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[Réflexion] La magie ne nait pas dans les mains du magicien...


Gilbus

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Le post sur la très bonne vidéo de Meven concernant les phrases toutes faites et les idées reçues m'a fait cité la-bas une petite phrase que j'aime bien, dont j'ai dit qu'elle avait des implications multiples.

je vais développer ici, pour une pas polluer l'autre sujet...

Dans la série des petites phrases qui tuent, voilà un extrait de « l’encyclopédie universelle de la magie de Gilbus », qui traite de la phrase :

« La magie ne nait pas dans les mains du magicien, mais dans l’esprit du spectateur »

Analyses et implications.

1 :

Cela veut dire que le principal, c’est ce que ressent le spectateur :

Donc, que tous les moyens techniques sont bons, du moment qu’on arrive à notre but une fois dans la tête du spectateur.

Cela évoque les débats parfois sans fin sur la l’importance de la technique.

La technique est un des moyens.

Le but, c’est l’esprit du spectateur.

2 :

Autre implication :

Il faut un spectateur.

Ça semble basique, mais on ne peut faire de la magie chez soi, tout seul, sans personne pour « créer la magie » dans son esprit.

3 :

La vision du processus de communication

La phrase résume bien les éléments :

Le magicien, ce qu’il montre (ses mains pour le symbole)

Le spectateur et son esprit

Et la naissance de la magie, donc le processus qui va passer du magicien au spectateur, qui va communiquer.

L’analyse de ces trois éléments est essentielle.

4 :

Une autre implication :

On montre des choses au spectateur.

Mais ce n’est pas ce que l’on montre qui est important :

C’est la construction que va se faire le spectateur de ce qu’il voit.

Ce que l’on transmet au spectateur doit donc être non pas le produit fini, mais ce qui va orienter la construction qu’il fera lui-même, dans son esprit.

Comment donner assez d’éléments, sans paraitre forcer une construction précise ?

Car bien sûr, cette conviction qui va se forger doit avoir les apparences de la liberté.

5 :

Pourquoi la magie qui naît dans l’esprit du spectateur est-elle la plus forte ?

Car c’est le spectateur lui-même qui va construire sa conviction d’avoir vu une chose extraordinaire.

Certains disent :

« Et maintenant, je vais vous montrer une chose extraordinaire ! »

En espérant convaincre le spectateur.

C’est, au mieux, un pis-aller.

La conviction la plus forte, c’est celle que nous nous forgeons tous nous même, car nous somme forcément en accord total avec elle, puisque c’est nous qui le pensons, librement.

Remettre en cause cette conviction, c’est se désavouer soit même, et cela, on évite de le faire, cela ne nous met pas en valeur à nos propres yeux, et aux yeux du monde.

C’est pour cela que certaines convictions, que l’on se forme avec parfois des fondements si subjectifs et si peu fiable que c’en est pitoyable, forment ensuite un socle de conviction presque inamovible dans notre façon de penser.

Si l’on analysait objectivement les informations qui ont présidé à l’établissement de nos convictions profondes, on verrait qu’elles sont partielles, partiales, ou même totalement imaginaires.

Pourtant, on y croit, c’est notre opinion.

Faire naitre ce type de croyance dans l’esprit du spectateur, c’est ce qui va donner la magie la plus forte, car on n’a pas besoin de convaincre, c’est le spectateur qui va se convaincre tout seul.

Encore une fois, cela implique que le spectateur croit se forger librement une opinion.

6 :

Une implication plus générale :

La magie existe.

Dans l’esprit des gens.

Qu’on croit la voir ou pas dans le monde matériel, aucune importance.

Mais dans l’esprit des gens, tout est possible.

On a donc une réalité malléable, qu’on peut transformer.

Ainsi, on peut avoir des tours ou l’on montre qu’effectivement le réel se transforme.

Et d’autre ou la transformation n’a lieu que dans l’esprit du public.

Il ne faut pas négliger ce type de méthode.

On peut d’ailleurs allez plus loin, et SIMULER cette transformation de l’esprit du spectateur :

Par exemple :

Le spectateur touche une carte, on lui montre, on la pose sur la table.

On passe la main dessus, on la retourne, ce n’est plus la même : le magicien a changé la carte.

Un changement dans le monde matériel.

Même procédure, (il choisit le 5 de pique et la mémorise).

On montre la carte aussi au reste du public (ce n’est pas le 5P qu’on montre, mais le 8C)

Ensuite :

« Vous vous souvenez bien de la carte ? Gardez-la bien dans votre esprit ! »

Gestes d’hypnose

« Je vais modifier votre souvenir : la carte, c’était le 5 de pique, répétez après moi : le 5 de pique… quel était la carte ? »

-Ben, le 5 de pique ?

