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[Réflexion] Renouveler ou pas un numéro ou un spectacle ?


Mathieu

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Le fait de plaire au personnel du cabaret et de plus au patron n'est pas négligeable non plus. Ceci dit je confirme les propos de Danilsen, quand on à un bon numéro il est difficile d'en changer. Les agents vous connaissent avec ce numéro et ne prendront pas le risque d'un autre numéro. Mais là encore, est ce qu'il y a encore des agents, capable de de remplir une année de travail.

oui Claude !!

Lilette Voland , Roland Bertin, Pierre Fey, Chamalet, Carmen Bajot, Pierre Andrieu ! René de Lancio, Claude Marly, Victot Sissa, LOL

et oui DANY j'ai fait des contrats avec tous ces agents mais aucun n'est plus en activité c t une autre époque !!!!!!!!!

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C'est pour ça que nous avons du mal a comprendre la façon de faire le métier actuellement !

c'est comme pour les galas ,avant nous étions payé "au cul du camion" soit de suite en fin de gala, voir même avant !

fiche de paie , etc on avait tout le jour même,.

maintenant il faut attendre la fin du mois ,ou même plus !

le métier est à l'image de la société actuelle, ça va en se dégradant ,et on trouve ça normal !

Mais bon nous ne reverrons pas de si tôt 1789 ou 1968 !

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le métier est à l'image de la société actuelle, ça va en se dégradant

Oui, jadis les gens vivaient en bonne santé jusqu'à un âge très avancé dans le confort d'une fantastique sécurité sociale, la durée de travail était limitée à quelques heures par semaine et le reste du temps c'était loisir et hobbys, la médecine et la chirurgie étaient à leur apogée, tous les enfants qui venaient au monde avait une espérance de vie incroyable, tout le monde était chauffé, nourri, logé, la nourriture était saine et abondante, les rue propres, les personnes honnêtes, les conditions sanitaires étaient parfaites, oui, c'est sûr, la société d'avant, c'était le bon temps. ;)

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(extrait du livre "je suis une star comme tout le monde")

Genèse d’un numéro

« Otto, laisse tomber ! Toi, c’est les cannes et les lames de rasoir !»

Marc Albert

« Un comique sans écriture n’existe pas »

Gérard Sibel, 2007

Règle d’or :

- Si l’on ne sait rien faire, on devient magicien...

- Et si on est trop bête, trop con ou trop paresseux pour la

magie, on devient magicien comique !

Je me suis trouvé devant un dilemme : apprendre la levée double, ou monter un numéro comique. Voici donc le récit de l’odyssée de trois décennies de mon numéro comique « le champion de l’élégance ». Dans ce chapitre, je ne parlerai que de ce numéro, que de ces 10 minutes, rien d’autre, excusez du peu. Dans ma vie, j’ai monté deux spectacles de café-théâtre. Temps de préparation pour chaque show : deux mois. Pas plus. Comment est-il possible que pour un simple numéro de, disons 10 minutes, on ait besoin de toute une vie, et encore ?? Mystère ! Je ne peux pas l’expliquer ! Demandez-moi comment écrire un scénario, demandez-moi d’écrire un sketch : je pense connaître la recette. Mais il m’est impossible de vous donner la recette pour monter un numéro comique de 10 minutes qui fera le tour du monde. Je vais donc vous raconter le parcours de ce numéro. Avec toutes les joies, tous les bonheurs, toutes les déceptions et tous les chagrins que j’ai pu rencontrer et éprouver. C’est l’un des numéros les plus télévisés du monde, malgré le fait qu’il ne soit toujours pas « terminé ». C’est peut-être ça le secret ??

1963 : J’ai 18 ans : les copains de la fête foraine où je travaille, me conseillent de me coller une moustache (pour faire vieux, un comique doit être forcément vieux...), et de monter un numéro comique. Et tout ça parce qu’ils ont vu le film « La nuit d’Europe », où il y avait un magicien - drôle - qui ratait tous ses tours. C’était… ! Je me fous du film, je vais même pas le voir, je suis un manipulateur sérieux : empalmage de huit dés à coudre, production de 13 boules de billard, and all of them « bodycharges » à la Buckingham !

