Claude Stavisky
Claude STAVISKY
Par RANKY
Claude Stavisky, personnage hors du commun, savant dosage d’énigmatisme et de sympathie était une figure du milieu de l’illusionnisme. Pendant de longues années il a été membre de la Fédération Française des Artistes prestidigitateurs (FFAP) et du Cercle Français de l’Illusion Jules Dhôtel.
Il était membre, très actif, du Comité Illusionniste d’Expertise et d’Expérimentation des Phénomènes Paranormaux (CIEEPP) et avait à ce titre participé à de nombreux tests de sujets Psi, notamment à des expériences de télépathie, de voyance ou encore de psychocinèse ( Jean-Pierre Girard, entre autres )
Sa vie durant, il a exercé sa grande passion : la prestidigitation.
Les clients des restaurants savaient-ils que l’illusionniste qui se produisait de table en table était le fils d’Alexandre Stavisky, héros d’une célèbre affaire qui provoqua en 1934 des émeutes et fit vasciller la république ?
Alexandre Stavisky, aventurier-illusionniste de la finance, avait bâti une fortune colossale sur la corruption de la classe politique de son époque. Stavisky, “l’homme aux 32 non-lieux”, l’Arsène Lupin de la III ème République” qui muselait avocats, policiers, journalistes, députés et ministres en leur distribuant des enveloppes bien garnies. Stavisky, l’homme qui en savait trop et qui, au moment d’être inculpé, est “suicidé” d'une balle dans la tête.( à 3 mètres de distance!). “L’affaire Stavisky” eut de nombreuses conséquences : suicides de plusieurs personnages, notamment d’un conseiller à la cour d’appel; chute de deux gouvernements, et les violentes émeutes fascistes de février 1934, qui ont bien failli faire tomber la République.
Mais dans la vie, tout n’est pas qu’illusion, témoin l’internement de Claude enfant, par sa propre mère, dans un hôpital psychiatrique - lui disait “chez les fous!”- par un coup de baguette magique manipulée par on ne sait trop quel sorcier! Allez-donc savoir ! Près de quatorze ans d’enfermement dans un asile ou il découvre la prestidigitation, le goût des mises en scène magiques et des mystifications théatrales. Il demande à sa mère, exilée en Amérique, de supprimer les gateries habituelles de ses quelques colis annuels, par de l’argent, “pour acheter des livres de magie et des tours !”.
Vers les années 1950, des tourneurs en cinéma se produisent de commune en commune et l’un d’eux cherche un assistant. La direction de l’asile lui confiera Claude. Vers 23 ans commence pour lui, une existence de nomade. Mais l’aide- projectionniste continue ses exercices de dextérité entre le documentaire et le film, car son rêve ne le quitte pas : il sera magicien ! C’est son patron, qui le présentera en audition devant la grande famille du cirque Bauer qui l’engagera pour la saison 1955. Claude restera chez les Bauer jusqu’en 1958. Pendant quatre années il présentera sous le pseudonyme de Fougestas, puis Vitiskas, ensuite sous celui de Prince Frankestas et enfin Prince Stavisky, le poste de radio éclipsé, le bonneteau aux liquides, le cadre de Bacchus et une version personnelle du panier indien dans lequel il enfermait sa partenaire, la transperçait d’épées comme une pelote d’épingles et d’où elle ressortait souriante et indemne sous les applaudissements du public.
Ce qui l’intéressait le plus, ainsi qu’il l’explique dans son livre (1) c’était d’inventer ses propres tours, de créer quelque chose de nouveau, d’absolument original. Il ne voulait pas copier et imiter bêtement ce qui était dit dans un livre. Il voulait devenir un artiste, un vrai. Aucune difficulté ne le rebutait, au contraire. Il choisissait un exemple dans un livre, puis l’analysait à fond, le disséquait comme une souris de laboratoire, il lui ouvrait les entrailles pour voir exactement de quoi il était fait. Ensuite il déclinait toutes les variations possibles du même tour. Il a toujours pratiqué ainsi : lorsqu’il s’attaquait à un tour, il l’épuisait entièrement l’exploitait jusque dans ses moindres détails. Il se disait maniaque et perfectionniste de la prestidigitation. C’était vrai.
Et comme le travail finit presque toujours par payer, il connut quelques engagements prestigieux comme au cirque Médrano par exemple. Il connut à diverses reprises, les honneurs de la télévision. Puis, plus tard, il donna des spectacles de close-up, c’est-à-dire de “magie de près”, chez les particuliers et dans les restaurants. Il avait pris goût à cette forme de prestidigitation plus confidentielle permettant de réaliser des tours au nez et à la barbe des spectateurs.
Claude n’était jamais aussi heureux que lorsqu’il nous accompagnait dans nos spectacles de discothèque ou nos tournées de théatre, surtout lorsque nous produisions notre show complet, avec toute notre petite troupe composée de cinq ou six artistes. Il était sûr alors d’avoir intégré “sa famille.” Toujours prêt à se rendre utile, il nous est resté fidèle pendant près de quarante ans.
C’est la prestidigitation qui permit à Claude, sa vie durant, de supporter son nom si lourd à porter, car ce n’est pas facile d’être le fils de “l’escroc”.
Jusqu’à son dernier souffle, Claude, illusionniste de père en fils, aura voulu illusionner son public et par là-même, quelque part, s’illusionner aussi lui-même.
Ranky