« Vous êtes sûr ? Depuis quand ? »

-ben depuis que je l’ai choisi, c’était déjà le 5 de pique !

« Retournez la carte… »

Et bien sûr, ce n’est pas le 5 de pique mais le 8C…

C’est une autre application de la phrase « La magie ne nait pas dans les mains du magicien, mais dans l’esprit du spectateur »

7 :

Autre implication :

Si la magie naît dans un esprit, qu’en est-il d’un public de plus d’une personne ?

Autrement dit, comment va prendre notre graine de magie, pour des individus différents ?

Le tour va-t-il être perçu par tout le monde pareil ?

Surement pas, car l’esprit des gens est unique, donc la magie qui va s’y former est forcément différente.

On a vu dans le point 6 le concept de double réalité.

Mais en fait, si on va dans l’analyse fine, quand on fait un tour en public, il y a une multitude de réalités qui se côtoient, car chacun vit dans ce qu’il pense être la réalité, mais qui n’est bien sûr qu’un fantasme engendré par son esprit…

Ceux dont le fantasme s’écarte trop de la norme sont déclarés fous, ou génie…

Comment exploiter cela, comment le gérer ?

Déjà, veut-on vraiment que chacun reparte avec le même souvenir ?

C’est une question à se poser, la réponse n’est pas si évidente…

On veut pourtant, en général, que l’effet passe au mieux pour un maximum de spectateur, et donc faire naitre la magie dans un maximum d’esprits.

Il faut donc travailler la clarté.

Le schéma de base pour qu’un effet magique ait lieu, c’est :

1-Une situation de départ claire, comprise et acceptée par le public.

2-une action visible et comprise, sur cette situation de départ, dont les conséquences découlent logiquement.

3-Un résultat final différent de ce que l’on attendait logiquement, ou hautement improbable

C’est l’ensemble qui constitue l’effet, et qui fera naitre la magie, et pas seulement la dernière phase, comme on le voit parfois dire.

On voit que chaque étape correspond à la philosophie de notre phrase magique :

« La magie ne nait pas dans les mains du magicien, mais dans l’esprit du spectateur »

Et pour chacune des trois étapes, on doit implanter l’idée de ce qui se passe, non pas dans nos mains, mais bien dans l’esprit du spectateur.

Ce qui permet d’avoir la « manipulation » à n’importe quelle étape :

On peut tromper sur la situation initiale, sur l’action qu’on apporte, ou sur le résultat.

Ou sur une combinaison des trois.

Les différentes méthodes pour chacune des étapes sont développées dans un autre chapitre, mais chacun peut bien sûr rapporter à ses tours l’endroit où il met la tromperie :

Parfois, on gagne à changer l’endroit où l’on triche, à essayer les autres endroits par rapport à un tour que l’on fait, et en tout cas, on gagne à réfléchir sur « l’étape de triche » quand on construit le tour.

...

Voilà, c’était ce que j’appelle les 7 premières implications de la phrase :

« La magie ne nait pas dans les mains du magicien, mais dans l’esprit du spectateur »

Il y en a d’autres.

Ou on peut développer celles-ci de manières différentes. J’ai fait de larges coupes ici, pour ne pas vous saouler, c’est les vacances…

Mais il y a des phrases comme cela, qu’on gagne à garder dans un coin de sa tête, pour en extraire le message.

Le message change parfois, en fonction de notre évolution propre, c’est rigolo.

Par exemple, étudiez donc les implications de la phrase de Robert Houdin :

« Un prestidigitateur n’est pas un jongleur ; c’est un acteur jouant un rôle de magicien »

Page 54 du livre : « les secrets de la prestidigitation », chapitre « escamotage et prestidigitation » dans la version en téléchargement libre de la bibliothèque nationale (Galica).

Les réflexions que l’on peut en tirer son nombreuses (ainsi que celles liées aux différentes déformations de cette phrase qui est souvent citée de travers… et qui montre ce que les gens ont envie de retenir ;) )

La sagesse (ou un truc qui y ressemble...) est parfois sous notre nez, profitons des vacances pour y plonger, ça change des sauts de coupe…

Gilbus.

Modifié par Gilbus

Quand le magicien montre la lune avec son doigt, le public regarde le doigt...

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Naissance de la magie.......cette approche (pour l'amateur que je suis) me plait énormément. Je veux bien oublier un instant la performance.... la technique.... les vidéos......les dvds à profusions.........les gimmicks...........et je réfléchirais avec plaisir à cette approche, passionnante de l'humain.....

Merci de ce partage.