Or, un après-midi, un accident a lieu : ma table, pleine d’accessoires se renverse sur scène : le public rit, moi, je suis vexé. Une autre fois, j'entre en scène et un enfant demande à sa maman : Maman, c’est le Guignol ? La salle était pliée de rire. Cette fois-ci moi aussi, donc il y avait de l’espoir. Je découvre que j’ai – peut-être - de l’humour.

1970 : Mon premier congrès FISM, à Amsterdam. Il y a un mec qui m’éclate avec un numéro comique : c’est de la folie sur scène : il fait tomber 650 boules de billard, quelques colombes, et il dit toujours :« Rien dans mes mains », pour enchaîner avec une routine d’anneaux qui devient un carnage. La salle est tellement en délire, qu’il ne pouvait plus quitter la scène. Alain Bernardin (Crazy Horse...) lui fait parvenir un contrat, signé, en blanc - il n’a qu’à le remplir - mais il refuse, car il s’occupe d’un magasin d’antiquités en Suède, il a une femme et une fille qu’il ne veut pas quitter. Je rêve souvent qu’un jour - lointain peut-être - j’aurai un succès semblable. Ce Monsieur s’appelle Topper MARTIN. Il devint mon idole.

1971 : Au fameux congrès en Angleterre, le British-ring-shield-convention, je vois un tour, ou plutôt un gag qui me fascine. Au cours de la « dealers performance », où les marchands de tours présentaient leurs nouveautés : un type fait semblant de scier un bout de bois avec sa main. Ce n’est pas le bout du côté droit qui tombe, mais le bout du côté gauche. Hilarant... Même pas la peine d’être acteur, ça fait rire n’importe où, n’importe quand, même si c’est fait par n’importe qui. Puisque ça coûtait 4 livres, je me le bricole moi-même. Succès immédiat et partout.

1972 : Ce gag devient mon gag d’entrée quand je passe chez les poètes de la rive gauche. Gaétan Bloom, 17 ans à l’époque, m’a bricolé une version de luxe que j’utilise encore aujourd’hui.

Après avoir regardé au moins cinquante fois « C’est l’histoire d’un mec », moi aussi, je décide de faire semblant de ne pas pouvoir articuler, pareil que Coluche. Chaque fois que je veux dire un mot, une boule sort de ma bouche. J’ai déjà deux gags !

Avril 1974 : Christa fait enfin partie de mon spectacle : nous avions un contrat pour une croisière de dix jours sur le paquebot FRANCE, le plus grand bateau du monde, le plus chic et le plus cher aussi. Pour que Christa aussi puisse profiter de ces orgies de caviar et de langoustes, nous inventons un gag : il devient le meilleur gag que je n’ai jamais trouvé :

Au milieu de mon spectacle j’annonce :

- Il n’y a pas de spectacle de magie sans assistante, sans partenaire. Voici mon assistante ! 

Sur ce, Christa traverse la scène, en robe de soirée, avec des plumes, très vamp, mais elle ne fait rien, absolument rien.

- Voilà, c’était ma partenaire ! 

Elle quitte la scène et je continue le numéro.

Ce gag a fait un triomphe sur le FRANCE, tout le monde présentait sa femme comme « sa partenaire », ça devenait culte ! La « dernière » du FRANCE fut la « première » de Christa... Je n’ai jamais trouvé une farce plus percutante, mais malheureusement je ne peux plus le faire, car Christa fait maintenant trop de choses dans nos spectacles. Dommage ! Je lègue cette merveille à la future génération. À une condition : votre partenaire ne doit faire que « ça » dans votre spectacle, rien d’autre. Faut donc avoir les moyens !...

Leçon n° 7 : Les bonnes idées viennent très souvent par nécessité et moins par inspiration divine.

Novembre 1974 : Christa et moi travaillons dans un cabaret sordide en Italie, à Pescara, au bord de la mer. En novembre, la mer est triste, nous aussi. Pour faire passer le temps, nous buvons tous les Amaros de la ville et nous prenons une decision

- La seconde : monter un numéro de « magie comique ».

