Aller au contenu

Plick (Pierre TLLFR)

Membre
  • Compteur de contenus

    415
  • Inscription

  • Dernière visite

Tout ce qui a été publié par Plick (Pierre TLLFR)

  1. Dear Sean, "La manipulation des pièces n’est pas moins appréciable que celle des [cartes], mais elle est beaucoup plus simple à réaliser. C’est dans la paume de la main que l’on cache les pièces de monnaie." "Le format idéal est le sou, mais, avec de la pratique, n’importe quelle pièce fera l’affaire, sauf si elle est vraiment trop petite : dans ce dernier cas, elle sera pincée entre les doigts, presqu’au bout de ces derniers, tandis qu’une balle doit être cachée au-dessus, près de la paume." "Pour faire voyager une pièce d’une main à l’autre par dextérité Tenez tout d’abord votre main droite ouverte et déposez-y un sou ou quelque autre pièce de grande taille. Montrez ensuite la pièce du bout de votre majeur gauche en accompagnant votre geste de quelque boniment, puis écartez votre main droite qui retient le sou. Inclinez maintenant légèrement la main en y gardant le sou puis retournez prestement la main droite au-dessus de la main gauche pour donner l’impression – renforcée par le fait que la main gauche se ferme à ce moment précis – d’y déposer le sou. Pour renforcer l’illusion, vous pouvez prendre un couteau pour feindre de taper sur la pièce afin qu’on l’entende tinter sous les coups de la lame. Mais au lieu de taper la pièce dans la main gauche (où il n’y a rien), vous devez en réalité tenir fermement le bout du couteau avec votre main gauche et frapper la pièce cachée dans l’autre main : le public pensera que vous tapez la pièce dans votre main gauche. Puis, après quelque formule, ouvrez votre main : lorsque les spectateurs constateront qu’elle est vide, ils s’étonneront de la disparition du sou. Pour mettre un sou dans chaque main et les faire se rejoindre par la parole Quiconque est parvenu à retenir avec facilité une pièce de monnaie dans sa main droite peut présenter des centaines d’inventions plaisantes grâce à cette technique, et peut aussi bien cacher deux ou trois pièces qu’une seule. Vous pourrez ainsi feindre de déposer une pièce dans votre main gauche en la retenant en réalité dans la main droite, puis prendre une autre pièce identique, et, par quelque parole, les pièces sembleront s’être rejointes. Pour mettre un sou dans la main d’un spectateur et un autre dans la vôtre et les faire se rejoindre par la parole dans la main du spectateur Tenez fermement deux sous l’un contre l’autre et déposez-les dans la main d’un spectateur comme s’il n’y en avait qu’un. Feignez ensuite de déposer un sou dans votre main gauche, puis par quelque formule adaptée, faites voyager le sou de votre main gauche dans la main du spectateur. Lorsque vous ouvrez votre main gauche, elle est effectivement vide ; et quand il ouvre sa main il y trouvera deux pièces alors qu’il pensait n’en tenir qu’une. Grâce à ce principe, vous dis-je, mille et une inventions peuvent être réalisées." Best regards from Kent, Reginald Scot.
  2. Bonjour, Pour aider à la méditation, il est bon de donner une citation non seulement syntaxiquement correcte, mais aussi conforme à la pensée de son auteur/locuteur. Je n'étais pas à Amiens mais je pense que Raphaël Navarro a plutôt dit quelque chose du genre : "La magie est un art dont le langage est le détournement du réel dans le réel." Ou alors il était très fatigué ! C'est sa réponse à la définition bien connue de la magie moderne donnée par le père Eugène ("le magicien est un acteur qui joue le rôle d'un magicien") Plick.
  3. Amis voyageurs, Ne manquez pas l'exposition "Magic Show" qui est inaugurée ce samedi à la galerie d'art Grundy de Blackpool et qui y sera présentée - gratuitement à ma connaissance - pendant toute la durée du congrès (à deux rues de la Church Street où se déroule le congrès), sauf le dimanche. Cette exposition (dont les commissaires sont Jonathan Allen et Sally O'Reilly) entend explorer la manière dont les artistes contemporains se sont approprié les techniques d'illusionnisme dans leurs arts respectifs, et plus généralement comment les techniques de manipulation propres à l'illusionnisme ont pu servir d'autres domaines et d'autres fins que ceux du spectacle. C'est une exposition itinérante en Angleterre pendant plus d'un an. Elle vient d'être présentée deux mois à Derby et finira son parcours, après Blackpool, à Carlisle, Cardiff puis Londres. Lien vers la galerie d'art Grundy : ici Une critique de l'exposition : ici sur le site Nottingham Visual Art Plick.
