voici une autre réponse qui me parait valable
http://cinematographie.info/index.php?/sujet/3225-trop-cest-trop/
Trop, c’est Trop,
Cette section du forum qui s’intitule « Débat, billets d'humeur... » portera bien son nom ce soir. Billet de ma mauvaise humeur même ! Quelle en est la cause ? Et bien tout simplement la une du magazine « Le Point » titrant :
« Il y a la France assommée d’impôts et il y a… La France des enfants gâtés. Régimes spéciaux. Comités Théodule. EDF. Intermittents. Intercommunalités. Ces professions qui se la coulent douce ! »
Et oui, pas moins que cela… Je n’ai, du coup, plus envie de lire l’article correspondant à ce titre, il est suffisamment insultant pour ne pas subir la prose poujadiste qui doit l’accompagner.
Comme s’il y avait plusieurs France qu’il fallait absolument opposer, une France de profiteurs qui vit aux dépens d’une vraie France qui elle seule subit la crise, elle seule paye des impôts et elle seule souffre.
Diviser pour mieux régner on connaît la chanson, mais là, la coupe est pleine. La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale (article 1er de la Constitution), c’est le socle même de notre nation. Et tous les citoyens concourent à leurs hauteurs et selon leurs possibilités à la vie et au profit de la nation.
Je ne connais pas assez les autres statuts et les autres professions pour m’exprimer en leurs noms, mais en ce qui concerne mon statut et mon métier, je peux déclarer sans rougir que je ne me sens pas être un enfant gâté qui se la coule douce sans participer ni à l’impôt ni à la solidarité avec mes concitoyens.
L’expérience que j’ai de mon métier est qu’il est rempli de passionnés qui ne comptent pas leur force de travail, leur courage, leur intelligence et leur temps au service d’une œuvre, d'un réalisateur, d'un auteur, d’un film, d’un documentaire ou d’une production audiovisuelle.
Je ne connais personne qui a comme profession « Intermittent » mais des électros, des machinos, des cadreurs, des assistants caméra, des scriptes des réalisateurs des ingés son qui ont le statut d’intermittent. Intermittent n’est pas une fin en soi ni un métier, c’est un statut particulier qui permet d’arrondir les angles, parfois aigus, de nos professions et dont les bénéficiaires ne sont pas exemptés de concourir à le financer.
Ce statut ne devrait pas être une honte mais une fierté, car il a permis de maintenir un niveau et une exigence à notre culture que bien des pays nous envient.
Bien sûr ce statut n’est pas sans défauts et si l’on peut s’inquiéter de l’inflation du nombre des intermittents et de la réalité de la précarité de certains contrats, doit on jeter le bébé avec l’eau du bain. Qui en est responsable ? Les intermittents ou les vrais bénéficiaires de ces contrats qui ont oublié que l’on pouvait aussi faire des contrats à durée indéterminée pour des types de postes dont la pratique ne relève pas de l’intermittence.
Non, messieurs et dames les journalistes du Point je n’ai pas l’impression de me la couler douce quand mon avenir dépend d’un coup de téléphone, de la chamaillerie et des jalousies de décideurs (qui eux touchent leurs salaires tous les mois) et ont droit de vie et de mort pour un film ou un programme.
Non je ne me la coule pas douce quand une de mes filles me dit qu’au cours des 15 dernières années je n’ai été présent que 4 fois à son anniversaire et que cerise sur le gâteau, jamais on a pu prévoir sereinement des vacances tous ensembles.
Non je ne me la coule pas douce quand je reviens éreinté ou plein de doutes d’un tournage très compliqué.
Non je ne me la coule pas douce quand mon téléphone n’a pas sonné pour un tournage depuis plus de quinze jours.
Non je ne me la coule pas douce quand on m’explique que pour mon travail on va me donner, au mieux, la moitié du salaire normal parce que c’est un film, fragile, compliqué, sous financé, ambitieux mais tellement beau.
Non je ne me la coule pas douce quand je vois des collègues malades, légèrement trop vieux, ou plus à la mode à qui on ne propose plus de boulot.
Non je ne me la coule pas douce parce que je partage les angoisses et les doutes de mes réalisateurs tout au long d’un projet.
Non je ne me la coule pas douce parce qu’une boite « oublie » de me payer ou me fait un chèque en bois et que je ne sais pas comment je vais terminer le mois.
Non je ne me la coule pas douce et j’assume le choix de vie et de passion que j’ai fait, et si le régime d’intermittent me permet d’amortir une partie des aléas inhérents à un métier qui par essence ne peut être exercé à plein temps, pourquoi devrais-je passer pour un nanti qui vit aux dépens de la société et de ses concitoyens. Evidemment qu'il faudra se poser la question d'une vraie réforme juste de notre statut, pour que les plus précaires d'entre-nous ne soient pas exclus et que ce statut recouvre les seuls besoins des métiers relevant de l'intermittence.
Mais, moi, je ne m’attaque pas au statut des journalistes (non exempts d’avantages) ni à ceux de la fonction publique qui défendent des personnes auxquelles je donne toute ma confiance quand je vais à l’hôpital ou quand je les vois remettre, au mépris du danger, la haute tension après une tempête…
En période de crise on se doit de se serrer les coudes, chasser de tous bois toutes les gabegies et renforcer la solidarité, mais entre nous, si on commençait cette chasse aux sorcières par ceux qui nous ont plongés dans cette crise en jouant les apprentis sorciers de la finance, à taxer les revenus spéculatifs qui ne créent rien, cassent tant aux seuls profits de quelques-uns qui n’ont aucune ambition pour la nation ou les citoyens qui la composent.
Je ne suis pas journaliste, ni homme politique, ni délégué syndical mais simple technicien de l'image qui en plus de son travail habituel co-administre, sur son temps libre, ce site de partage de connaissances pour des professionnels relevant, assez souvent et quand ils le peuvent, du statut d’intermittent. Je vous demande donc à ce titre, chers collègues, de partager et commenter ce coup de gueule, contre cet article du Point qui semble bien être la première banderille d’un "combat à mort" qui nous vise tous
Philippe Brelot