J’annonce à mon agent italien que nous en avons marre de crever de faim dans les bordels en Italie, nous voulons devenir célèbres et riches avec un numéro comique. Sans avoir vu ce numéro, il accepte ma proposition pour notre grande rentrée Italienne de 1975, et cela dans des établissements aussi prestigieux que l’ASTORA à Milan (premier cabaret de putes de toute l’Italie) ou le LADY GODIVA (le nom explique tout) à Rimini. Nous sommes ravis et je me mets au travail.

Janvier 1975 : J’écris un script en béton, c’est-à-dire que je note tous les gags que j’ai vus quelque part ; je vole, j’invente, je transforme du « déjà vu », je commande du matériel, je bricole et je rêve déjà des 20 % d’augmentation que l’agent m’a promis.

Le script :

Cette canne que l’on scie (voir plus haut) devient le leitmotiv du numéro, c’est évident. D’abord, c’est l’autre bout qui tombe, puis, c’est le micro qui se casse en deux (hilarant !), puis c’est ma main qui tombe (merveilleux !), après c’est ma bite qui tombe aussi (désopilant !), puis ma langue (hahaha !), j’ai même rêvé à un théâtre qui s'écroule, mais je me suis dit : « Restons sobre ».

Quelques perles du scénario : Christa doit apparaître sous une table, les serveurs doivent m’emmener ma propre tête sur un plateau, Christa fera une boule volante pour me laisser le temps d’enfiler une main de monstre, qui me fera tellement peur que je me mettrai à genoux pour faire une prière à la Sainte Vierge, tandis qu’une main manquera à Christa, mais elle la retrouvera dans mon pantalon à la place de la bite, pendant que je quitte la scène avec une jambe raide, car la canne que j’ai fait disparaître se retrouve dans mon pantalon et la colombe en caoutchouc du début deviendra un lapin en peluche qui change de couleur pendant que je dois aller pisser.

Pour écrire ce chef-d'œuvre, il m’a fallu :

- Une semaine et deux caisses de Vieux Pape (vin rouge à 13°).

Le problème du costume est également à résoudre ! Je pense à un costume de clown, puis à une salopette de travail bleue, jusqu’au moment où je passe devant une boutique, rue d’Aboukir « Smokings en déstockage, 500 francs ». Voilà, la décision est prise : ce sera un smoking noir ! Ça ne détourne pas l’attention et c’est neutre. Tout à coup, je comprends pourquoi Sinatra & Co ont toujours chanté en smoking noir. Pour eux, c’était le fruit de longues recherches, pour moi c’était un hasard. Le hasard fait bien les choses !!

1er avril 1975 : La première représentation de ma nouvelle création a lieu à l’Astoria de Milan devant une trentaine de clients médusés et mon agent qui rétrécit et se transforme en cendres. Les gens rient une seule fois : quand le pied de micro se casse. Il ne se casse pas au bon moment, j’ai eu une réaction très naturelle. Le numéro, prévu pour durer 10 minutes, en a fait 25. « Faut resserrer un peu » me conseille la direction. Nous nous plaisons bien au royaume de la comédie, les autres artistes nous regardent un peu de travers, mais quel bonheur de faire rire : quelquefois, c’est Christa qui rit, quelquefois c’est moi, les entraîneuses aussi parfois, les clients jamais ! Je me réjouis : je suis un génie incompris.

Après 30 représentations assez pénibles pour le public, mon agent Italien décide d’interrompre la tournée pour des raisons évidentes et je range mon numéro pour ne le ressortir que deux ans plus tard...

1er août 1977 : Nous sommes engagés pour « Die Nacht der tausend Wunder », un festival de magie à Zurich. L’organisateur s’appelle Werner Hornung : il est allemand et autoritaire ; il a tout pour me plaire... Je suis engagé avec deux numéros : mon numéro de cannes et de lames de rasoir que j’appelle désormais « disco-magic » (le nom du numéro changeait souvent selon les époques, aujourd'hui nous sommes arrivés à Technodreams...) et un numéro parlé. Je traduis mon numéro poétique du Port du Salut dans ma langue maternelle : c’est une catastrophe !

