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Plick (Pierre TLLFR)

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Tout ce qui a été publié par Plick (Pierre TLLFR)

  1. Bonsoir, Je n'ai pu regarder jusqu'au bout cette vidéo lamentable, mais je pense voir de quoi il s'agit. L'histoire de ce tour, bien connu des amateurs de curiosités mathématiques, est passionnante. Sa présentation a pendant des siècles eu un sens politique et religieux affirmé... en voici un bref panorama historique et géographique : Vers 1500 en Italie, Luca Pacioli (mais ce n'est sans doute pas le premier) décrit le principe et l'applique à un équipage comprenant des juifs et des chrétiens. Pour des raisons impérieuses de survie, les marins procèdent à un choix supposé aléatoire de victimes qui sont jetées à la mer. Bien sûr, c'est toujours des membres de la même communauté religieuse qui sont désignés par le sort ("De giudei Chri'ani in diversi modi et regole a farne quanti si vuole", De Viribus Quantitatis, Bologne, Bibliothèque universitaire, Cod. 250, fol. 99r-102r). On retrouve ensuite le principe tout au long des siècles. En 1626 en France, il s'agit d'un des premiers problèmes mathématiques que Leurechon pose dans son ouvrage... avec des chrétiens et des Turcs. Bien entendu, le capitaine chrétien s'arrange pour jeter à la mer tous les Turcs ("Disposer autant d'hommes ou d'autres choses qu'on voudra, en telle sorte que rejetant toujours d'ordre le 6, 9, 10 ou le tantième qu'on voudra, jusqu'à un certain nombre, restent seulement ceux qu'il vous plaira", Récréation mathématique, Pont-à-Mousson, 1626, p. 7). En 1650 en Egypte, Ahmad al-Qalyoubi transpose le problème à un équipage de musulmans et de polythéistes. Ces derniers font les frais de la ruse mathématique du capitaine. L'ordre dans lequel les personnes doivent être disposées au départ est joliment déduit d'un court poème en arabe ("Comment choisir une victime", Le Fantastique et le quotidien, trad. R. Khawam, Paris, 1981, p. 109). En 1733 en Espagne, Pablo Minguet dissimule à peine la connotation du tour en mettant sur un bateau des chevaux blancs et noirs. Les chevaux noirs tombent à l'eau ("Juego de hacer con naipes un navio cargardo con treinta cavallos, quince de blancos, y quince de negros, y contando el numero de nueve, hacer que todos los negros vayan al mar", Engaños a ojos vistas, Madrid, vers 1733 p. 152). Enfin, Carlo Antonio en 1759 remet les pieds dans le plat avec les chrétiens et les Turcs ("Quinze Chrétiens & quinze Turcs se trouvent sur mer dans un même vaisseau", Trésor des jeux, Genève, 1759, p. 92), tandis que Guyot en 1769 édulcore définitivement le tout avec des soldats déserteurs à punir ("Disposer trente soldats qui ont déserté & dont quinze doivent être punis, de manière cependant qu'on en puisse sauver quinze à son choix en les comptant de suite, & rejettant toujours le neuvième", Nouvelles récréations physiques et mathématiques, vol. 2, Paris, 1769, p. 229). Tout ça pour dire que quand le Professeur Hoffmann décrit le même principe en 1890 pour faire sortir les cartes au fur et à mesure de l'épellation de leur valeur ("The 'Spelling' Trick", More Magic, Londres, 1890, p. 31), le tour est certes lavé de tout soupçon raciste, mais il manque aussi cruellement d'épaisseur dramatique... ne parlons pas d'un gars qui reprendrait cet héritage multiséculaire et chargé de sens pour faire apparaître des souris, des têtes de clown et des étoiles sur des cartes jumbo... p.
  2. Bonjour, Je cite le Dictionnaire de la prestidigitation de Jean de Merry et André Ciocca (2e éd., Proust, 2006, p. 67-68) : "[Jean Caroly] inaugure à Paris la Maison Caroly, qu'il dirige de 1896 à 1930. Par la suite, cette maison change de nom et devient l'Académie de Magie. Il édite et publie la revue magique L'Illusionniste de 1902 à 1914. (...) Il se retire le 1er janvier 1930 en laissant la direction de l'Académie de Magie à son neveu Charles Faugeras, dit Caroly II." A l'article consacré à L'Illusionniste (p. 206), on peut lire : "1. Publication mensuelle créée par Jean Caroly. Elle a été publiée de janvier 1902 à juillet 1914. C'est la première revue magique éditée en français. 2. Organe officiel du French Ring 69 de l'IBM, dès 1947. En 1948, cette publication devint la revue officielle du Cercle français de l'illusion Jules Dhotel, devenu Cercle français de l'illusion, association magique indépendante." La revue L'Illusionniste (1902-1914) est disponible en intégralité (avec reconnaissance de caractères) sur la base de données AskAlexander du Conjuring Arts Research Center de William Kalush. Une bonne manière de se plonger dans l'univers magique de l'époque et de découvrir les rapports entre les magiciens français autour de 1900 (Raynaly, Dicksonn...) est de lire la biographie de Méliès par sa petite-fille Madeleine Malthête-Méliès (Georges Méliès l'enchanteur, éd. augmentée La Tour verte, 2011). P.
