pas le propos à mon avis. Ces question de frontières du temps pour fabriquer des définitions sont, j'en conviens avec toi, toujours un peu subjectives et sujettes à discussion. Ce que je trouve intéressant (car c'est un constat que j'ai fait pour moi-même depuis pas mal d'années), c'est que si les gens qui n'ont pas spécialement étudié les arts "plastiques" ne s'y retrouvent pas dans le contemporain (contrairement à d'autres s'y sentent comme des poissons dans l'eau), c'est qu'ils pensent que les critères d'évaluation des œuvres sont immuables, éternels et bien définis. Du coup, impossible de trouver de l’intérêt dans les approches contemporaines puisqu'elles sont justement à appréhender (à jauger, à évaluer) avec d'autres critères que ceux des formes d'expressions artistiques plus anciennes, avec d'autres outils plus conceptuels et souvent moins perceptuels. Par exemple, si tu penses comme moi que Marcel Duchamp est le pivot de tout ce qui s'ensuit dans le "contemporain", tu ne peux envisager adopter sur l'art actuel qu'un regard conceptuel (sérieux, profond, intellectuel, mystique etc.) ou... humoristique (dérision, distance amusée sur les vanités, etc.) ! Bref, un urinoir peut être transformé en icone de l'art, ça peut être considéré comme une marque de génie, comme une avancée majeure, mais aussi comme un sacré pied de nez. La force de Duchamp est qu'il savait parfaitement jouer sur les deux tableaux, et ça date d'un siècle, c'est déjà rentré dans l'histoire de l'art !

De nos jours, il y a une multitude de formes d’expressions artistiques, plus que de grands courants il y a des individualités, c'est en ça que l'art reflète notre société (dans ce qu'elle a parfois de stupide, de dérisoire, de prétentieux mais aussi a contrario de poétique, de doux, de spirituel, de profond, ... ). Les beaux-arts ont éclatés en gerbe, il y a bien des racines mais actuellement c'est un sacré fouillis de branches dans lequel on baigne...

(Paul, je vais chercher une référence sur un livre de Baudrillard qui devrait t'intéresser.)

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en quoi est-ce un drame Azoth? ce qui fait la contemporanéité de l'oeuvre c'est qu'elle se trouve ancrée dans son époque, et donc dans son contexte historique/social/politique/... c'est souvent les clés qui manquent à la compréhension d'une oeuvre, ce, peut importe la période, qu'elle soit moyen-ageuse, de la renaissance ou contemporaine.

Pour te contredire complètement, si on ne connait pas les élements du contexte d'une oeuvre, alors on l'apprécie pour ces qualités esthétique et non discursives, c'est donc passer à côté des 3/4 de l'oeuvre ; et très vite c'est se priver du plaisir de l'art contemporain (et même moderne) les qualités esthétiques sont de moins en moins le coeur de l'objet produit (performance, photo, toile, structure.sculpture).

Pour finir sur une citation, je voudrais faire participer Robert Filliou:

"L'art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'Art".

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j'avoue que le terme "drame" était mal choisi

Le "problème" n'est en effet pas l'inscription dans un contexte mais quand l’œuvre se définit uniquement par un concept.

Il n'y a plus que ce concept qui importe, le discours l'emporte... ce n'est plus que du méta-art.

L’œuvre finit alors par disparaitre complétement dans sa réalité (esthétique, émotionnelle,...) et on arrive à ça :

2014 : http://next.liberation.fr/arts/2014/02/21/une-femme-de-menage-confond-une-oeuvre-avec-des-dechets-et-la-jette-a-la-poubelle_982019

2004 : http://www.liberation.fr/culture/2004/08/28/les-oeuvres-d-art-aussi-finissent-a-la-poubelle_490523

"L'illusion au service de l'art, voilà notre culte." N.F.

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  • 4 weeks plus tard...

J'ai lu un truc intéressant concernant l'art moderne.

celui-ci ferait partie du courant général actuel du nominalisme qui s'oppose au réalisme ( dans le nominalisme on s'intéresse à chaque chose comme entité sans relier cette chose aux autres choses. On s'intéresse à l'individualité et on délaisse les liens).

A partir du 20°s on a déconstruit l'art : l'art s'est dispersé sans unité (cubisme / surréalisme en art graphique, musique sérielle / dodécaphonie en musique). Cette déconstruction constitue le nominalisme absolu ou archinominalisme : c'est de l'art, car on le nomme comme cela. On casse alors dans l'art toute hiérarchie, toute autorité, on peut faire n'importe quoi, ce sera une œuvre. La seule valeur de l'œuvre sera sa valeur marchande.

