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Publié le

(Mode rigolade off)

C’était il y a vingt ans, lors d’un de ces déjeuners dominicaux avec ma belle famille.

A cette époque, je venais de m’initier au cold reading et je rehaussais mes effets cartomagiques en ajoutant ça et là quelques lines (à la manière de ce que préconise Richard Webster dans la première partie de ce livre). Je pratiquais essentiellement, à cette époque, le stock reading (ou formula reading) qui consiste à apprendre par cœur des formules toutes faites et à les ressortir au moment opportun. Je m’étonnais moi-même de la puissance de ces lines et de voir à quel point les spectateurs pouvaient se réapproprier des généralités qui venaient résonner (et raisonner) avec un vécu personnel.

Après le repas, on me demanda, comme souvent, de faire quelques tours. Je me souviens que j’ai montré une version du tour de cartes connu sous le nom de Vietnam. Je me retrouvais donc, à la fin, avec mes deux cartes de prédiction + la carte choisie. Et je me lançais donc, tout naturellement, dans une pseudo interprétation des trois cartes en balançant deux ou trois phrases d’une de mes formules. Mon reading était plus que basique. Il parlait de changement et de renaissance à une nouvelle vie. Je tournais le tout de manière positive, j’avais bien appris ma leçon. Ma belle sœur était le cobaye.

Un peu plus tard dans l’après midi, mon beau frère me prends à part… Visiblement très ému et éprouvé, il se met à me dire que tout ce j’avais dit à sa femme durant le tour de cartes était vrai… Qu’elle a vraiment envie de changer de vie… Qu’il ne sait plus quoi faire… Qu’ils ne se comprennent plus… Ce jour là, je fus le premier membre de la famille à apprendre qu’ils allaient divorcer (secret que j'ai du garder, ensuite, plusieurs mois).

Des anecdotes comme ça je pourrais, peut être, en raconter des centaines.

Je vous livre l’histoire telle qu’elle. Faites en ce que vous voulez…

Le jour où tu te rends compte que le monde n'existe pas, la vie devient plus simple.

Paul Binocle

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Oserais-je vous narrer l'histoire de cette frêle jeune fille que j'ai détourné du suicide en lui murmurant de beaux mensonges et lui certifiant qu'elle ne mourrait pas cette année, ni la suivante. J'aurais pu, par éthique, me contenter de lui faire le ding dong de Goshman et l'inviter à revenir après la visite chez le psi qui ne pouvait pas la recevoir avant trois mois et surtout pas le jour du réveillon. Il y a des râteaux douloureux qui mènent aux stupidités létales, ma grande barbe de patriarche est alors, parfois, plus rapide qu'une blouse blanche.

J'en ai des paquets de telles histoires pouvant me conduire au bûcher.

Mais j'ai aussi de belles histoires où, au Pochtron's bar, je faisais voyager des capsules de mousseuses d'une main à l'autre. J'ai encore un peu d'humain en moi...

Modifié par GRANDOZZIO

T'as vu ? Y'en a plus !

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Moi je n’ai pas réussi à empêcher le divorce de ma belle sœur et je n’ai d’ailleurs nullement essayé de le faire.

Des anecdotes comme celles-ci m’ont néanmoins, très vite, fait comprendre certaines choses. Comme, par exemple, le fait que le cold reading (même à petites doses et même mal fait) est susceptible de faire basculer la prestation magique dans autre chose que du spectacle et du divertissement.

Le spectacle et le divertissement ne sont, tout simplement, pas dans l’ADN du cold reading.

Psychic Entertainer est une oxymore.

Le jour où tu te rends compte que le monde n'existe pas, la vie devient plus simple.

Paul Binocle

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(Mode rigolade off)

C’était il y a vingt ans, lors d’un de ces déjeuners dominicaux avec ma belle famille.