Et là, papa Hornung devient ma providence, mon sauveur, la sage-femme du numéro comique. Pour la Première de Presse, il m’ordonne de faire ce numéro qui pourrissait depuis deux ans dans le coffre de ma voiture (je l’emmenais partout, on ne sait jamais...). L’après-midi, je lui montre les effets, son verdict est sans appel : c’est moins mauvais que ma prestation parlée en langue germanique.

Cette soirée restera mémorable pour tout le monde : au premier gag - la célèbre canne sciée - le public rit, au second gag ils rient plus fort, ça devient un crescendo de gaieté, de rires, d’applaudissements, de sympathie, je dirais même d’amour collectif. La troupe était d’une gentillesse exceptionnelle ! Et papa Hornung avec sa jeune épouse, la FEE ELEISA - 30 ans de moins que lui - étaient d’un enthousiasme contagieux. La nuit, vers 3 heures du matin, nous allons tous au bureau de ZURICHER ZEITUNG pour relever l’exemplaire du lendemain avec la critique du spectacle. C’était comme à Broadway : les critiques sortaient la nuit après la Première. Nous lisons :

« ...le climax du spectacle fut la prestation d’Otto Wessely avec un style comique d’un genre complètement nouveau ; ses gags sont beaux-macabres, on se laisse emporter dans un univers de folie et d’humour, etc… etc… etc…».

Je l’ai appris par cœur. La troupe est enchantée, aucune jalousie de leur part. Ensemble nous trouvons tous les jours de nouveaux gags, et pour la première fois dans ma vie, j’ai l’impression d’appartenir à un groupe, à une bande d’amis. C’était un mois inoubliable. Mal payé, mais peu importe, car cet été-là, j’avais pour la deuxième fois 17 ans et j’étais parfaitement heureux...

Septembre 1977 : Nous passons à l’Embassy-Club à Pigalle, un cabaret style Lucky Strip. Chaque soir un demi bide, mais nous ne nous décourageons pas. Quand le public est très dur, on apprend la rigueur et on supprime tout ce qui est trop faible. J’appelle ça « La tronçonneuse ». À Zürich, au théâtre, c’était trop facile, ici chez les putes, c’est trop dur.

Octobre 1977 : Nous trouvons refuge au CRESCENDO, que j’appellerai par la suite « L’Olympia des cabarets de merde ». Au Crescendo, ça se passe déjà mieux : le patron est un ex-danseur des Folies Bergère et sa femme - ou plutôt le monstre de 120 kg qui lui servait de femme - est une ex-danseuse des années 40 du Lido. La présentatrice, Micheline, un ange de cinquante ans qui avait passé 28 ans de sa vie au Folies Bergère, devient une grande amie et nous retrouvons, comme souvent, une nouvelle famille. On touche déjà 120 francs - au black bien-sûr - nous n’avons toujours pas de carte de séjour, mais on s’en fout, faire rire les touristes est un Bonheur. Et en plus on est payé pour ça.

Un jour, je me promène au BHV et j'aperçois un grand trophée, une idée me traverse la tête : désormais mon numéro s’appellera «Le champion mondial de l’élégance». J’abandonne le côté macabre et je deviens encore plus élégant que Channing Pollock. Il n’a jamais vu cette parodie de lui. Il a vu d’autres parodies de son numéro, plus drôles encore, mais elles n'étaient pas prévues pour faire rire... Presque tous les jours, je trouve un nouvel accessoire, un nouveau gag. Je suis en train d’apprendre le timing et je constate que la plupart des numéros comiques sont trop lents.

Octobre 1978 : Henk Vermeyden nous engage pour une télé en direct. Je lui propose le numéro comique, mais il s’agit d’un malentendu : il considère mon numéro de manipulation comme un numéro comique. Il est assez surpris de me voir arriver avec tout à fait autre chose, or la télé est en direct, la Reine de Hollande est présente, aucune possibilité d'annuler ma prestation. La Reine nous a vu, Vermeyden ne fut pas décapité, dont acte.