  4. Bonjour, Rabelais est peut-être le premier à utiliser le mot ventriloque en français. Mais il ne l'a pas trouvé dans une pochette surprise, puisque son origine est toute latine : le mot ventriloquus, bien attesté en latin, est un joli composé du verbe "loquor" (parler) et du substantif masculin "venter" (ventre)... celui qui est loquace du ventre, en quelque sorte. L'engastrimythe ne sortait pas non plus d'un carambar, ou alors d'un carambar grec : "en" (dans), "gastêr" (ventre) "mûthos" (parole)... celui qui a des paroles gastriques, en quelque sorte. D'ailleurs, le bon Rabelais évoque les joueurs de passe-passe un certain nombre de fois dans son Œuvre... à tel point que Rémi Ceillier en a fait un article (qui n'est malheureusement pas exhaustif) pour le Journal de la Prestidigitation, réédité sous forme de brochure : L'Escamotage chez Rabelais, Paris : P. A. Davy, 1934. Cordialement, Plick.
  5. Bonjour, Puisque certains (et non des moindres) ont rappelé fort justement que les techniques mnémotechniques sont loin d'être le propre du magicien, et que d'autres (et non des moindres) ont parlé de Cicéron et de Simonide de Céos, il serait injuste de ne pas citer ici l'extraordinaire livre de l'historienne de l'art Frances A. Yates, The Art of Memory, paru en 1966, puis traduit en français par le génial Daniel Arasse sous le titre de L'art de la mémoire (Gallimard 1975, dans la belle collection "Bibliothèque des histoires"). Cet ouvrage est une véritable référence, il est étudié par les historiens, les historiens de l'art, les philosophes... et, je l'espère, par un grand nombre d'illusionnistes. Frances Yates y retrace l'histoire de l'art de la mémoire de l'Antiquité grecque au XVIIe siècle. Elle reprend tous les témoignages anciens sur la technique des lieux (loci) et celle des images insolites (imagines agentes), techniques qui étaient en particulier utilisées par les orateurs pour se souvenir des jalons de leurs discours, et pouvoir facilement revenir sur telle ou telle affirmation sans perdre le fil logique de leur argumentation. Miss Yates développe avec érudition les prolongements de l'art de la mémoire dans l'iconographie et dans l'hermétisme de la Renaissance, son sujet de prédilection. Je vous recommande donc ce livre (disponible dans toutes les librairies sérieuses pour moins de 40 euros, ou dans de nombreuses bibliothèques), qui n'est certes pas d'une lecture aisée, mais qui est passionnant et stimulant. Tout cela rappelle l'extraordinaire et catastrophique invention de l'écriture, remède à l'oubli mais poison du savoir, telle qu'elle nous est contée dans le mythe de Teuth... Amicalement, Plick.
  6. Bonjour, Ça fait du bien de revoir de temps en temps le cordial duel Hamman/Kaps ! Euh... non . Tu as oublié qu'une description de cette technique a paru dans le livre de chevet de tout magicien, l'ouvrage posthume Greater Magic* (1938) de John Northern Hilliard édité par Jean Hugard, sous le nom de "The Bluff Pass" (p. 185-186). La description est limpide et illustrée de deux dessins explicites. Kaps le fait particulièrement bien, c'est entendu. Mais sincèrement, j'espère que vous n'avez vu personne le faire sans la "subtilité" : ce n'est pas simplement une "petite" subtilité supplémentaire, c'est la base même de la technique ! Le bluff repose justement sur le conditionnement. Il se trouve que cette "subtilité" a paru dans Greater Magic* (1938), bizarrement à la même page que ci-dessus, étrangement sous le même nom de "Bluff Pass". Il y est dit : "As the spectator looks at his card, with the left thumb riffle off nearly half the deck, Fig. 1, and lift the packet off with your right hand, thumb at the rear, Fig. 2, fingers close together at the outer end. Casually drop these cards back on the remainder in the left hand, again riffle with the left thumb and apparently pick up about half the cards as before, really lift off one card only (...)". Concernant l'histoire de la technique, il est sobrement indiqué chez Hilliard : "This is an entirely new departure in the way of controlling a card that has been replaced in the pack". Quand c'est "entirely new" dans le Hilliard, ça veut dire que ça circulait depuis quelques temps déjà dans les lieux autorisés... ceci dit, remonter l'histoire de la technique est un vrai casse-tête car il y a plusieurs techniques qui portent le même nom de "Bluff Pass" ou "Bluff Control" à partir des années 1900. Hilliard forever, Plick. * Je rappelle que le pavé de Hilliard existe en deux volumes en français, publiés dans les années 50 : La prestidigitation du XXe siècle : Tours de cartes modernes (il n'est PAS disponible dans les meilleures épiceries du Poitou mais facile à trouver d'occasion...) PS : Après un échange fructueux avec le très informé Philippe Billot et la consultation du Whaley's Dictionary, il semblerait que le contrôle au bluff ait été publié pour la première fois en 1928 par Frederick Montague (en faisant mine de soulever la moitié supérieure, il ne prend AUCUNE carte) puis par Tucker en 1936 (en faisant mine de soulever la moitié supérieure, il ne prend qu'UNE carte, comme Kaps). C'est la technique de Tucker qui aurait été reprise deux ans plus tard dans Greater Magic.
