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KASSAGI : un artiste


Jean REGIL

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J’ai trouvé cette video de KASSAGI sur internet.

http://video.google.fr/videoplay?docid=-2478672228962056908&q=KASSAGI

C’est intéressant, car nous avons très peu de documents sur cet artiste. Il y a 5 ou 6 ans j’avais écrit un article sur lui dans la « Revue de la prestidigitation ». Je vous le remets là pour que l’on n’oublie pas cet artiste exceptionnel :

KASSAGI : UN ARTISTE

Dans les années 70 les stars magiques de la télévision étaient : Majax, Garcimore, Delord, Webb et Kassagi. Ce dernier est, peut-être, le plus oublié pourtant il était à mon avis un très grand artiste. Bien sûr, dans sa grande époque il avait réussi à énerver presque tout le monde avec son caractère un peu spécial, mais quel homme de scène !

Il était d’origine tunisienne et était arrivé en France, bien avant, avec un numéro de Pickpocket d’une haute technicité (on peut découvrir son incroyable présence animale dans le film « Pickpocket de Robert Bresson – les premiers plans où on le voit de loin sont extraordinaires), puis il avait monté un numéro d’apparitions d’oiseaux qu’il présentait en se faisant passer pour un espagnol (C’était la guerre d’Algérie et il essayait de dissimuler ainsi le fait qu’il soit arabe). Finalement il s’était lancé dans le spectacle complet avec des grandes illusions.

J’ai eu la chance de bien le connaître. Plusieurs fois j’ai logé chez lui. Il m’a toujours accueilli avec une grande gentillesse, mais en jouant toujours un peu son rôle de Magicien. Il me disait : « Si je joue la star ce n’est pas par prétention, c’est pour être respecté. Et si je veux être respecté c’est pour avoir de bonnes conditions de travail. C’est pour pouvoir présenter de la bonne magie dans de bonnes conditions ».

Il avait une immense connaissance sur les éclairages de scène. Je l’ai vu répéter son show de scène. De 9 H du matin à 18 H il a répété ses lumières. L’après-midi j’avais vu dans les coulisses le matériel pour sa lévitation : un vieux chariot rouillé roulant sur des rails cloués dans le sol. Un matériel astucieux mais complètement vétuste. Le soir il faisait flotter une femme en plein milieu de scène, lui se tenant là, un rictus sur le visage, au milieu des éclairs, de la fumée et du tonnerre. C’était Méphistophélès en personne. Le public avait la chair de poule. Je crois que c’est une des plus belle lévitation que je n’ai jamais vue.

Il a finalement voulu aller au bout de son rêve en risquant tout ce qu’il avait pour la construction d’un grand établissement à Hammamet où il allait pouvoir présenter la magie dans des conditions idéales. La chance n’était pas avec lui. Il avait joué, il a tout perdu. Cela l’a brisé, lui et sa famille. Il m’avait dit : « Si j’échoue, je ne reviendrais pas en France, car je ne supporterais pas les regards ironiques des confrères ». Il a fini par revenir discrètement – « La France me manque trop » - et mourir plus discrètement encore.

Mais finissons par le commencement.

Aux alentour de mes 16 ans j’avais déjà entendu parler de Kassagi par des articles mais ne l’avais jamais vu. Or, un jour, dans le Progrès de Lyon je vois une publicité indiquant que Kassagi était programmé pour le réveillon de fin d’année du Casino de Charbonnières les bains. Je tarabuste mes parents et obtiens une place pour cette soirée en guise de cadeau de Noël. Le jour dit je me pointe là-bas. Le plus jeune des spectateurs devait avoir 65 ans. Le Maître d’hôtel me demande si je ne me suis pas égaré, puis comprenant que c’est par passion de la Magie que je suis ici il me donne une place au premier rang sur la droite de ce qui était en fait une piste de cabaret. Au fond un orchestre joue des musiques suaves. Je mange mon repas au milieu de tous ces gens qui se demandent bien ce que je fous ici. Sans importance : je vais voir Kassagi au dessert. Et enfin le moment arrive : Une courte annonce, une fanfare, et Kassagi rentre. Quand je dis rentre je devrais plutôt dire surgit. Il bondit en effet sur scène vêtu en Espagnol. Il fait la plus courte canne volante que je n’ai jamais vu : un aller retour puis un geste à l’espagnol à gauche – un bouquet de fleurs plumes se plante par terre – un geste à droite et un deuxième bouquet se plante à 10 cm de mes pieds. Ensuite il se met à genoux, tord ses mains et son visage et d’entre ses doigts naît une perruche. Je dis bien naître car c’est d’un véritable accouchement qu’il s’agit. Vont suivre dans le même style de nombreuses apparitions de colombes et de perruche. Le tout entrecoupé de pas de danse espagnols. Quand il ne danse pas, il marche comme un félin. Le public est tétanisé par l’artiste. A un moment donné il prend un journal et tourne les pages une par une, une des pages fait 20 cm d’épaisseur, ce n’est pas une page c’est un édredon – personne ne voit rien il regarde le visage de l’artiste qu’on ne peut pas ne pas regarder. Ensuite il crève le journal et produit des foulards. Une musique rock enchaîne. Kassagi continue de produire ses foulards en se jetant par terre. Fascinant !