Dans la même année Maurice Pierre m’engage pour un congrès de l’ AFAP : c’est moins spectaculaire que la FISM, mais plus sympa. Au spectacle « magie minuit », les artistes avaient le droit de déconner à volonté. Je me souviens d’un sketch avec une strip-teaseuse et plein d’autres sauvageries. Mon numéro comique était complètement nouveau pour les magiciens. Ça se passe bien, et Richard Ross et James Hodges me disent :

- Quel travail pour seulement une soirée ! Dommage qu'il n'y ait que nous, magiciens, qui comprennent, et pas le public profane. 

Là, je pique ma crise : cela fait déjà un an que je me présente tous les soirs devant un public normal, et ces deux-là me trouvent « bien » pour eux seulement, les initiés. Voilà la raison pour laquelle on continue à torturer le public avec les anneaux, les foulards et les billets de banque dans les citrons ; sous prétexte de rester compréhensible et commercial, on fait de la merde !

Leçon n° 8 : Le public est moins con que vous ne le pensez !

1979 : Pour les bons contrats, je continue de faire mon numéro de magie « classique » ; pour les petits cabarets, je fais mon numéro comique dès que je le peux, à n’importe quel tarif. Je ne sais pas encore que, ce numéro sera dans 10 ans, en 1988, « L’attraction la plus chère de Paris » (source : Monique NAKACHIAN).

George CARL, le plus grand clown de tous les temps, m’invite au Crazy Horse. Son numéro provoque une hystérie collective dans la salle. J’apprends que pour être drôle comme lui, il faut être rapide et précis. George est rapide, il est précis, mais la précision est tellement parfaite qu’on ne la remarque pas. Je commence à avoir l'œil exercé...

1980 : Nous montons un spectacle de café-théâtre, « La révolte des colombes » avec le numéro comique comme plat de résistance. Ce numéro a moins de succès que les nouveaux sketches que j’ai écrits spécialement pour ce spectacle.

C’était une faute grave de mettre ce numéro dans le spectacle sans l’adapter. On ne joue pas un Shakespeare partout de la même façon, n’est ce pas ? Malheureusement, les artistes font souvent leurs prestations habituelles sans tenir compte de l’endroit et du public. Oh ! Combien de fois ai-je entendu dire :« Non, je ne peux pas le changer » ou « impossible d’entrer par ce côté-là » ou « c’est comme ça et pas autrement »... J’ai été pareil... Or : un numéro doit être adapté aux circonstances. Rien n’est définitif ! Jamais !

Janvier 1982 : La belle Hollandaise m’envoie à Genève pour participer à une émission de télé, « La Grande Roue ». En principe, mon style d’humour fait surtout rire les techniciens et les autres artistes. Ici non. A la seconde répétition, le présentateur refuse d’annoncer « ce numéro » et une chanteuse montre son dégoût pour moi. Juste avant la troisième répétition, le producteur vient me voir :

- Ecoutez-moi Monsieur, on ne peut pas montrer ça au public

Suisse. La prochaine répétition sera devant un public et

l’émission sera en direct. Voici votre cachet, je ne peux pas

vous garder.

- Mais c’est un numéro comique ! Ça va faire rire !

- Désolé, ce n’est pas possible... 

Ce jour-là, j’ai eu tellement honte que nous avons appris un nouveau sport : « le swiss tv exit » ; cela consiste à ramasser son matériel - trois caisses et 4 valises, charger la voiture et quitter les lieux. Notre l’avons réussi en 3 minutes et 42 secondes. Le soir même nous allons dans un cabaret où j’avais jadis travaillé et nous vidons quelques bouteilles avec les entraîneuses : les temps changent, nous sommes sur la bonne voie. Faire du « commercial » pour ces crétins n’aura pas d’avenir.

Six mois plus tard nous gagnerons à la FISM - en Suisse, Hahahaha !- et 1 an plus tard nous travaillerons à Las Vegas !