  7. Tout à fait ! Certes, la corde était un peu grossière mais le principe existait déjà à la fin du XIIe siècle. On en garde un superbe témoignage iconographique copié d'un manuscrit alsacien du Moyen Âge (l'original a brûlé avec la bibliothèque de Strasbourg) : L'Hortus deliciarum de l'abesse Herrade ! Regardez plutôt : [img:center]http://bacm.creditmutuel.fr/imagesScan/IMG00038_4m.jpg[/img] Cette superbe image a été commentée dans la revue La Nature du 14 juin 1884 sous le nom du Jeu des lutteurs (ici) et figure dans le livre de Fanch Guillemin Histoire de la magie blanche avant Robert-Houdin (2000, épuisé) ainsi que dans son tout nouvel ouvrage Magiciens d'Argoat et d'Armor (2009) qui sera offert aux congressistes de Vannes . Plick. PS : Ça avait quand même plus de gueule il y a neuf siècles... comparez le manuscrit alsacien et les figurines modernes présentées ci-dessus... !
  8. C'est (tout au plus) amusant : cette idée de techniques rompues pendant des années rappelle l’étymologie du mot routine. La routine est littéralement la petite route, du latin rupta, la rupture : c'est un chemin déjà rompu, frayé, emprunté de nombreuses fois, un sentier battu. On y marche sur les brisées de ces prédécesseurs. Ceci dit, et pour verser un instant dans la réflexion de comptoir, on peut faire de cette routine, de ce chemin, ce que l'on veut : marcher dans les traces du passé, c'est-à-dire parcourir le chemin déjà très fréquenté ou piétiner son propre chemin jusqu'à ce qu'il soit rompu ! Plick. PS : Le mot routine est plus couramment* compris par les magiciens comme un enchaînement d'effets, c'est-à-dire un chemin (rupta) reliant plusieurs tours dans un ensemble cohérent. La routine serait alors plus proche de ce que Juan Tamariz entend par sa Vía mágica (Le Chemin Magique... indispensable et disponible dans les meilleures épiceries du Poitou ) sur laquelle il emmène le spectateur, un chemin semé d'effets et de pièges qui conduit finalement à l'impression de magie. *Non, je n'ai ni chiffres ni statistiques, mon "brave Dam" et ma "vieille Frantz".
  9. Certains préfèrent mettre 2 millions dans un Twombly, d’autres 14 000 dans une sculpture impossible de Tabary, d’autres 200 dans une soirée avec Tamariz. Si les « C… qui sont capables de payer des sommes folles pour obtenir de telles M... » sont non seulement « bête » mais contents, notre brave artiste aurait tort de se priver de se « fou[t]re de [leur] gueule ». Certains y voient la lumière comme Claude Berri la voyait dans les œuvres tout aussi blanches de Robert Ryman (ça vibre, c’est lumineux, c’est pur etc.), d’autres y voient un bon investissement ou un futur profit en revendant la camelote à des gens encore plus « C… » qu’eux. D’autres encore y voient du grand n’importe quoi (et encore, le brave homme a passé une couche de peinture dessus...). Et c’est très bien comme ça… Si ça l’amuse de barbouiller des toiles autant que ça vous amuse de faire des sculptures impossibles, c’est tant mieux. Que l’art soit ici ou là, dans l'œuvre elle-même ou dans le fait de l'exposer, peu importe. Vous dites de vos sculptures qu'elles "créent une sensation de lévitation, de légèreté et d'impossibilité topologique totale ; elles troublent l'œil et la raison et ouvrent la voie à de multiples interprétations (...) [L'artiste] manipule les sens et l'esprit avec la complicité de la lumière. La perception de ses œuvres fait continuellement osciller l'œil de l'observateur entre le réel et l'irréel"... c'est un véritable plaidoyer en faveur de l'art de Twombly ! Les collectionneurs de Twombly ne pourraient pas mieux vous commenter les œuvres de leur artiste préféré... ! La réponse est précisément dans votre signature : « Créer est divin, copier est humain ». Et non seulement c’est humain, mais ça a l'air de l'amuser et d’être rentable… Tant qu’à se foutre du monde, autant le faire en blanc, n’est-ce pas ? Par contre, pour devenir mondialement célèbre en vendant des toiles en blanc immaculé, il faut être sacrément malin (et avoir éventuellement bien choisi son blanc). On peut au moins lui reconnaître son génie commercial… qui n’a, pour le coup, rien du n’importe quoi. Que le snobisme rend bête, voilà qui est prouvé. P. PS : Moi je préférais quand même le bonhomme qui a pissé dans Fountain de Duchamp à Nîmes (encore une ville du « Sud Ouest » de la France, vous dira le journaliste du Figaro), même si je n’aurais pas donné le coup de marteau final.
