« seuls les forts doivent survivre... »
Effectivement, c’est un état d’esprit qui à sa propre logique et sa propre réalité…
Les points que tu soulèves Peter sont très intéressant, car au delà de l’enseignement tu abordes la question de la transmission.
La magie est effectivement en pleine évolution. L’accès à l’information s’est massifié. La magie est devenu un marché très dynamique ou les modes se succèdent à un rythme effréné. Un rythme dans lequel on a intérêt à exploiter une nouveauté plutôt que de l’explorer et l’approfondir. Cette situation profite donc plus aux inventeurs de trucs et aux géo-trouve-tout qu’aux explorateurs de voies nouvelles.
De plus les nouveaux moyens de diffusions tels que le net nous placent dans une immédiateté apparente. Tout évènement, toute création, se doit de se placer sous le signe de la nouveauté (même si ce n’est pas vrai). Difficile dans ces condition de se rendre seulement compte que la magie à une histoire, et surtout quel profit en tirer. Si on s’arrête aux apparences, il n’y a jamais eu autant de créations en magie qu’en ce moment.
Le paradoxe c’est que l’on voit beaucoup de jeunes magiciens (2 ou 4 ans de pratique) qui par ce surplus d’information ont l’impression d’avoir fait le tour de ce qui se fait en magie. Ils se tournent alors vers ce qui leurs semble être la pointe de la discipline. C’est parfois le mentalisme tendance « c’est pas de la presti, c’est vachement plus profond parce que les gens y croient presque que t’as des pouvoirs… », ou encore la cartomagie extrême version quadruple coupe retournée frappée in your face, ou bien encore des modes comme le « street-magic » (superbe imposture qui consiste à faire prendre de la magie formatée pour la télé pour de la magie de rue).
Ce qui est vrai dans tout ça c’est que la magie est une discipline dont on a vite fait le tour si on en reste au premier degré. Le flot de nouveautés ne peuvent pas nous mettrent sur la voie d’une magie artistique et créative et cela je pense qu’on le sent très vite d’où les errements en recherche de sens que j’ai cité plus haut.
Il y a donc une nouvelle attente qui se profile : celle de toute une nouvelle génération de magiciens, très nombreux et qui ne demandent qu’à être passionnés avant d’accumuler trop de déceptions par rapport à une discipline qui a attisée leur curiosité à un moment donné.
L’enseignement peut être une réponse à cette attente. Mais il doit nécessairement apporter autre chose que ce que tout un chacun peut aujourd’hui se procurer facilement par ses propres moyens, et faire comprendre à l’élève qu’elle est la juste place des trucs auxquels il accès. Les remettrent à leurs place dans une histoire de la magie qui n’a pas commencée avec le net et leur donner sens en tant que discipline artistique. Toutes ces choses que l’on ne commence à toucher du doigt qu’au bout de 10 ans d’observation et de pratique si l’on ne s’est pas fourvoyé entre temps.
Cela est vrai pour tout ce qui fait le monde magique : les professionnels, les amateurs, les clubs, les marchands, les revues, les forums. Ceux qui sauront évoluer sont ceux qui comprendront que le mouvement actuel est voué à créer des cycles à courte durée de vie s’épuisant eux même, mais qu’il est le terrain possible d’une nouvelle génération de magicien. La transmission à cette nouvelle génération peut apporter beaucoup à la magie en permettant par exemple l’édition de livres un peu plus « pointus » qui n’auraient pas trouvés un public suffisamment large il y a seulement 10 ans pour risquer une publication ou une traduction.
Les cercles qui voient entrer des nouveaux venus doivent aussi prendre conscience de cette situation : avec l’apparition du P2P ils n’intéresseront bientôt plus les maniaco-dépressifs de la photocopieuse qui remplissaient souvent les réunions. Cependant les habitués des forums voudront un jours se rencontrer avec le désir de faire de la magie pour de vrai.
Penser que seuls les forts survivront c’est nier l’intérêt de la magie dans cette affaire : c’est peut-être la transmission qui sortira perdante si le monde de la magie ne sait pas s’adapter et ne défend pas son aspect historique et culturel avec des moyens qui évoluent eux aussi.
Les quelques modèles de cultures qui ont crut pouvoir se développer sur le schéma de l’évolution naturelle n’ont pas fait long feu et c’est tant mieux.