A cette époque, je venais de m’initier au cold reading et je rehaussais mes effets cartomagiques en ajoutant ça et là quelques lines (à la manière de ce que préconise Richard Webster dans la première partie de ce livre). Je pratiquais essentiellement, à cette époque, le stock reading (ou formula reading) qui consiste à apprendre par cœur des formules toutes faites et à les ressortir au moment opportun. Je m’étonnais moi-même de la puissance de ces lines et de voir à quel point les spectateurs pouvaient se réapproprier des généralités qui venaient résonner (et raisonner) avec un vécu personnel.

Après le repas, on me demanda, comme souvent, de faire quelques tours. Je me souviens que j’ai montré une version du tour de cartes connu sous le nom de Vietnam. Je me retrouvais donc, à la fin, avec mes deux cartes de prédiction + la carte choisie. Et je me lançais donc, tout naturellement, dans une pseudo interprétation des trois cartes en balançant deux ou trois phrases d’une de mes formules. Mon reading était plus que basique. Il parlait de changement et de renaissance à une nouvelle vie. Je tournais le tout de manière positive, j’avais bien appris ma leçon. Ma belle sœur était le cobaye.

Un peu plus tard dans l’après midi, mon beau frère me prends à part… Visiblement très ému et éprouvé, il se met à me dire que tout ce j’avais dit à sa femme durant le tour de cartes était vrai… Qu’elle a vraiment envie de changer de vie… Qu’il ne sait plus quoi faire… Qu’ils ne se comprennent plus… Ce jour là, je fus le premier membre de la famille à apprendre qu’ils allaient divorcer (secret que j'ai du garder, ensuite, plusieurs mois).

Des anecdotes comme ça je pourrais, peut être, en raconter des centaines.

Je vous livre l’histoire telle qu’elle. Faites en ce que vous voulez…

je trouve ton histoire très instructive !!

beau frère en détresse, effet barnum, envie de se confier .

Publié le
je trouve ton histoire très instructive !!

beau frère en détresse, effet barnum, envie de se confier .

C’est effectivement fort bien résumé !

Utiliser des lines de stock reading c’est un peu comme lancer une allumette enflammée dans un récipient dont tu ne connais pas le contenu. Tu ne sais pas comment tout ça va interagir. Cela peut faire pschitt si ça arrive dans une flaque d’eau mais tu peux, tout aussi bien, rencontrer des substances inflammables voire explosives.

L’art du cold reading repose plus dans la gestion de ce que tu provoques que dans l’allumage de la mèche (allumer la mèche est, somme toute, une chose assez facile).

Apprendre à gérer ce que tu déclenches (pour les autres et pour toi-même) prends des années et dépasse largement le cadre du spectacle.

Le jour où tu te rends compte que le monde n'existe pas, la vie devient plus simple.

Paul Binocle

Publié le (modifié)
Moi je n’ai pas réussi à empêcher le divorce de ma belle sœur et je n’ai d’ailleurs nullement essayé de le faire.

Des anecdotes comme celles-ci m’ont néanmoins, très vite, fait comprendre certaines choses. Comme, par exemple, le fait que le cold reading (même à petites doses et même mal fait) est susceptible de faire basculer la prestation magique dans autre chose que du spectacle et du divertissement.

Le spectacle et le divertissement ne sont, tout simplement, pas dans l’ADN du cold reading.

Psychic Entertainer est une oxymore.

Mes compliments à votre belle-sœur et à Madame Oxymore.

Si vous aviez connu les spectacles d'André Sanlaville ou de Dominique Webb vous sauriez que le cold reading et la voyance, tout comme le fakirisme, les calculateurs phénomènes, les télépathes, les ombromanes, les animaux savants, les ingurgiteurs, les médiums et les derviches tourneurs peuvent faire partie du spectacle. On appelle cela les arts annexes (ou pire : le mentalisme). La seule condition est : qu'ils soient un divertissement. On peut se faire tirer les cartes ou lire les lignes de la main, juste par curiosité amusée et non pour savoir si on va guérir du stupedium gallopicus qui pousse au bout de son nez. Les salons de la voyances ne sont pas nécessairement des pèlerinages à Lourde mais parfois un voyage vers le mystérieux magique.