  10. Les artistes qui ont eu un grand et durable succès sont ceux qui savent ce que pensent les gens intelligents dans le public, et qui jouent devant et pour eux, en ignorant les hystériques qui tapent des mains. Est-ce que nos magiciens travaillent sous une quelconque direction dans l’art de la magie ? Ont-ils la présence sur scène, peuvent-ils jouer ? Ont-ils étudié le public intelligent afin de connaître sa capacité de penser, pour juger de ce qui va les tromper, eux ? Non, bien sûr ! Ils ont juste acheté un tas de tours, et sont montés sur scène. Donc, ils ne sont qu’un tas de « magiciens de comptoir ». La magie, qui est un art, et qui compte parmi les plus divertissants auprès des vrais spectateurs intelligents, a énormément souffert. En vérité, elle a été assassinée. Il n’y pas actuellement de bons magiciens, sauf quelques-uns qui maîtrisent leur spécialité et dont je parlerai plus tard. Les magiciens des vingt dernières années faisant des illusions ont été terrifiants. Pas assez brillants pour inventer de bonnes illusions, et dépourvus de sens commercial pour en acheter de bonnes. Les trucs qu’ils ont présentés sont à deux balles, sans aucun mystère, et ont donc été nuisibles. Nous n’avons eu qu’une bordée de clowns et de « démarcheurs en mobilier », qui font… ou plutôt qui massacrent de minables illusions. En entendant les applaudissements des imbéciles du public, ils pensent qu’ils les laissent tous pantois, sans savoir que l’intelligente majorité du public s’ sévère. Combien de magiciens parmi les milliers de professionnels et amateurs font un spectacle ce soir ? Juste une poignée, et pour si peu de spectateurs. Et pourtant un magicien offre un spectacle d’une à deux heures pour un cachet moindre qu’aucun autre artiste. En plus, les magiciens peuvent jouer pour tous types de public, à la différence de nombreux autres artistes. Mais alors, pourquoi tous les magiciens ne sont-ils pas engagés ce soir ? Un violoniste bon à rien ne fait aucun mal à la musique, mais « les magiciens de comptoir », en faisant de la magie une discipline de bons à rien, ont massacré la magie.
  11. C'est en effet une grande huile sur bois - qui se trouve au Kunsthistorisches Museum de Vienne - sur laquelle on assiste au tournoi annuel entre le Prince Carnaval sur son gros tonneau et Dame Carême sur son austère chariot. L'un et l'autre sont escortés par des adeptes : des nonnes pour le Carême... et des musiciens et un bateleur pour le Carnaval. Ce tableau n'est donc pas complètement hors sujet puisque le thème est encore religieux : la bataille de l'ascèse contre la fête, du temps du jeûne religieux contre la débauche païenne... et la bataille de chacun contre soi-même (sur le thème "la foi doit l'emporter sur les passions débridées, vive la maîtrise de soi" etc.). A ceci près que les cartes à jouer ne sont pas dans ses mains... et justement c'est cela qui pose problème ! Car, même si c'est probable, rien ne permet d'affirmer avec certitude qu'il y a un lien direct entre le débile (avec son cône sur la tête) qui tient une baguette et des gobelets... et les quelques cartes qui jonchent le sol. Après tout, les cartes sont à côté du tonneau de l'allégorie du Carnaval... et les jeux de cartes sont aussi liés aux fastes du Carnaval... et pas nécessairement à l'escamoteur. Même si l'on peut suggérer que la juxtaposition d'un joueur de gobelets et de cartes n'est sans doute pas anodine, on ne saura jamais ce que voulait "Pierre le Drôle". Plick.
