Ci-joint un texte que Didier PUECH vient de me faire parvenir :
Adieu Jacques Delord
On ne peut pas laisser s'envoler Delord sans dire deux mots sur lui.
Les plus anciens et les mimimum cultivés n'apprendront rien, mais la cohorte péremptoire des zappeurs et des gavés depuis la naissance au tuyau internet ne doivent pas connaître cet acteur-magicien qui avait le gros défaut de ne pas sortir un DVD par an et pédaler dans le vide sur les forums où le dernier des abrutis a le droit démocratique d'étaler son ignorance. Il a aussi le devoir d'acquérir un chouia de culture magique.
Je ne m'exprime pas généralement sur les sites internet (qui sont une merveilleuse technologie, comme la télévision, mais utilisés sans regard critique, sans recul et sans - comme aimerait sans doute le dire Delord - SANS AME). Pour Jacques, pour son souvenir, je vais tenter de donner quelques repères sur cet homme exceptionnel et cet artiste aussi talentueux qu'ignoré.
Comme des musiciens ont mis des notes sur des textes de chansons, Jacques Delord a posé des mots sur des routines de cordes. Sans doute le premier, dans les années 60, à peine sorti d'une jeunesse baignée par le théâtre et la poésie.
Sa trilogie (Sois le Magicien, Sois l'Enchanteur, L'Eternel Magicien) le révèlera auprès d'une adolescence sans jardin de l'illusion jusque dans les années 70 entâchées des émissions de physique amusante qui rabaissaient l'art magique au rang de truc.
Ce mot vulgaire que ne supportait pas Jacques Delord. Il présentera et co-produira en 1976 sur FR3 une émission culte : Les Ateliers du Magicien, qui traceront quelques sillons initiatiques pour de désormais quadragénaires parfois nostalgiques...
Jacques Delord a eu sa période théâtre, cabarets, livres, télévisions, voyages... avec une constante : l'écriture ! Evidente pour la trilogie qui nous tient à coeur, mais toujours présente quand il écrit les scénarios des Ateliers du Magicien. Quand je lui ai demandé une chronique régulière dans Magicus, j'étais très intimidé et, peu à peu, il a appris à connaître Magicus pour lequel il avait une affection et une fidélité touchante.
Je me souviens, lors de ma première rencontre avec lui, en 1989 (je l'avais engagé au festival de Toulouse alors que plus personne ne parlait de lui), il m'avait dit la main sur le coeur : "vous savez, Didier, pour moi la magie ce n'est qu'un passage". Aujourd'hui, au lendemain de sa disparition, je crois avoir un peu compris le message...
Nous venions à peine de lui consacrer un numéro spécial de Magicus et, avec le recul, je suis très fier de l'avoir fait car, au-delà d'avoir fait notre boulot de journalistes, nous lui avons procuré une grande joie même s'il nous confiait : "je suis très touché, je ne me mérite pas tout ça, j'aimerai être celui que vous décrivez dans ce Magicus".
Avec le départ de Delord, Magicus perd un ami fidèle, contre vents et marées, et la magie perd un maillon fort de la chaîne artistique, un anneau de corde qui a rompu sans prévenir, non pas comme un tour de magie raté mais comme une bouée qui s'éloigne dans l'océan houleux.