Depuis l’élégant Channing Pollock les numéros de colombes ont fleuri en grande quantité, mais c’est la première fois qu’un artiste en présente un de façon entièrement nouvelle. Le show se termine me laissant estomaqué. Je demande l’addition. Le Maître d’hôtel, décidément très gentil me demande si je veux qu’il demande à Kassagi de venir me voir à ma table. Et là je m’entends répondre, à ma grande horreur, non non surtout ne le dérangez pas. Deux secondes après je me dis que je suis vraiment trop con. En fait je suis en train de mourir d’envie qu’il vienne à ma table. Bon je rentre chez moi avec deux choses que j’ai découvertes sur moi : je suis un crétin et deuxièmement je laisse tomber la magie car je suis un nul.

Ce spectacle après m’avoir causé une courte déprime de quelques heures devait finalement me motiver et deux jours après je me jetais par terre, dans ma chambre, en jetant des foulards en l’air. Cependant fait curieux je ne retrouvai pas le même effet avec moi que celui que j’avais vu avec Kassagi. En fait j’étais ridicule !

Un an ou deux plus tard je travaillais comme vendeur – démonstrateur chez M. Séraphin, le marchand de trucs lyonnais. Et un beau jour qui vois-je arriver : Kassagi.Il est sapé comme un milord et se comporte en star. Il me demande en relevant un sourcil et avec un petit sourire ironique ce que nous avons comme nouveauté. Pas grand chose qui puisse l’intéresser. Puis il me demande, si par hasard, je ne connaîtrais pas quelqu’un, sur Lyon, qui aurait des affiches de Magie à vendre. Mon cœur bondit. Je connais M. Letellier, président de l’Amicale Robert-Houdin de Lyon qui a des affiches. Je demande ma journée à Seraphin et je propose à Kassagi de l’emmener avec ma voiture qui n'est garé pas très loin. Il me regarde m’agiter fébrilement, toujours le sourcil relevé et le sourire virant sur l’amusé puis me dit qu’il en serait enchanté. Je cours chercher ma voiture, et là je ne sais pas quelle idée me traverse la tête – sans doute la terreur de tomber en panne avec la star – je vérifie l’huile. J’amène la voiture devant le magasin et j’emmène mon passager à la Croix-Rousse (Pour ceux qui ne connaissent pas Lyon c’est en haut d’une colline et ça grimpe sec pour y aller) A un feu rouge Kassagi me demande : « C’est normal cette fumée » et là je vois effectivement une fumée épaisse sortir du capot. Je me rue dehors, ouvre le capot et reçoit une bonne giclée d’huile sur la figure et sur ma chemise. J’avais mal refermé le bouchon quelques instants auparavant et il a sauté. Je colmate avec des bouts de chiffon et remonte dans la voiture couvert d’huile de la tête aux pieds. « Un problème ? » interroge mon passager. « Non non c’est rien ». Finalement nous sommes arrivés chez M. Letellier. Il a eu ses affiches et je l’ai ramené à son hôtel. Et là, pour me remercier, il me demande si je veux bien accepter une invitation à dîner avec lui. Je montre mes vêtements avec un geste désespéré. « Aucune importance » répond-il à ma muette remarque. Et nous rentrons dans le 4 étoiles où il loge. Il demande au Maître d’hôtel s’il n’est pas trop tard pour manger. Celui- ci me regarde, parfaitement dégoûté, se tourne vers mon hôte arabe puis lâche le oui très très résigné d’un homme qui est en train d’assister à la décadence d’une civilisation. Pendant tout le repas il est assez désagréable et au moment du dessert quand Kassagi lui demande s’il serait possible d’avoir la carte il va la chercher, la balance sur la table et part dans la cuisine. Je vois Kassagi pâlir, puis réfléchir, puis bondir. Il va dans la cuisine et se met à hurler après le Maître d'hôtel. Il lui dit qu’il est là pour obéir et sourire. Que s’il y avait un problème il avait qu’à le dire au début. Il le prend par les revers de la veste et le traîne au milieu de la salle à manger en continuant de crier : « Vous êtes payé pour sourire – souriez ! » Il crie tellement fort que des clients sortent de leurs chambres pour venir voir ce qui se passe. Un scandale – Et moi dans mon coin, toujours couvert d’huile ! Finalement les choses font ce qu’elles sont bien obligées de faire : elles se tassent. On se donne rendez-vous pour le lendemain 10 H pour se revoir. Le lendemain j’arrive (propre), je frappe à la porte de la chambre. Un magistral « Entrez » me répond, je m’exécute et découvre le Maître assis en tailleur sur son lit avec ses chiens tout autour de lui batifolant dans les draps. A peine le temps d’échanger trois mots et quelqu’un frappe à la porte. C’est le Maître d’hôtel avec un plateau d’amuse-gueule. Je n’oublierai jamais le dialogue qui suivit :

