Christian CHELMAN

Une illusionnette: la Cabine aux épées (pour un doigt) d'Alan Alan.

Dans mon propos de base, l'acquéreur sera devant les choix, à lui de faire le bon. Justement, dans l'art contemporain , l'oeuvre n'a parfois pas d'aspect physique. Je pense en particulier à l'exposition de Tino Seghal au Guggenheim museum de New York. Une des plus curieuses expériences artistiques qui y fut exposée http://www.voir-et-dire.net/?Tino-Sehgal-The-Kiss-The-Progress Vivre avec son temps, c'est aussi réfléchir à de nouvelles problématiques, à d'autres relations avec l'art. On en revient au sujet de la magie, l'art et les musées. Une fois de plus, certains d'entre nous se posent en précurseurs de ce que pourrait devenir la magie au XXIe siècle. En s'opposant à une certaine médiocrité. L'argent reste la manière la plus simple de remercier l'artiste, je me trompe? Les compliments n'ont jamais nourri leur homme. Toutefois, veiller à ce qu'une mémoire ne s'efface pas est aussi une manière de travailler pour un meilleur futur. Je reviens au tour parfait. Imaginons qu'il existe, sinon de quoi causerions nous? Le diffuser à grande échelle serait le ramener à un simple trick et finalement lui faire perdre toute sa valeur. Le montrer dans des conditions précises, dans un environnement adéquat (quel qu'il soit), et à un public privilégié (pas nécessairement riche) que l'on désire honorer, participerait à sa mise en valeur. Donc, pas de youtube évidemment. L'art de créer un moment fait partie de l'effet, et non du tour. On pourrait exiger que le spectateur se déplace pour le voir, comme au théâtre, même si c'est un "simple" tour de cartes. Imaginez que vous soyez invité dans un lieu mythique et privé et, que dans ce cadre particulier et/ou prestigieux, l'artiste vous offre dans un moment unique d'assister à un tour présenté comme une oeuvre. (Ce serait aussi, au second degré, une façon d'évoquer Dai Vernon à la recherche de Kennedy ou le voyage initiatique). Aller à l'encontre de la banalisation, que l'aventure soit partie intégrante de l'effet. La valeur de perception est une véritable valeur. Tout ça ne serait évidemment valable que si le tour et l'artiste sont au sommet, autrement, l'effet final ne serait que décevant. Comme quand vous achetez une merde...

Pas tout à fait. J'ai eu l'occasion de discuter quelques fois avec lui, et il prenait un soin inimaginable à se procurer les bonnes peinture (en particulier la dorée) chez des marchands qui pouvaient habiter en Pologne.

La aussi, c'est discutable . Le possesseur d'une oeuvre d'art, comme un tableau unique de la Renaissance, une antiquité rarissime ou une oeuvre moderne de Damien Hirst* sera-t-il malheureux? Bien entendu, il n'a pas créé l'oeuvre, mais il peut la contempler, la partager avec des amis ou l'exploiter commercialement. Il peut même la placer dans un coffre et être uniquement satisfait de l'avoir... Il y a plusieurs façon d'être heureux. Un tour parfait, chef d'oeuvre du genre, création d'un artiste reconnu, peut-il être comparé à ça? Rien n'empêche le possesseur du tour de citer l'artiste comme on le ferait pour une d'oeuvre d'art traditionnelle. Mais en faisant remarquer qu'il est le seul - avec l'artiste - à connaître le secret du tour. Vous remarquez que la discussion commence à devenir intéressante et dépasse largement son propos de base. *Pour Demon with Bowl, il va falloir un peu de place. Par contre, j'aimerais bien "Aspect of Katie Ishtar Yolandi"

Aucune idée, je ne connais pas cette citation. Mais c'est ô combien vrai.