1983 : Sur la grande scène du HILTON-LAS VEGAS j’apprends plein de choses. TOMSONI et Lance BURTON me donnent de bons conseils. Contrairement à ce que l’on pense : sur une grande scène il ne faut pas travailler plus lentement. Une autre chose m’étonne : sur une grande scène on voit tout. Avant je pensais que c’était le cas pour une petite piste de cabaret, c’est faux : la petite scène vous protège, la grande scène vous déshabille ! C’est monstrueux ! Peu d’artistes le savent. J’apprends également que le public Américain rit davantage de l’attitude et donne moins d’importance aux gags. En Europe, c’est le contraire. Aujourd’hui - nous sommes en 2009 - les Américains rient des gags, et ils s’en foutent de l’attitude, tandis que les Européens apprécient maintenant plutôt la personne. Le monde tourne, et tourne et tourne...

Leçon n° 9 : Pour faire rire, les règles d’hier ne sont point les règles d’aujourd’hui !

1984 : Alain Bernardin m’engage au Crazy Horse. Il y a une règle au Crazy Horse : pas de partenaire dans les numéros de variétés. L’un des moments forts dans ma prestation est l’apparition de Christa sous une table. Je demande à Bernardin si je peux faire apparaître un grand lapin sous ma table, Christa habillée en lapin... « Pourquoi pas » me dit-il à l’audition et aussi la veille de mes débuts. Une heure avant mon entrée en scène, je lui demande encore une fois, s’il veut le lapin... La réponse est délicieuse :

« Est-ce vraiment nécessaire ? ».

Je lui dis que le lapin sera toujours disponible, s’il en éprouve le besoin. Il ne me l’a jamais demandé. Ce qui m’a étonné, concernant Bernardin, c’est le fait qu’il n’a rien exigé, tout en sachant au fond de son âme ce qu’il faut faire ou non. C’était une grande preuve de modestie et de diplomatie, deux choses qui n’étaient pas forcément ses qualités principales... Bernardin a fait un effort surhumain pour ne pas vexer Christa... Nous avons monté ce numéro pour deux raisons :

- Avoir moins de matériel à transporter, et…

- Mettre Christa sur scène.

Résultat :

- Le matériel pour ce numéro pèse des tonnes et

- depuis 20 ans je travaille seul au Crazy, sans Christa...

1988 : Depuis 4 ans, je fais mon spectacle tous les jours au Crazy Horse, deux fois par soir, parfois trois. Je considère mon numéro fini et rodé. Rodé à un point tel que chaque improvisation devient un « must » pour le lendemain. Tellement rodé que je pense à d’autres choses pendant le spectacle. Un rodage qui ne permet plus aucun changement. Je me rends compte, et c’est terrifiant, que mon numéro est devenu une caricature : après quatre ans au Crazy j’étais plus mauvais qu’au début. La fraîcheur, les incertitudes, les maladresses, les hésitations qui font le charme d’une prestation, ont fait place à une routine lourde comme du plomb. Une telle sclérose n’arrive pas d’un seul coup : c’est petit à petit que le mal s’installe. Ça commence par une lassitude : on en a marre d’aller tous les soirs à l’usine. Puis, le personnel commence à connaître par cœur tous vos mouvements. Puis, vous faites certains gestes mécaniquement sans penser pourquoi vous les faites. Ensuite, vous pensez que le public est mauvais et vous forcez, mais sans conviction, pour finalement arriver à une sclérose malsaine, confortable et pénible pour le public. Pas pour vous, car vous ne le remarquez même pas. J’ai vu plein de numéros descendre dans le trente-sixième sous-sol du ringardisme sans que leur créateur ne s’en aperçoive et sans remontée possible. Trop de rodages, trop d’habitude, trop de confort tuent un numéro. Faut pas confondre rodage avec sclérose!

1989 : Bernardin me vire, j’essaie le LIDO. De la plus petite scène de Paris à la plus grande ! Ce fut dramatique, ils m’ont viré au bout de cinq jours.

