HYPNOTISÉE PAR LES LIONS
Un drame dans une cage. — L'endormie à la jambe de bois. - Ce que rapporte un coup de crocs.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER) Béziers, 27 mars.
Je vous télégraphiais en décembre dernier le terrible drame qui s'était produit dans la cage des lions de la ménagerie Redenbach.
Le lion Nancy se précipitait sur miss Sterling, endormie dans la cage par l'hypnotiseur Dorsay, et broyait de ses crocs l'articulation du genou de cette pauvre fille.
L'affaire est venue, sur poursuites du parquet, devant le tribunal correctionnel de Béziers. Le docteur Cavalier expose le genre de blessure reçue par la jeune fille. Jugeant qu'il y avait impossibilité de conserver le membre atteint, il fit appeler en consultation MM. les docteurs Thomas, Bourguetet, M. le major Clément.
Tous furent unanimes à déclarer que l'amputation s'imposait, et l'opération eut lieu le lendemain de l'accident-; elle réussit.
On apprend à l'audience, non sans quelque surprise, que jamais miss Sterling, qui est née à Ax (Ariège), et qui répond au nom de Joséphine Payol, n'a été hypnotisée. Le sujet de Dorsay était trop sous la terreur des lions pour subir l'influence de l'hypnotiseur.
Celui-ci reconnait de même que jamais il n'a pu hypnotiser son sujet dans la cage des lions.
M. le président. Il n'y avait que le public de fasciné.
Les employés de la ménagerie vantent beaucoup la douceur du lion Nancy.
M. le président. — La douceur d'un lion est mêlée d'amertume.
Miss Sterling s'avance sur ses béquilles et parait bien rétablie.
M. Redenbach a payé toutes les dépenses nécessitées par la maladie de la blessée, et lui a compté un subside dont elle se déclare satisfaite.
L'hypnotiseur Dorsay, qui s'appelle Cabaret, est un ancien directeur d'agence lyrique. Il répond, à l'interrogatoire, qu'il a couru les mêmes dangers que son sujet.
Maitre Benoit défend M. Redenbach. Le physicien est défendu par Maitre Lau.
Le tribunal condamne Redenbach à 100 fr.
d'amende, et Cabaret à huit jours de prison.