Bonjour,
Pour le plaisir de revoir Ricky JAY et Juan TAMARIZ à l’œuvre avec deux variations sur un même thème : une spectatrice va jouer sa bonne fortune selon que des cartes aléatoirement tirées du jeu sont rouges ou noires.
Dans le cas de Ricky JAY on voit comment un effet plutôt banal et dénué intrinsèquement de sens est placé dans un contexte correspondant idéalement à son personnage : celui du jeu de cartes et d'argent, discipline où le personnage de Ricky JAY est connu du public pour être un habile falsificateur (et le script a bien le soin de le rappeler dès l'entame de la routine - remarque au passage : c'est aussi là une motivation habile au tirage des cartes trois par trois, ou quand une marque d’honnêteté supposée n'en camoufle que mieux la méthode).
La routine en deux phases (la 1re sur une idée de Dai VERNON enchaînée sur le classique OTW de CURRY, mais ici pour une fois bien contextualisé) construit une sorte de crescendo de l'excès : c'est par ce que la déveine de la spectatrice est à ce point systématique, que se construisent, et l'humour de la saynète, et l'habilité sous-jacente de Ricky JAY aux cartes.
Là où un esprit de mentaliste aurait essaimé sans doute une ou deux réussites par-ci, par-là, question d'accroitre la crédibilité de l'aléa l'ensemble, c’est bien au contraire cet excès dans l'échec qui ici fait que le public à la fois :
1) infère que Ricky JAY "a bien dû faire quelque chose" ; sans mention explicite dans le script d'une quelconque tricherie de sa part, sans démonstration aucune d'habilité, ni fioriture quelconque surtout : voire même comment le magicien guide la spectatrice dans son mélange "basique" des cartes ; et le ton suave, et la rythmique impeccable de la présentation, catalysent encore plus ce sentiment du public que ce diable de Ricky JAY est définitivement expert en subterfuges et artifices.
2) éprouve de l'empathie pour l’infortunée spectatrice à la malchance décidément suspecte (d'autant que Ricky JAY a bien soin que de l’argent soit explicitement, visuellement, en jeu ce qui amplifie encore l'effet d'identification du public à la spectatrice, victime bien innocente d'un charmant tricheur).
Parvenir à ce maximum de divertissement avec une présentation toute entière bâtie sur un bras de fer autour d'un jeu, avec qui-plus-est le parti-pris d'une défaite totale de la spectatrice n'est vraiment pas donné à tout le monde !
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Amusant donc de comparer avec le même effet -sinon la même méthode- présenté cette fois par Juan TAMARIZ : mais ici voir comment tout au contraire le magicien est embarrassé, tout en empathie et compatissant avec là encore une infortune totale de sa spectatrice.
Infortune dont le magicien dans la narration n'est cette fois nullement suspecté d'être responsable (bien entendu le public perçoit certainement que dans l'écriture cette malchance par trop systématique répond à une nécessité préméditée du récit qui se joue devant lui, mais le personnage de J.TAMARIZ est bien innocent dans ce récit).
On ne peut qu’admirer toutes les petites touches de présentation qu'emploie J.TAMARIZ pour construire simultanément son personnage et aussi un crescendo dans la routine (et ce malgré la stricte répétition de l'effet : la spectatrice n’obtient que des cartes noires).
Comme précédemment avec Ricky JAY, c'est à la fois la parfaite mise en adéquation au personnage du magicien de la routine (à l'effet intrinsèquement assez peu épatant), combinée à cet effet délibéré d'excès, qui en élèvent la qualité de divertissement.
Et là où tant réduisent un effet de transformation de carte à un effet purement visuel/flash, pure fioriture dénuée de sens, voir ici comment l’ultime transformation est le parfait climax du récit : le magicien par son pouvoir apportant la bonne fortune à sa très malchanceuse spectatrice.
Finalement on a là deux expressions totalement différentes autour d'un même effet, mais qui ont en commun d’être jouées par deux maîtres de la présentation d'un effet magique.
Bonne journée,
Dominique