On m’engage pour une tournée aux « Emirats Arabes ». Là-bas au moins, je me sens comme dans le bon vieux temps : pas un seul rire pendant le numéro comique. Ah si ! un seul quand même : quand je sors une boule par mon trou du cul (pas en vrai, en mime ...). Rire collectif ! Le premier soir, quand je fais le gag où ma table perd ses pieds et les accessoires tombent de la table, l’éclairagiste éteint les lumières. Il a pensé que c’était un accident et qu'il valait mieux faire le noir. Je n’arrive plus à adapter mon numéro au peuple et au pays où je travaille. C’est en 1990 et 1991, le cabaret le Milliardaire  - concurrent direct du Crazy - qui me sauve : j'apprends la légèreté, l'improvisation.

1990 - 91 : Au « Milliardaire », la moitié des clients sont des habitués. Rajoutons à cela une dizaine d’entraîneuses et un personnel qui m’adore. Je me fais donc pendant ces deux ans un honneur de ne travailler que pour mes amis dans la salle et de les surprendre à chaque show avec une nouvelle bêtise. Parfois c’est drôle, parfois c’est vulgaire, parfois les deux ! Cette atmosphère m’a décongelé, m’a libéré, m’a désclérosé...

1992 : Je retourne au Crazy Horse où je reste deux ans. Pour éviter la sclérose, je sors tous les soirs, j’avale des ecstas, je me drogue. Avantage : le numéro ne sclérose pas. Désavantage : mes neurones foutent le camp et Bernardin me vire de nouveau.

La féerie des animaux :

En 1991, je monte une nouvelle séquence, 1 minute et 30 secondes, pour mon numéro, « La féerie des animaux » : elle n’est toujours pas terminée, et elle ne le sera jamais, car « gare à la sclérose ! ».

On m’apporte une table avec des choses, qui sont couvertes par un drapeau arc-en-ciel, le drapeau pédé.

J'enlève le drapeau, on voit un tigre avec un lapin rose qui est en train de se faire le tigre. J’arrache le lapin à ses plaisirs, le tigre saute dans les coulisses. Je tire un lapin à moitié mort du chapeau, je le jette par terre, le lapin gigote, manifestement il est en train de mourir. Je montre un chapeau vide, je le pose sur la table, un lapin apparaît et il pisse dans le public. Je me venge et je pisse sur le lapin. Un deuxième lapin apparaît du chapeau, le lapin lévite. Je le couvre avec un foulard, il monte sous le foulard et disparaît en air. C’est très étonnant ! J’enlève la table, on voit le lapin derrière la nappe dans un bocal comme s’il était dans le formol. Durée 1 mn 30 sec...

Le générique :

Claude ARIBAUD, Rudy COBY, James DIMMARE, Jocelyn HAAS, Hugues PROTAT, CYRIL (un régisseur du CRAZY), une habilleuse du cirque RONCALLI : SIGI, une autre du casino de MONTE-CARLO : SARAH, Michel RIOCHET, Christa et moi. Ça fait du monde...

Les détails :

En 1988, j’avais envie de faire léviter un lapin. Christa bricole le lapin, Claude ARIBAUD (FFAP, mais aussi « meilleur ouvrier de France ») me bricole l’appareil, moi je bricole la table. 1991: Rudy COBY me donne l’idée d’utiliser le foulard Kellar pour faire la disparition sous le foulard au lieu de la « lévitation ASHRA », James DIMMARE me conseille de prendre une canne à disparition pour le foulard Kellar à la place de la tige raide : de cette façon le foulard sera vraiment « vide ». En 2003, je travaille au MGM de Las Vegas et nous avons la visite de Siegfried & Roy. Je cherche une idée pour leur faire un clin d'œil et j’achète un tigre blanc en peluche (50 $ d'investissement), mais, comme souvent, je n’ai aucune idée de ce que je vais faire avec. 5 minutes avant le show, CYRIL me tend une corde et il me dit : « Fais-la sauter, la bestiole, je la tire dans les coulisses… » On répète 1 minute, ça marche, les gens rigolent un peu, Siegfried beaucoup, Roy raisonnablement. Je pense supprimer le saut du tigre le lendemain, mais je le garde pour le public dit normal. Le tigre saute depuis cinq ans, les 50 $ sont amortis, la corde a été volée au MGM. En 2004, une habilleuse du cirque RONCALLI me bricole un lapin, mais il ne rentre pas dans ma manche. Elle veut le reprendre, mon œil tombe sur une poire à lavement, je la fous dans le cul du lapin ; cinq minutes après, le lapin pisse dans le public, les enfants adorent. Un an plus tard, mon copain Jocelyn HAAS trouve chez moi un vibromasseur. On l'enfonce dans un autre lapin, le soir même le lapin gigote sur la scène du Crazy Horse. En 2007, Hugues PROTAT m’engage pour son festival de magie à Forges. Il passe avant moi, et lui aussi a la bonne idée de faire pisser son lapin dans le public. Je cherche quelque chose pour me venger auprès de Protat qui est tous les soirs dans les coulisses en train de me regarder. Je trouve une autre poire à lavement (3 € 50) et je pisse sur Protat, et quand il ne sera plus là, le lapin prendra tout dans la gueule. Voilà !