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Naissance de la magie.......cette approche (pour l'amateur que je suis) me plait énormément. Je veux bien oublier un instant la performance.... la technique.... les vidéos......les dvds à profusions.........les gimmicks...........et je réfléchirais avec plaisir à cette approche, passionnante de l'humain.....

Merci de ce partage.

De rien :

J’ai dit aussi qu’il y avait plein d’autres implications, dans cette phrase…

Tu soulèves toi-même l’une d’elles.

Faire naitre la magie.

Cela parait évident pour un spectacle de magie, mais en fait, pas tant que cela.

la performance.... la technique.... les vidéos......les dvds à profusions.........les gimmicks.

Oui, tout cela empli la tête de l’illusionniste, à tel point qu’il en oublie souvent la vraie magie, ce qu’il est sensé imiter.

Un tour de carte, par exemple, est l’archétype du tour à truc :

On sort les cartes, et les spectateurs se demandent, avant qu’on ait ouvert la bouche, quel truc on va faire.

Et bien souvent, le « magicien » aussi, pense au truc qu’il va faire. Il ne pense pas à faire naitre la magie…

C’est à chacun de se placer, sur l’axe performance/magie, pour savoir l’idée qu’il veut faire naitre chez le spectateur.

Ou pour ceux qui donnent déjà, au départ, une notion de truc au mot magie :

L’axe performance/mystère.

On peut faire un très bon spectacle, plein de surprises et de choses impossible et incroyable, sans faire naitre la magie.

On peut parfois faire douter du monde réel le spectateur, avec une LD.

C’est une question de style, d’interprétation, de scénario, et de circonstances.

Et donc de choix :

Veux-t-on que nos spectateur se mettent à douter de la nature de ce qu’ils voient, de l’univers dans lequel ils vivent ?

Le débat a été fait maintes fois sur les forums, entre partisan de la performance qui ne laisse pas d’ambiguïté et ceux qui aiment laisser planer le doute, entre ceux qui se concentre sur l’aspect spectaculaire et ceux qui essaient d’introduire du mystère.

Les premiers disent souvent : j’utilise la suspension du refus de croire, mais il faut qu’à la fin du spectacle, les gens reviennent dans le monde réel, on n’est pas là pour leur faire croire vraiment à des idioties.

Les seconds laissent partir le spectateur avec un doute qui peut durer…

Bon, ça ce sont les deux cas où il y a un peu de magie quand même :

Dans bien des cas, le magicien, connaissant la nature du truc, ne croyant pas à ce qu’il fait, ne fait même pas l’effort de rendre l’effet plausible.

On obtient alors un stéréotype de magicien de cabaret, qui récite un texte parlant de magie, fait des gestes « mystérieux », mais sonne complétement faux.

Ou une succession de défis ou de trucs.

Je le sais bien, je le fait souvent.

Car on n’est pas tout le temps en situation de faire naitre la magie.

Les circonstances, le public, notre humeur aussi font que ce n’est pas facile.

Alors, pour que ça soit rigolo quand même, ben on fait un tour. Mais pas de magie.

La naissance de la magie provoque une émotion. La fameuse émotion magique, dont on parle tant.

Une performance, provoque, au mieux, une surprise ou une incrédulité.

L’un est émotionnel, l’autre intellectuel.

Bien entendu, si l’on veut faire naitre la magie, on part avec un fort handicap si l’on est présenté au départ comme illusionniste/magicien.

L’illusionniste est un archétype de moins en moins mystérieux : c’est que des trucs, d’ailleurs on peut avoir les explications à la télé, sur le net, dans les boites de céréales…

Il y a une légère aura de mystère, certes, mais souvent si ténue qu’il faut vraiment travailler dur pour la rendre palpable.

Si on est présenté comme mentaliste, ou shaman, ou simplement « le gars bizarre dont je t’ai parlé », on a un avantage certain : domaine inconnu et mystérieux au départ, on n’est pas placé d’emblée dans le domaine de « je vais bien arriver à trouver son truc »…

On ne va pas développer ici les techniques pour faire naitre la magie (limitation d’effet, double personnage, dématérialisation de l’effet, approche indirecte etc.), mais du choix :

Avons-nous envie que les spectateurs croient à une certaine forme de magie, durant notre prestation ?

Ou voulons nous montrer une performance ?

Le choix est intéressant, car les moyens à mettre en œuvre dans la présentation sont sensiblement différents…

Alors, illusionnisme sans magie, ou avec ?

Encore un casse-tête pour l’été ;)

Gilbus

Modifié par Gilbus

Quand le magicien montre la lune avec son doigt, le public regarde le doigt...

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