Vouloir à tout prix surprotéger les spectateurs en les infantilisant est une lobotomie sucrée "Ne faites pas ceci à la maison", "A déguster avec modération", "Le tabac tue", "Sortez couverts", "Ce n'est pas de la magie mais un truc", etc, etc.

Je connais même un voyant qui a la monstruosité d'avoir la magie comme hobby ! Sur la planète des Ricains il serait une oxymore (Psychic Entertainer) car il pourrait mélanger les styles sans se faire tabasser.

Ici, ce n'est pas demain la veille, et c'est bien fait !

On ne peut pas faire des compétitions d'apnée si on commence à peine à savoir nager.

Modifié par GRANDOZZIO

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En effet le cold reading semble à la longue pouvoir se révéler dangereux pour les chevilles de ceux qui le pratique.

Le Cold-Reading à vous lire (!) ne semble pas être, comme on pourrait le penser à tort, l'art de tirer des informations à froid d'une personne lambda.

Mais tout au plus un truc pour donner l'illusion à une personne qu'on en sait beaucoup sur elle, comem le pumping n'est qu'un truc pour retrouver une carte.

Là où c'est intéressant pour le cold-reading c'est que le spectateur se crée sa propre illusion par un effet Barnum.

Loin de toute considération éthique ou morale, le fait de donner une teinte de voyance intrusive dans l'intimité du spectateur peut ne pas être du goût de tout le monde.

Jean Merlin le dit, Shiva le raconte...

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Le Cold-Reading à vous lire (!) ne semble pas être, comme on pourrait le penser à tort, l'art de tirer des informations à froid d'une personne lambda.

Mais tout au plus un truc pour donner l'illusion à une personne qu'on en sait beaucoup sur elle, comme le pumping n'est qu'un truc pour retrouver une carte.

Là où c'est intéressant pour le cold-reading c'est que le spectateur se crée sa propre illusion par un effet Barnum.

Si, le cold reading est l'art de tirer des informations à froid d'une personne lambda. Mais le cold reading pour magicien est l'art de faire croire, à un spectateur au courant de cette technique, qu'on pratique le cold reading en utilisant l'effet barnum et un petit peu de sens de l'observation.

Tous les (excellents) livres "secrets" de Webster (car il en a écrit beaucoup d'autres pour le grand public, je vous invite à en faire la recherche pour votre époustouflante découverte) et basés sur le cold reading sont faits pour se vendre en qualité de voyant et non de prestidigitateur. C'est un chef d’œuvre de cynisme aux yeux des puritains de la magie prouprout. Cette forme de la magie est admise dans d'autres contrées, tolérée ou sulfureuse chez d'autres tout comme le Gospel Magic totalement inconnu (Dieu nous en garde) chez nous.

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Le Cold-Reading à vous lire (!) ne semble pas être, comme on pourrait le penser à tort, l'art de tirer des informations à froid d'une personne lambda.

Mais tout au plus un truc pour donner l'illusion à une personne qu'on en sait beaucoup sur elle

La seconde définition me semble, effectivement, beaucoup plus proche de la réalité.

Les deux définitions sont vraies mais chacune décrit une chose différente, une décrit le type d'effet (donner l'illusion qu'on en sait beaucoup sur une personne), la deuxième décrit un des procédés pour arriver à ce résultat (l'art de tirer des informations à froid). Les deux définitions sont donc justes mais partielles.

La confusion vient, aussi, du fait que l'expression "cold reading" désigne tout autant une famille d'effets que les (je dis bien LES !) méthodes et techniques pour produire cet effet.

Grandiozzo,

Je suis d’accord à 3000 % avec le fait qu’on peut se faire tirer les cartes ou lire les lignes de la main par curiosité amusée.

Et on peut aussi aller à Lourdes par curiosité. :)

Par ailleurs, je pense que vous me connaissez suffisamment maintenant pour savoir que je n’ai ni l’âme d’un moralisateur, ni celle d’un censeur. Mon propos ne vise pas à dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire mais à partager mon expérience.