  12. Bonsoir, Les prestidigitateurs ont été mis à contribution jusqu’au milieu du XVIe siècle pour participer à la vaste mise en scène de l’histoire sainte que constituaient les Mystères, spectacles aux multiples épisodes qui pouvaient durer plusieurs jours. Disons que cela permettait de fixer l’histoire sainte dans les esprits par des images autrement plus frappantes que les récits littéraires. Voir la décollation de Jean-Baptiste reproduite avec hache, bourreau et effusion de sang était tout de même plus marquant que de lire les évangiles qui racontaient cette même histoire. Et puisqu'il était plus rentable de réutiliser plusieurs fois un même acteur plutôt que de le considérer comme un produit consommable, la scène était truquée. On trouve par exemple une brève explication de la décapitation sur un billot (une tête factice était substituée à la vraie tête plongée par le comédien dans le fût du billot) dans les didascalies du Mystère du Roi Advenir, présenté notamment à Angers [par les membres fondateurs de l’ARHA] en 1455. Ce tour restera lié à la religion puisque Reginald Scot, qui en fournit une abondante explication en 1584 sous le titre de « To cut off ones head, and to laie it in a platter, &c. : which the jugglers call the decollation of John Baptist », se réfère explicitement à la légende de Jean-Baptiste. Une des plus importantes œuvres de la Renaissance traitant de prestidigitation est le dessin de Bruegel l’Ancien sur le thème de La Chute du magicien Hermogène (1565), qui nous est surtout connu par la gravure qu’en a faite immédiatement Pieter van der Heyden (bien que le dessin original subsiste et soit conservé à Amsterdam). Vous pouvez vous plonger dans cette gravure et la parcourir à souhait en cliquant ici. Le témoignage de Bruegel est exceptionnel pour l’histoire de la prestidigitation puisqu’on y voit, avant même que tous ces tours ne soient décrits par Jean Prévost (janvier 1584) en France puis Reginald Scot (1584) et Hocus Pocus Junior (1634) en Angleterre, un aperçu du répertoire de l’époque : couteau à travers le bras, cadenas en travers de la bouche, gobelets, poinçoin à travers la langue… ou encore la fameuse décapitation (les replis insistants de la nappe de la table laissent élégamment entendre qu’il y a quelque chose à cacher…). Or cet aréopage d’artistes s’exécute dans le cadre démoniaque de la légende du faux prophète Hermogène face à Saint Jacques de Compostelle, que l’on voit sortir d’une église à droite. Cette légende est rapportée dans les écrits apocryphes compilés par Jacques de Voragine dans sa Légende dorée au XIIIe siècle… à la différence que le texte de Voragine offre un happy end tandis que le Hermogène (qui a quelque chose de Simon le Magicien) de Bruegel est cruellement lapidé par les démons qui étaient initialement dans son camp mais qui se sont retournés contre leur ancien maître… une belle morale ! Au XVIIe siècle, les protestants et les catholiques s’insultaient réciproquement en se traitant de « joueurs de gobelets », titre qui devait leur paraître particulièrement infâmant car on le retrouve des dizaines et des dizaines de fois. Il est intéressant de voir que dans ce cadre des querelles religieuses, la rhétorique protestante a cherché à assimiler l’eucharistie catholique à un tour de gobelets, en déclarant par exemple que l’étymologie de « Hocus Pocus » n’était autre qu’une forme altérée du « Hoc est enim corpus meum » (ceci, en vérité, est mon corps), formule performative prononcée lors de la transformation (effective selon le dogme catholique) du vin en sang et du pain en chair… Ces petits exemples respectivement dramatique, iconographique et rhétorique montrent que les liens sont historiquement forts entre ces deux champs culturels, qui s’attirent et se repoussent comme les meilleurs ennemis du monde. Amicalement, Plick.
  13. Bonjour, L'Escamoteur de Saint-Germain-en-Laye n'est pas une toile non plus. Les deux tableaux sont des huiles sur bois. A défaut de rendre la lecture de la deuxième image clairement lisible, la juxtaposition de Gérard avait le mérité d'être proportionnellement plus exacte puisque le panneau de Saint-Germain est environ deux fois plus petit que celui de Philadelphie : 106 x 138 cm pour celui-ci, 53 x 65 cm pour celui-là. Il existe un certain nombre de "versions" datant du XVIe. Les trois principales étant celle du Musée municipal de Saint-Germain-en-Laye (dont l'existence est inconnue avant son entrée au musée en 1872), celle du Museum of Art de Philadelphie (collection Crespi à Milan, puis collection Wilstach ; signalée en 1906) et enfin celle de l'Israël Museum de Jérusalem [84 x 114 cm] (collection Ostier à New York ; signalée en 1958). Deux autres copies plus fidèles au tableau de Saint-Germain-en-Laye mais de qualité plus médiocre que les deux copies inventives (de Philadelphie et de Jérusalem) existent ou semblent avoir existé : un tondo en grisaille [36,8 x 31 cm] conservé dans une collection privée en Californie ainsi qu'un (faux ?) panneau présenté en 1958 par la galerie Nicholson de New York et introuvable depuis... Il existe aussi une gravure [23,8 x 32 cm] conservée à la Graphische Sammlung de Munich, réalisée par Balthazar Sylvius van den Bos [signature B.S.] d'après Bosch avec des inscriptions en néerlandais qui explicitent la morale de l'oeuvre. Enfin, le Cabinet des Dessins du Louvre conserve une pièce maîtresse du puzzle : une esquisse (certes assez sommaire et moins narrative et complexe que le panneau de Saint-Germain) à la plume sur papier (disons un brouillon avec des dessins au recto et au verso) de l'Escamoteur [27,8 x 20,2 cm] attribuée avec détermination à Bosch lui-même. C'est en partie ce dessin qui laisse penser que le tableau de Saint-Germain est du même Bosch. Cependant, le tableau de Saint-Germain pourrait être la copie d'un original perdu (et dont le dessin du Louvre serait l'esquisse préparatoire). Amicalement, Plick.