Beaucoup de gags sont le fruit du hasard et de coïncidences : pour ma première participation au festival de Forges, en 1997, mon matériel que je fais tomber sur scène, tombe dans la salle. Hélène PROTAT, la soeur de Hugues, ramasse discrètement mes affaires et les pose sur la scène. Je fais semblant de trébucher, ça tombe encore une fois. Elle les re-ramasse aussitôt, car elle croit toujours à un accident. Je prends les choses et je les balance de nouveau dans la salle. Ce fruit du hasard est devenu le meilleur gag du numéro. Je balance mes affaires dans la salle - côté cour - je demande à ce qu'on me les ramasse, de préférence à une vieille mamie. Dès que je les ai récupérées, je les balance côté jardin. C’est sauvage, mais d.r.o.l.e. ! Hélène est décédée, « son » gag est toujours d’actualité. Elle doit bien rigoler, elle sait que je l’aime beaucoup ! Un jour, un copain me fait une farce et met un coussin péteur sur ma table. C’est devenu l’une de mes meilleurs séquences : YouTube/OttoWessely/la megaillusion

D’autres gags, également fruits de hasards, sont des cadeaux de la providence ; malheureusement, on ne peut pas les reproduire. 1973 : au cours de la tournée RICHIARDI, je saute sur un ballon qui traîne sur scène, aussitôt je disparais ! La trappe était mal fermée, je me suis enfoncé dans un trou de 3 mètres. Pas envie de recommencer, cheville fêlée, trop bobo ! Une autre fois, au cours d’une matinée au Wintergarten, moyenne d’âge du public 75 ans, je jette mes accessoires dans la salle. Un papy se fâche et me bombarde avec les bouteilles et les verres qu’il trouve sur sa table. Une autre fois, toujours au Wintergarten à Berlin, le pianiste Américain qui fait un numéro comique, demande :« Aimez-vous Mozart ?» et comme réponse, je vomis directement sur le piano, car ce jour-là, j’ai sniffé pour la première fois de l’héro, et comme tout le monde le sait, ça fait gerber les deux premières fois. C’était un peu « hard », mais même après les 12 ans d’interdiction que j’ai eus là-bas, on s’en souvient toujours. Je suis retourné en 2007, on s’en souvenait encore. Ça marque !

D’autres gags sont morts au champ de la bataille de la ringardise. Si je trouve qu’une chose n’est plus drôle pour moi, elle est licenciée, souvent sans préavis... Sniff ! Ce pied de micro qui se casse : exit en 2004. La main qui tombe : exit en 2005.

Mais j’ai longtemps gardé mon premier gag, « la canne sciée » ! Cette pauvre canne ne faisait plus rire, elle devenait pathétique. Je l’ai gardée encore pendant deux ans, par superstition. En septembre dernier, je m’en suis séparé, comme on fait piquer un vieux chien qui souffre. J’ai honte !

Voilà la saga de 30 ans pour 10 minutes de rire.

Leçon n°10 : If it is funny, the people laugh, if not, they don’t. (auteur inconnu)

Modifié par Otto Wessely

www.ottowessely.fr

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