Le lecteur est libre d’en retirer ce qu’il veut. Certains se diront « Oh la la… le cold reading est dangereux et devrait être interdit ! », d’autres penseront « Quel formidable outil, déclencheur potentiel de communication et d’aide ».

Que chacun choisisse et assume (ou pas).

Je ne me situe pas, ici, sur le plan de la morale mais sur celui de la conscience.

Le jour où tu te rends compte que le monde n'existe pas, la vie devient plus simple.

Paul Binocle

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Pour développer encore un peu plus (s’il est besoin) :

Mon anecdote peut être lue de deux façons (au moins !) :

- On peut se dire : Quelle horreur ! On n’a pas le droit de faire ça à des personnes qui ne demandaient rien d’autre que d’être diverties par un tour de cartes. tout ça juste pour "réhauisser" l'impact d'un tour. Etc.. etc.. (je pense que chacun connait le catéchisme des illusionnistes en la matière).

- On peut aussi se dire : Mon beau frère était rongé par la souffrance. Il n’arrivait pas à franchir le pas de se confier à une personne proche. Ce tour de cartes et le cold reading ont étés, pour lui, l’occasion de parler. Sans ce tour de cartes, il aurait peut être gardé sa souffrance en lui.

(bien sûr, dés qu’il s’est mis à me parler, je n’étais plus dans mon personnage de magicien ou de voyant mais dans celui d’ami)

Le jour où tu te rends compte que le monde n'existe pas, la vie devient plus simple.