  14. Cher Petitbonhomme, Le dernier livre de Juan Tamariz et de sa compagne Gema Navarro, Por Arte de Verbimagia (Editorial Frakson, c'est-à-dire Juan et Gema eux-mêmes) est justement consacré à tous les tours de magie dans lesquels le magicien ne touche jamais à rien et ne donne que des instructions orales au spectateur. Ce livre, accompagné d'un CD, découle directement des émissions que Tamariz a animées à la radio espagnole, et donc de cette magie très particulière qu'est la magie radiophonique. Ayant paru peut-être l'année dernière, on le trouve très facilement chez l'éditeur et dans toutes les bonnes épiceries espagnoles pour une cinquantaine d'euros. Plick.
  15. Bonjour, Peut-être que cette routine lue, un jour, dans un livre... n'est autre qu'une routine lue, un jour, sur VM. Je ne sais pas si c'est à cela que vous pensez, mais il y a depuis plus de dix ans (ça ne nous rajeunit pas...) dans la partie "Secrets" de VM une routine fort semblable (et fort amusante) : "Mental total" de Pascal Weber. A trouver vers le bas de la liste des "tours". P.
  16. Bonsoir, Juan Tamariz a écrit il y a déjà bien longtemps au moins quatre booklets (trop peu connus) consacrés aux jeux truqués : jeu biseauté (à ne pas sous-estimer...), jeu Al Koran, jeu Menetekel (de Burling Hull) et jeu Multi-effet (de Val Evans). Ces booklets sont accompagnés du jeu truqué et/ou d'une cassette audio où il détaille tout ce qu'il décrit de façon synthétique dans le livret (avec une voix tellement posée et didactique qu'on a du mal à reconnaître le personnage !). Ces booklets sont disponibles, pour 10 à 30 euros, auprès du Bazar de Magia de Buenos Aires (ici). Je crois que c'est eux qui les ont édités, et il est fort probable qu'on ne les trouve nulle part ailleurs. Voilà les titres en langue originale (ah oui... ça n'existe évidemment qu'en espagnol) : - La Baraja misteriosa de Al Koran - La Baraja Menetekel - Encyclopedia de Juegos con la Baraja Biselada - La Baraja Multiefecto J'ai acheté il y a quelques années la (petite) encyclopédie sur le jeu biseauté, c'est une (petite) merveille d'ingéniosité et de subtilité que je recommande sans modération à tout individu plus ou moins hispanophone. Plick.
  17. Bonjour, Yep, le tampon se trouve normalement sur l'as de trèfle. Je crois cependant qu'il y avait une exception pour les jeux de la marine nationale, qui étaient exemptés de cette taxe/tampon. Il se trouve que j'ai un jeu de la Marine dans un coin... Plick. PS : C'est marrant, je dois avoir une collection d'environ cinq jeux de cartes originaux ou anciens. J'ai presque réussi à tous les citer dans ce thread, faisant miroiter une collection digne de Volker Huber. Mais... non.
  18. Je l'ai aussi celui-là, mais ce n'est pas celui auquel je pensais. Le mien n'était pas vendu dans un étui de cartes mais en vrac dans un petit sachet transparent : les cartes ont également des coins carrés mais la texture ressemble plus à du papier Canson... avec toute la rugosité qui en découle. Plick. PS : Cher Husky, sur le post précédent, je reconnais ma défaite... à 7 secondes près.
  19. On voit bien sur l'image que la reproduction n'occupe que le centre de la carte. Donc c'est une reproduction exacte de l'original... mais seulement au centre des cartes. Les bordures - on le voit à la couleur de fond de la carte - sont ajoutées et les index aussi. A ce que je sache, les cartes à l'époque ne portaient pas du tout d'index. Et effectivement c'est dommage d'avoir ajouté des index... et a fortiori des index américains. Par contre, j'ai acheté aux Etats-Unis une reproduction de cartes anciennes sans index, sur du carton impropre à toute manipulation. Il faudra que je vous retrouve la référence... Plick.