• « Bonjour M. Kassagi, j’espère que vous avez bien dormi M. Kassagi, il nous reste quelques biscuits d’apéritifs et j’ai pensé qu’ils pourraient faire plaisir à vos chiens M. Kassagi »*

• « C’est très gentil de votre part posez-les par terre. »

• « Voilà c’est fait – Surtout si vous désirez quoi que ce soit n’hésitez pas à m’appeler personnellement M. Kassagi »

Et la porte se referma.

« Tu vois ! » me dit mon nouvel ami.

Voilà, si d’autres artistes avaient des anecdotes sur KASSAGI, ce serait intéressant de nous les faire partager.

Modifié par Thomas THIÉBAUT
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Jean Regil

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Bonjour Jean !

Perso, je suis hyper content de découvrir grâce à toi cette vidéo,

de te lire ! MERCI !

J'avais jusqu'alors cherché en vain un document !

Comme j'aimerais que d'autres de tes collègues

nous fassent partager de tels instants !

Jean-Yves

Jean-Yves Loes (Petitbonhomme)

http://www.lamagiedupetitzebulon.com/

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Bonjour.

C'est vrai mais je pensais à un document sur scène,

en télé, en public.

C'est marrant, je croise réguliérement Pierre Etaix

dans le métro, à Pigale, à Montmartre...

Jean-Yves

Modifié par petitbonhomme

Jean-Yves Loes (Petitbonhomme)

http://www.lamagiedupetitzebulon.com/

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Merci pour la vidéo ;)

Sinon, j'ai toujours une reproduction d'un pastel de Pierre Etaix à vendre, si ca intéresse quelqu'un...

Modifié par tanhouarn

« La préservation de la vérité objective et de la capacité de chaque individu à former des jugements objectivement vrais est la condition première et absolument nécessaire d’une vie libre » (James Conant, in Orwell ou le pouvoir de la vérité, p. VIII).

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Cela fait un bon moment il me semble...

C'etait un ami de mes parent et ca a été mon premier livre dédicacé avec sa boite magie 2000... arf j'avais 7 ans...

Magie%202000.jpg

Les créateurs de boites actueles devraient en trouver une et s'en inspirer... Tout le materiel était pensé et fait pour des petites mains de gosses... Boulles exelciores en métal entre autre... que du bon...

Modifié par Xavier Nicolas
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Merci Regil pour avoir partager cette anecdote.

Moi je l'avais vu sur une emission de "coucou c'est nous", ça m'avais traumatiser, il prenait montres et portefeuilles à des vrais passants dans la rue, sous le couvert d'une bousculade.

j'avais enregistré l'extrait, malheureusement je le retrouve plus...

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Voici quelques scan de mes archives personnelles.

Malheureusement, je n'ai pas toujours noté les journaux dans lesquels, gamin, je découpais amoureusement tout ce qui concernait la magie...

kassagi4lw0.jpg

kassagi3xs4.jpg

kassagi2sh8.jpg

kassagi1np5.jpg

J'avais enregistré sur cassette audio l'émission suivante. Malheureusement, le temps a eu raison de son magnétisme, et je n'ai pas eu le loisir de la dupliquer sur un autre support...

... peut-être petitbonhomme saura la retrouver ?

kassagi5wf9.jpg

Bob

  • magicbob3d.deviantart.com
  • Tolérance : c'est quand on connaît des cons et qu'on ne dit pas les noms (Pierre Doris - Humoriste 1919-2009)
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