Paul Binocle

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    • Et si l'on parle de "bouffée de l'humanité" : quelques portraits de la Fism à Rimini, là où l'humanité était encore plus palpable.... Qui me cite les noms ? 1er prix : Mon corps pendant 10 mn. Deuxième pris : une nuit d'amour avec moi; Troisième pris : Une vie avec moi !  
    • Bonjour, Heureux si j'ai pu partager avec certains quelques unes des émotions ressenties pendant les six jours de cette FISM. À propos d'émotions, le numéro du 1er prix en magie de salon en débordait. (précision : lors de son second passage sur "Fool Us" le tout début de ce numéro a déjà été montré : si vous ne l'avez pas déjà vu...alors tant mieux, gardez-vous de le regarder, vous vous gâcheriez une partie du plaisir de la version intégrale) *** Asi WIND dans « Incredibly Human » ou Derren BROWN dans son dernier livre se posent la même question : pour que dans un spectacle vivant et interactif une émotion sincère puisse naître, il faut que surgisse une connexion authentique entre l’artiste et son public. Dès lors, comment concilier en magie cette authenticité de la relation humaine avec un art qui est, lui, tout entier tourné vers l’artifice ? Ce jeudi 17 juillet à TURIN au matin, lors de la compétition de magie de salon, Mortenn CHRISTIANSEN a à sa manière si particulière fait surgir cette bouffée d’humanité dans un auditorium comble. *** Dès le départ tout est allé de travers pour le candidat danois Mortenn CHRISTIANSEN, appelé sur scène alors qu’il n’était absolument pas prêt. Mais alors pas prêt du tout, du tout, du tout. Le jeune homme bien portant boulottait des chips en douce dans les coulisses au moment d’entrer en scène, mais dans la précipitation, c’est la cata : sa main droite s’est coincée dans son tube de chips. Son désarroi est palpable. Pour tenter de sauver la mise de demander malgré tout une carte à un spectateur (Shawn FARQUHAR s’y colle, va pour le 4 de cœur) avant de s’apercevoir que son paquet de cartes est coincé dans la poche arrière droite de son pantalon -pas de bol, pile du côté de sa main bloquée dans le paquet de chips : au prix de moult contorsions Mortenn parvient à faire remonter peu à peu le paquet de cartes qui émerge de sa poche et finit par chuter sur scène. Il le ramasse de sa seule main libre -la gauche- sort les cartes et enchaine une série de piètres manipulations d’une main. Les maladresses succèdent aux maladresses, Mortenn peste, marmonne combien il n’était pas prêt, laisse lamentablement choir toujours plus de cartes, bref sa prestation tourne à l’embarras complet. Mais attendez, voilà que Mortenn ne tient plus qu’une seule carte, dos au public…se pourrait-il ? *** À cet instant la routine bascule : Mortenn fanfaronne : « Eh eh…vous avez cru que je n’étais pas prêt…et bien c’était pour de faux, j’étais prêt, archi-prêt… ». Qu’on se le tienne pour dit, on va voir ce qu’on va voir. Non pas bien sûr que quiconque dans la salle ait réellement cru à la farce de Mortenn pas prêt – même si cette séquence du pauvre garçon en prise aux pires coups du sort aura quand même suffit à susciter notre empathie immédiate envers lui-, mais nous voilà, nous dans la salle, passés en un clin d’œil de spectateurs à spect-acteurs, projetés dans le rôle qui nous est assigné : celui d’adultes face à un petit enfant trop content d’avoir roulé son monde dans la farine ; et nous allons, pour lui faire plaisir, faire comme si nous avions effectivement gobé la bonne blague de sa déroute feinte. Par sa personnalité scénique et sa mise en scène, ayé, le (vrai) tour est joué : le bras de fer potentiel public-magicien est illico désamorcé, nous consentons à entrer dans le monde de Mortenn, nous jouons à faire comme si nous avions vraiment cru qu’il était pris de court, et ainsi nous nous livrons pieds et poings liés au garnement. Mortenn est un enfant mais pas à la manière mettons d’un Rubi FEREZ- enfant lunaire, rayonnant et malicieux, qui s’émerveille de tout. Non, pour Mortenn le monde est vaste et compliqué ; puéril et hypersensible (donc hyper-attachant) il est en butte aux gens et aux choses qui le rendent bien, bien, malheureux. Et la magie est son salut. Et la vraie magie est que tout le reste de la routine va puiser sa justification précisément dans le personnage même de Mortenn CHRISTIANSEN, dans sa « revanche » face aux grandes personnes. *** Car à cet instant la routine bascule aussi en termes de nature d’effet magique : on va passer d’une démonstration burlesque d’habilité à retrouver une carte par des manipulations faussement maladroites, à un tout autre effet : une prédiction. Ou plutôt des prédictions. Les magiciens ont sans doute tendance à surestimer l’impact réel des effets de prédiction sur leur public, et, pour donner un semblant de construction dramatique à leur numéro, à multiplier les révélations sur le mode : « vous avez librement choisi le 4 de cœur…observez miracle ! C’est la seule carte à dos rouge dans ce paquet bleu… non seulement cela, mais j’ai aussi un 4 de cœur tatoué