  20. Merci Husky pour les précisions "(et pfff...impressionnantes)" concernant les cartes en général. L'édition originale de 1858 de ton Jacob est lisible (et l'est un peu plus que le manuscrit de Luca Pacioli ) en intégralité sur Google Livres : Ici ! Le chapitre "Recherches sur les cartes à jouer" commence à la page 17. P.
  21. Certes ! Pour ne parler que de magie, mais sans se limiter à la France, les premiers tours de cartes connus à ce jour sont décrits par Luca Pacioli vers 1496 dans son De Viribus Quantitatis dont un manuscrit est visible en intégralité sur Internet pour les courageux : Ici On retrouve des tours de cartes chez Jérôme Cardan, dans son Liber de Ludo Aleae vers 1525 (édité en italien/anglais par Persi Diaconis) puis dans son De Subtilitate vers 1550. Et ne serait-ce que le chapitre sur les cartes dans The Discoverie of Witchcraft de Reginald Scot en 1584, ma bonne dame ! (par contre, pas mention de tours de cartes, si mes souvenirs sont bons, dans le livre de Prévost la même année en France). Pour rester dans les tableaux, il suffit d'aller voir du côté de chez Bruegel l'Ancien vers 1550 pour y voir des cartes, des gobelets et des gibecières. Si on sort du domaine de la magie, les parties de cartes fleurissent dans les illustrations de livres, les peintures et les tapisseries dès le XVe. Et à cette époque, le Pont-Neuf, tout ancien qu'il puisse être, n'existait pas . Plick. PS : Pour le plaisir, je vous livre un petit extrait de texte datant de 1602 (Discours Exécrable des Sorciers d'Henry Boguet). Ce n'est pas grand-chose dans l'absolu, mais qu'est-ce que je l'aime, celui-là ! "Mais prenons seulement nos manieurs de cartes. J'ay vu un Copte Italien nomé l'Escot, lequel s'y mostroit admirable. Il vo mettoit en main un dix de picque, & toutesfois en fin vous trouviez que c'estoit un Roy de coeur, ou une autre carte que la premiere." Hein ?
  22. Voilà, pour le bon Husky, un petit croquis - à défaut d'une photo - que j'emprunte à l'ouvrage Giochi e giocattoli nell'antichità de Marco Fittà (Elemond Editori Associati, 1997). Teller est celui de droite, qui ne pipe mot... mais qui n'en pense pas moins (sur le château de sable de Penn Jillette). Mais revenons plutôt au rôle carthatique du "débinage" avec les gobelets transparents... [img:center]http://plick.free.fr/Menhotep-VM.jpg[/img] Plick.
  23. Bonjour, C'est encore plus fort avec les gobelets transparents ! Leur misdirection est tellement bien montée que je doute de toute façon que le moindre spectateur y puisse suivre quelque chose. Pour le reste, je me range à l'opinion de Seb. Ce n'est pas non plus leur dernière nouveauté. A moins qu'ils n'aient profondément changé leur routine, ils l'ont réalisé dans l'un des trois volets de leur Penn & Teller's Magic and Mystery Tour, diffusé sur le petit écran puis édité en DVD en 2005... et plus précisément dans leur fabuleux reportage en Égypte à la recherche des origines du tour des gobelets... et plus précisément encore à Beni-Hassan, dans la salle de la tombe de Menhotep, où sont représentés deux individus tenant des gobelets : c'est la (trop) fameuse représentation qui alimente le premier chapitre (qui tourne en général à vide entre les grottes de Lascaux, Dedi et la verge de Moïse...) de tous les historiques de la magie de Sidney Clarke à Milbourne Christopher. Les magiciens se sont emparés de ce petit motif égyptien découvert par Ippolito Rosellini dans la première moitié du XIXe pour y projeter leurs fantasmes de jeu des gobelets "vieux comme le monde". Le petit hic dans l'histoire, comme dirait Bill Palmer qui crie au complot, c'est qu'il y a certes des gobelets, mais il manque... les balles. Si au moins ces égyptiens (incapables par ailleurs de dessiner quatre gobelets identiques... sans parler de la perspective !) avaient utilisé des gobelets transparents, on aurait su si des balles s'y dissimulaient ! Mais alors, pots de fleurs ? Jeu d'échecs ? Les uns crient à la fumisterie, les autres y voient LA genèse... Plick.