La rareté, la qualité, la finesse de travail aussi bien technique qu'intellectuel derrière la création du tour - donc le talent du créateur -, oui tout ça entre en compte dans le prix. Si vous voulez un petit bijou unique, ciselé pendant des années et que vous serez le seul à porter, évidemment qu'il faut payer le prix. La création elle-même de ces bijoux coûte une fortune. Si vous achetez un tour chez un type qui n'est pas un magicien, ne travaille jamais pour un vrai public (autre que les pigeons de conférences Tupperware), comment voulez-vous que le tour soit abouti? Mais le prix que vous payez pour un tour tient-il compte de tous ces paramètres? La qualité DOIT donc avoir un rapport avec l'argent. Absolument. Quand j'achète du matériel professionnel, qui me servira à créer mon propre tour, je veux la perfection, et je mets le prix pour. Mais ici, on parle d'un tour abouti - une conception artistique - et pas uniquement de matériel physique. Il y a un corollaire à ma question originale: le prix du tour dépend-il uniquement du matériel physique? Préféreriez-vous un tour nul avec du beau matos ou un tour totalement génial n'utilisant qu'un simple jeu de carte emprunté? La valeur d'un tour vient-elle de l'objet? Si c'est le cas, votre travail consistera à transformer l'objet en tour, et le tour en effet.

Il y a aussi Eddy Taytelbaum, la Rolls Royce du genre.

Je fais le constat d'une époque disparue, et d'un art obsolète. Vous avez parfaitement répondu à mon interrogation. Seule la merde rapporte. Indirectement, ça répond aussi à l'autre question: pourquoi certains d'entre nous se dirigent vers l'art et les musées... Le terrain de jeu a changé.

Absolument, c'est le prolongement de L&L Publishing. Sauf que chez eux, on avait des vraies pointures comme Tommy Wonder... A une certaine époque Vernon traversait les Etats-Unis pour une technique. Epoque bien révolue, les dinosaures ont disparus. Une certaine forme d'art aussi.

Oui, je suis d'accord. Ellusionist et Theory 11 font des fortunes comme ça. Un pur chef d'oeuvre ne doit donc ni être montré ni être expliqué ni être vendu. Mais ça en dit long sur ce qu'est devenu la magie de nos jours.

Donc, si je te suis, un tour exceptionnel ne vaut pas un kopeck. Mais des merdes valent des fortunes. Dans ce cas, pourquoi vous plaindre? Vous en avez pour votre argent. Je me trompe?

C'est pourtant une vraie question. Vous rêvez de ce genre de tour, mais seriez-vous réellement prêts à mettre le prix. J'insiste sur le fait que le tour (et je ne vends rien) est totalement incroyable. Je ne garantis pas que vous ferez carrière avec, si vous ne vous cassez pas la cul, évidemment. Ma question reste donc: quel est la valeur financière de ce genre d'effet?

Peu importe. La question dépasse le simple truc. Pas mal de magiciens (Berglas, Ammar, Kennedy, Daryl et d'autres) ont fait carrière en se reposant sur un "reputation-maker". La question est globale, même si les tours existent. Que vaudrait ce concept aujourd'hui? Sachant que tu peux bâtir une carrière la-dessus. Se plaindre qu'un tour ne vaut pas son prix, ok. Quel serait donc le juste prix d'un tour parfait et unique? Peu importe lequel.