Dans le néolibéralisme, il y a la même philosophie : il n'y a plus de règle, la finalité étant de faire de l'argent.

On peut alors faire un parallèle entre néolibéralisme et archinominalisme et ce qui est le plus étonnant c'est qu'actuellement les banquiers mécènes financent l'art moderne : savent-ils, ces financiers et ces artistes, qu'ils œuvres pour une même philosophie : la valorisation marchande donnera sa valeur à l'œuvre. Quid de l'aspect esthétique dans tout cela ?

Bcp de l'art moderne avait déjà peu de valeur à mes yeux mais cette analyse tend à me conforter dans mon idée.

Je vous ai déjà parlé de l'experience faite par Desmond Morris sur des œuvres peintes par des singes présentées à des critiques d'art comme des œuvres d'un artiste de talent ?

J'ai oublié : ce nominalisme explique aussi cette individualité dans l'époque actuelle, le fait qu'on se moque des liens de parenté quand on parle du lien père-fils, etc...

Modifié par Melvin
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Melvin

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  • 1 année plus tard...

Propos recueillis par Eric Aeschimann, extraits :

Nathalie Heinich : On a tendance à utiliser « art moderne » et « art contemporain » comme des termes équivalents, dont la seule différence serait chronologique. C'est une erreur : il y a autant de différences entre l'art contemporain et l'art moderne qu'entre l'art moderne et l'art classique. Chacun se distingue par des règles du jeu implicites, qui forment ce que Thomas Kuhn appelait un « paradigme ».

Depuis une quinzaine d'années s'est formée une bulle artistico-fnancière qui a porté certaines oeuvres à des prix extravagants, ce qui résonne avec l'esprit de ces oeuvres - le kitsch, le cynisme, le spectaculaire. Mais l'art contemporain, qui existe depuis une soixantaine d'années, ne se réduit pas à cette variante assez récente et à vrai dire assez extrême: d'autres courants, plus intellectualisés ou plus émotionnels ou sensoriels, sont davantage appréciés par la plupart des critiques [...]

Certains artistes se muent en hommes d'affaires et certains hommes d'affaires sont des collectionneurs très actifs. L'art contemporain serait-il devenu le miroir d'une époque régie par la finance ?

L'art contemporain actuel est, comme le monde marchand, mondialisé: il n'y a plus guère d'écoles nationales, et les propositions artistiques circulent autour de la planète comme les ordres de Bourse. Le rapport au temps est lui aussi en consonance avec la culture actuelle: les intermédiaires cherchent à promouvoir des artistes toujours plus jeunes, et l'on voit des artistes qui ont eu très tôt leur heure de gloire retomber brutalement dans l'anonymat. Le passé s'oublie de plus en plus vite, les artistes arrivent avec une culture de plus en plus axée sur le temps présent, et certains critiques aussi.

L'art contemporain transgresse aussi cet impératif : l'intériorité devient un stéréotype dont on se joue, en affectant au besoin des postures de dandy ou de cynique. Jeff Koons peut ainsi déclarer : « Le marché est le meilleur critique [...]. Mon œuvre n'a aucune valeur esthétique [...]. Je pense que le goût n'a aucune importance. »

L'artiste d'hier était maudit, incompris, forcément malheureux : tel était le prix à payer pour incarner une nouvelle forme d'élite. Celui du troisième millénaire peut réaliser les idées les plus farfelues sans que les institutions ne posent de limites - au contraire, elles encouragent ce que certains nomment des « questionnements », d'autres des « provocations ». Comme si l'artiste était implicitement chargé par le public d'incarner un fantasme de toute-puissance...

Pour certains, l'art contemporain est un révélateur désolant et une caricature navrante des travers les plus infantiles de l'époque. Pour d'autres, c'est au contraire un outil de réflexion fascinant et même une catharsis saine et souhaitable.

Quant à mon opinion personnelle, elle est des plus banales : certaines propositions en art contemporain me paraissent magnifiques, d'autres sans aucun intérêt. Du reste, c'est l'une des grandes caractéristiques de l'art contemporain que de pousser à avoir une opinion, d'être un excitant à opinion. Et, en cela aussi, il appartient bien à notre époque.

Article complet à lire ici : CLIC

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