  24. Bonsoir, Demander le portrait-robot de l’escamoteur du « Moyen-Âge » (période artificielle qui désigne presque dix siècles), c’est un peu comme si on voulait savoir quel est le magicien ou la magie caractéristique de l’époque moderne, des années 1500 aux années 2500…! De toute façon, dans des sources médiévales occidentales, tu ne trouveras pas de descriptions détaillées du répertoire du magicien-typique- du-Moyen-Âge. C’est un vrai puzzle de sources éparses… et d’ici août, ça va être dur de recoller tous les morceaux. Par contre, puisqu’on parle des gobelets, il existe deux textes d’une vitalité extraordinaire et qui parviennent vraiment à transmettre une atmosphère magique. Ils ont été cités à tort et à travers par les historiens de la magie depuis un siècle. Malheureusement, l’un se situe avant le Moyen-Âge… et l’autre après ! Mais heureusement, c’est relativement peu avant… et peu après ! Ce qui est frappant, c’est qu’entre ces deux descriptions il existe beaucoup de points communs. Donc on peut raisonnablement penser que les effets de gobelets ont connu une certaine continuité à travers tout le Moyen-Âge, au point de réapparaître à la Renaissance sous leur forme « antique ». Le premier texte est d’Alciphron qui a vécu vers le II-IIIe siècle de notre ère. C’est une lettre imitant le style d’un rustre paysan de l’âge d’or de la Grèce (soit prétendument cinq siècles avant Alciphron) allant vendre ses figues séchées avec son ânesse dans la ville voisine où il découvre avec émerveillement et effroi les attractions citadines, parmi lesquelles on compte un escamoteur se produisant dans le théâtre (ce qui permet en passant de faire la nique au cliché bien enraciné de l’escamoteur antique connaissant la rue pour seul refuge). Tu trouveras facilement ce texte dans toute bonne bibliothèque, par exemple dans la traduction d’Anne-Marie Ozanam (rien à voir avec l'Ozanam que connaissent les collectionneurs...) aux Belles Lettres en 1999. Voici la référence précise du passage qui t’intéressera (peut-être) : Lettres de pêcheurs, de paysans, de parasites et d’hétaïres, livre III, lettre 20 (« Napée à Créniade »). On doit l’autre texte, le Baldus, à Teofilo Folengo, dont le style annonce celui de Rabelais. La première édition en latin de cuisine date de 1517. La traduction française qui fait référence est celle de 1606 (sous le titre de Histoire Maccaronique de Merlin Coccaie, etc.). Tu trouveras une reprise de ce texte français dans différentes éditions dont la plus accessible est celle de 1859 chez Delahays (dans le chapitre XIII, p. 235) téléchargeable sur Google Livres. Le passage qui t’intéressera (peut-être) évoque les tours d’un certain Boccal avec ses gobelets de cuivre et ses petites pelottes. C’est un vrai régal à lire, c’est vivant et drôle. Je ne suis pas convaincu que la notion de la magie était différente, du moins pour les escamoteurs. Sauf si tu veux jouer au faux prophète (ce qui est aussi possible, très amusant et bien documenté dans l’Antiquité), il ne faut pas croire que les mecs qui faisaient le tour des gobelets se faisaient passer pour des mages doués de pouvoirs surnaturels avec des routines « spirituelles ». Ouch ! Huuugh ! PS : T’es plutôt du genre « magie moderne » (je pense que c’est le sens de ta magie "modere"). D'ailleurs, en passant, j'aime bien la phrase "un jeune magicien talentueux qui ne manque pas de talent" sur la page d'accueil de ton site... Je ne sais pas si, en dehors de la manipulation de CD, tu fais des tours de cartes, mais ce qui est sûr c’est que les cartes c’était plus moderne dans les années 1500 que de nos jours. Après tout, les Anciens étaient les vrais modernes, les pionniers découvrant le sujet, et nous sommes les Anciens, avec toute cette expérience des prédécesseurs dans le dos. Il faut en profiter ! Donc je te souhaite bonne chance dans ta quête de la quintessence de l’escamotage médiéval, espèce d’Ancien ! Plick.
  25. Bonjour, Pour ceux qui cherchent des références de livres, la (très bonne) méthode de Joan Font est décrite dans le tome 3 de La Magia de Ascanio (Estudios de cartomagia – Sus clásicos) par Jesús Etcheverry (Madrid : Páginas – Libros de magia, 2001, dispo chez l'éditeur), en appendice du tour Todo dorsos dans le premier chapitre sur les Classiques. La rhétorique kaufmanienne veut que ce troisième tome de The Magic of Ascanio sorte dans les jours à venir en anglais dans la traduction de Rafael Benatar. Et sans doute dans 10 ans en français, ce qui laisse le temps d’apprendre à la fois l’espagnol et l’anglais. Ceci dit, je suis assez d’accord avec Seb Mossière… Plick.
×
×
  • Créer...