sur mon bras…et attendez un peu…une carte et une seule dans mon portefeuille le 4 de cœur… ». Le kicker jusqu’à plus soif. La surenchère de prédictions au lieu de décupler l’effet bien souvent l’amoindrit. On avait saisi le message dès la première prédiction révélée : ok le magicien a prévu l’avenir, quel besoin a-t-il donc de nous le « prouver » encore et encore ? L’insistance superflue éveille la suspicion : lors d’un spectacle vu il y a quelques temps j’entendis ainsi soupirer un spectateur au moment de la « trop parfaite » énième révélation : « Bon ok donc c’est le 4 de cœur tous les soirs... » (sic) (pages 46-47 de « Notes from a Fellow Traveler » D.BROWN explique la réécriture du final de son show « Enigma » suite à un exemple semblable d’accumulations d’effets redondants qui s’affaiblissaient mutuellement au lieu de créer la montée dramatique escomptée). Mortenn CHRISTIANSEN va réemployer cette structure « discutable » et lui aussi multiplier les prédictions de la carte choisie -au moins 5 de mémoire : alors pourquoi ici cela fonctionne-t-il si bien, jusqu’à déclencher une standing ovation ? Premièrement le choix initial est on ne peut plus convaincant, transparent : le spectateur nomme librement la première carte qui lui passe par la tête -le jeu n’est même pas encore sorti, et puis quelles manipulations possibles avec une main fourrée dans un paquet de chips ? Comme notre esprit rationnel est tranquillisé de ce côté-ci par une procédure rapide et limpide, il va se faire d’autant plus facilement submerger ensuite par notre esprit émotionnel. Car, deuxièmement, l’accumulation de révélations de prédictions de cette carte est motivée dramatiquement (et donc notre esprit rationnel le cède d’autant plus aisément à notre esprit émotionnel) : c’est juste le personnage immature de Mortenn qui piaffe ; il nous a bien eu, et vlan, vlan, vlan, prédiction après prédiction, le petit enfant jubile d’avoir joué un si bon tour à ces grands bêtas d’adultes. Et nous qui avions si volontiers consenti à entrer dans son jeu nous voilà refaits, désarçonnés face à une avalanche d’impossibilités grandissantes. Ici c’est donc du personnage que part la construction dramatique de la routine et sa multiplication des effets de prédictions. Et non pas d’un personnage de magicien surplombant qui pour accroitre son prestige, prédictions après prédictions, essaierait (vainement) d’étoffer le mystère ; mais bien d’un personnage enfantin qui a gagné notre sympathie et que l’on regarde tendrement trépigner d’avoir enfin le dessus sur les « grandes » personnes que nous sommes. Le martèlement des effets reflète la psychologie de Mortenn. D’un point de vue magique, la rafale de révélations sature notre esprit rationnel : à peine est-il parti en chasse d’un début d’explication potentielle d’une des prédictions qu’une autre surgit encore plus mystérieuse (on n’est pas ici face à un même effet strictement répété avec des méthodes différentes qui se protègent mutuellement - voir la carte ambitieuse dans "Le Chemin Maqique" de J.TAMARIZ- mais bien face à une même carte prédite de manières très variées). Le crescendo est assuré par l’animation puérile croissante du personnage trop content de nous avoir bien eus, par des prédictions de plus en plus incompréhensibles donc (variées aussi en échelle et supports), et enfin par une série d’effets annexes qui rythment l’emballement final du numéro et brisent l’enchainement de prédictions seules : production de deux verres de jus d’orange, une carte transformée en chips, une autre en écouteurs, et même un quick change mi-foiré - l’enfant Mortenn a mis sa chemise à l’envers. Et tout cela en harmonie avec le personnage :  on se souvient comment il avait au début joué sans ambages de sa morphologie pour péniblement extraire les cartes de son pantalon (d’ailleurs comme un callback il se dandinera une seconde fois au cours de la routine pour extraire une seule carte de son autre poche arrière), c’est cette sincérité-là vis-à-vis de ce qu’il est, physiquement et mentalement, qui fait qu’on se figure assez Mortenn se couper d’un monde compliqué pour lui avec ses écouteurs, en mangeant ses chips, parfois même peut-être essaye-t-il de socialiser en offrant des verres de jus d’orange sans voir qu’on rigole dans son dos de ce qu’il est mal fagoté. Tout un petit monde, toute une humanité simple, dans les pas dix minutes d’un « bête » tour de cartes. *** Plus tard ce même jour alors que j’évoque avec Shawn FARQUHAR son documentaire « Lost in the Shuffle » il soupire, soulagé : enfin quelqu’un qui lui parle d’autre chose que de ce satané 4 de cœur de la compétition du matin avec Mortenn CHRISTIANSEN. Il a visiblement été assailli toute la journée par des spectateurs persuadés de sa complicité avec le magicien danois – une complicité pourtant clairement interdite par le règlement du concours. Le 4 de cœur ?, me dit-il, c’est tout simplement la carte qui avait été choisie lors de sa propre victoire à la FISM en 2009.
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