Entre 5 et 10 ans, la fourchette est beaucoup trop large. Je travaille pour les enfants à partir de 8 ans. J'ai décrit et publié un spectacle appelé "la Boîte de Magies" dans Compendium Sortilégionis. Je peux jouer ce spectacle soit au Surnatéum, soit à l'extérieur, à l'origine je l'avais créé pour les 11 ans de ma fille. Cette fois-la, je l'ai joué dans sa classe à l'école. Il peut se jouer pour une vingtaine de spectateurs environ. Ou moins. Il dure 80 minutes. Contrairement à d'autres*, j'ai choisis un spectacle visuel de pur close-up/cartomagie, avec plusieurs règles: les textes ne font appel à aucun vocabulaire complexe. Les effets sont très visuels et totalement originaux, comme toujours dans mon travail. Une histoire initiatique sert de fil rouge à tout le spectacle qui raconte les rencontres avec les grands magiciens duXXe siècle (Eddy Taytelbaum, John Carney, Max Maven, Larry Jennings, Dai Vernon, Paul Fox et Charlie Miller), et du passage de l'illusionniste au magicien. Il s'agit de close-up pur avec des chinka-chinkas, des pièces, des cartes, un tour de mentalisme, des billes d'ivoire, des anneaux chinois, des gobelets et des dés. Le spectacle est aussi captivant pour des enfants, des adultes et des experts en magie, mais ils n'applaudiront pas nécessairement au même moment... Je ne prends jamais les gosses pour des débiles, au contraire! A partir de 8 ans, ils sont capables d'apprécier une magie classique et un humour légèrement décalé. Dans la création des effets, j'ai favorisé les couleurs très visuelles. Rien n'est improvisé, les textes et les effets vont de pair. Ce qui me permet de m'occuper de l’interaction avec le public. Prenez-les pour des débiles, et vous courrez à la catastrophe... La Boite de Magies est tout autant du close-up que de la magie bizarre ou illusionnisme fantastique. La plupart des tours sont filmés individuellement et placés sur youtube, au cas où. Pour Halloween, le principe ne change pas: les mêmes tours que pour un public normal, mais sans vocabulaire ou références historiques trop pointues. Bon, j'ai une formation de professeur, ça aide. Dans le cadre de spectacles plus courts au Surnatéum, il y a un spectacle sur les fées de Cottingley qui utilise pour seul matériel: une hagstone/fairy stone ou Pierre à fée. C'est d'ailleurs excellent pour les animations médiévales, le matériel est très simple, mais les routines sont très farfelues. Le spectacle se termine avec une tentative d'aplatir la fée Clochette qui est une vraie nuisance, mais c'est une autre histoire... C'est trèèèèès loin de Disney, et les enfants adorent un peu de sang Par contre, je ne travaille pas pour les gosses en-dessous de 8 ans, quand j'ai une demande, j'envoie les gens chez un collègue. http://logs.surnateum.com/la-boite-de-magies/ *qui ne sont pas magiciens, et qui donc improvisent n'importe quoi...

Ok, inversons la question. Quel prix seriez-vous prêt à payer pour un tour de carte unique, de difficulté moyenne, mais impossible à remonter par qui que ce soit sur cette planète (sauf le créateur)? Un tour qui piégera absolument tout le monde - profanes et experts - , dont la méthode serait non seulement totalement originale et indétectable mais vous garantirait une réputation d'expert. Un tour qui gagnerait sans problème le titre de Fooler dans l'émission Fool Us de Penn and Teller, si vous décidiez de participer, ou pourrait vous assurer un premier prix dans n'importe quel concours - à condition que votre mise en scène soit impeccable évidemment. Un tour que vous seriez seul à connaître et qui se vendrait à un seul et unique magicien. Le matériel pouvant être emprunté ou examiné, le tour pouvant être reproduit à volonté. Bien entendu, on vous ferait le tour en live avant que vous l'achetiez. Pour rappel, David Copperfield et autres magiciens professionnels achètent très cher ce genre de tour, mais pour un durée déterminée. Vous achèteriez même les droits de le faire en télé... Dans votre cas, la durée serait illimitée...

Dans la suite logique, une autre historienne de la même université d'Heidelberg s'intéresse - toujours dans le cadre de colloques et de publications - à certaines des defixiones romaines des collections. Une d'entre elles en particulier est d'une rareté sans nom... http://logs.surnateum.com/defixiones/

Et puis, tu apprends ce que c'est, quelle histoire l'accompagne, et ça devient encore plus fascinant, ton imaginaire se réveille. Tu te rends compte que la vision du monde telle qu'on te la enseignée a toujours été limitée, mais tu viens d’entrouvrir d'autres portes. C'est pour ça que le Surnatéum est une expérience vivante et non pas virtuelle... Tu sais aussi que ce monde est en même temps celui d'un illusionniste et d'un magicien, ce n'est absolument pas incompatible. Que tu vas pouvoir effacer les frontières entre les deux univers, que tout est mis en oeuvre pour t'inviter au voyage. L'excitation est là, tu ne l'a peut-être plus ressentie depuis longtemps... Le cadre est aussi idéal pour que l'impact de chaque tour soir décuplé, et que tu vives une expérience. Tu découvres que d'autres illusionnistes ont aussi leur manière de dépasser le cadre du simple tour, aussi beau soit-il. Et la magie est là, elle est dans cette émotion que tu ressens dans un spectacle de Navarro, Yann Frisch, Kurt Demey, Etienne Saglio ou dans une exposition de Gérard Bakner et Francis Tabary... Et tu comprends pourquoi certains artistes dépassent le cadre de leur art et explorent d'autres voies. Que nous n'avons qu'une existence et que nous cherchons à embellir ce monde, jusqu'à notre dernier souffle. Je plains ceux qui arrivent à bout de souffle à la retraite en se disant que maintenant ils vont vivre. En fait non, je ne les plains pas, je les évite...

E.T.?

N'importe qui peut assister aux conférences "magiques" Penguin, ellusionist (et autres) en payant une somme modique. Et oui, c'est aussi simple que ça... Après, pour commander les trucs, une carte de crédit et un autre bouton sur lequel appuyer. Enfin, les forums sont là pour délivrer les messages des vrais professionnels de la magie - même ceux qui ne sont pas vraiment magiciens - à toutes les âmes perdues. Dont celles étonnées que les instructions des trucs achetés sont en chinois, anglais ou pidgin (qui rime avec pigeon). Donc la question n'a aucun lieu d'être. Les faits donnent la réponse.

Non, ça c'est Solex. Vends-le pour une Rolex

J'espère que voussavez au moins une Rolex...

Il y a un moment où l'artiste sort du cadre étroit de l'illusionnisme. Certains se cantonnent aux forums et ne verront jamais un vrai public, d'autres se limitent à vendre des trucs qu'ils ne pratiquent pas, d'autres encore bavardent dans le vide sans jamais rien montrer même en vidéo. Les abrutis se contentent de critiquer. Quelques magiciens travaillent pour gagner leur croûte, sans jamais avoir une seule pensée originale, mais au moins ils rencontrent un public. Quelques-uns, amateurs ou professionnels, réfléchissent et enrichissent leur art, honorent leurs prédécesseurs et font évoluer les choses. Ils explorent des voies au risque de s'y perdre parfois. L'artiste en eux n'est jamais satisfait, il y a toujours moyen de faire mieux, d'aller plus loin. Plus rares, ceux qui aimeraient que l'art magique rencontre un public plus fin, plus subtil, plus intelligent, et cherchent à pousser des portes jusque là interdites. Eux aussi choisissent des voies étroites. Quelques-uns y arrivent. Enfin, il y a ceux qui ont un vrai parcours et vont former des jeunes à l'esprit ouvert, et même des gosses primo-arrivants débarqués de pays en guerre, ne parlant pas la langue du pays et qui vont apprendre à vivre à l'aise dans leur nouvelle communauté, entre autre grâce à l'apprentissage de la magie. Et ça, au-delà de tout succès personnel, c'est incomparable. Les abrutis continuent à critiquer et à bavasser...

Salut l'artiste.

Quand le travail d'une vie aboutit, oui.

Madame Carina Kühne de l'Institut d'Egyptologie de l'Université d'Heidelberg et monsieur Andrès Diego Espinel, égyptologue au National Supreme Council of Scientific Research (CSIC) de Madrid, viennent de prendre contact avec le Surnatéum et son Conservateur, pour des informations sur la tablette d'exécration égyptienne du musée. Il existe dans le monde, trois tablettes portant le même texte. La tablette sera présentée dans un colloque d'égyptologie à Heidelberg en octobre. Le Surnatéum sera donc mis en avant une fois de plus. J'ai donc édité cette notice pour ceux que ça intéresse. Madame Kühne a donc fait une travail d'analyse de notre objet (qui est disponible dans nos archives). http://logs.surnateum.com/texte-dexecration-egyptienne/