  3. Peut-être pour s'assurer autant de succès que tous les magiciens qui l'ont fait par le passé ? (C'est avant tout un argument commercial pour décrocher des arbres de noël.) Dans les années 1910, on raconte qu'Arnold de Biere avait assuré ses pouces avant de mettre à son répertoire le tour des pouces attachés. Dans les années 1930, on pouvait lire sur les affiches du magicien "Marquis" que ses mains étaient assurées pour 100 000 dollars. En 1986, Doug Henning a assuré ses mains à la Lloyd pour 3 millions de dollars (Genii, avril 1986). Et ça continue aujourd'hui avec le pickpocket James Freedman (ici)... Je vous prie de croire, Monsieur Danilsen, en l'assurance de mes mains distinguées, P.
  4. Tout dépend de quoi on parle. On peut bien sûr retracer l'histoire passionnante des trucages et des "faux prophètes", mais on parlait plus haut (suite au message de Clémence) des escamoteurs, donc des gens de spectacle... et de la période de l'Inquisition en Europe. Je pense que pour cette période, on a beaucoup (complètement) exagéré la condamnation de l’Église à l'égard des escamoteurs. Pour les périodes antérieures (où on peut plus difficilement parler de diable ou d'inquisition...), il me semble qu'aucun témoignage n'indique de près ou de loin que les gens ont cru une seconde que les escamoteurs avaient de vrais pouvoirs : au pire, ils font peur pour leur habileté. Pourquoi les aurait-on cramés ?
  5. Bonsoir, J'offre un carambar au premier qui me cite un (enfin... disons deux) magiciens - au sens de prestidigitateurs - qui ont été condamnés par l’Église durant toute la période de l'Inquisition. Je pense que c'est l'une des grandes fausses idées que l'on se fait habituellement de l'histoire de notre discipline. Max Dif, malgré son énorme travail de pionnier, n'est pas une source historique fiable, il ne cite aucune source et n'étaye pas ses affirmations. On pourrait en discuter longuement, mais je suis convaincu que (presque) personne n'a cru sérieusement que les escamoteurs faisaient des choses diaboliques (ni au Moyen-âge, ni à la Renaissance, ni à l'âge classique...). Plick.
  6. Bonsoir, Pour être exact : "Vos mensonges nous émerveillent davantage que notre fausse vérité." Ce qui est somme toute assez différent... Toujours, je ne ne sais pas. Tout ce qu'on peut dire, c'est que ce que nous appelons aujourd'hui prestidigitation existe au moins depuis l'Antiquité grecque. Je ne vois en revanche aucune rupture à la fin du XVIIIe siècle. L'essentiel du répertoire (effets et techniques) d'aujourd'hui est déjà constitué dans le monde arabe à partir du XIIIe siècle (cartes à jouer exceptées) et dans l'Europe occidentale à partir du XVIe siècle (avec les tours de cartes). Robert-Houdin, Jules de Rovère (mais est-il vraiment documenté, celui-là ?) ou encore Houdini ne sont que les héritiers de cette longue tradition. Par ailleurs, comme le dit l'ami Youpi, il me semble que magie et prestidigitation ont cohabité, en se rencontrant parfois mais le plus souvent en suivant leur propre chemin, au fil des siècles. Supposer que l'un se transforme en (ou prend la place de) l'autre est une hypothèse à la Max Dif ;-). Bon courage pour ces recherches passionnantes. Amicalement, p. P. S. : S'il y a rupture, ne serait-ce pas celle des boîboîtes à paillettes au XXe siècle ? (Ou de l'inégalé tour "ouah ouah le chien" ?)
  7. Bonjour, L'origine du terme de muscade pour désigner les charges sous les gobelets est assez mystérieuse, parce qu'il semble que les magiciens n'aient jamais utilisé de muscades. Dans l'Antiquité grecque et romaine, les escamoteurs utilisaient respectivement des psephoi (petits cailloux) ou lithidia (cailloux/galets) et des calculi (petits cailloux)... parfois avec des coupelles, mais vraisemblablement seuls dans de nombreux cas (à la manière des "perles d'ivoire" de Claude Rix ?). Au point que l'escamoteur dans l'Antiquité est désigné par le seul caillou et non par les gobelets, aussi bien linguistiquement (en grec, un escamoteur est appelé un "joueur de cailloux") que dans les représentations visuelles : un auteur de l'Antiquité tardive (Athénée) mentionne la statue d'un escamoteur érigée dans un théâtre, avec dans sa main un simple caillou en guise d'attribut (de nos jours, sans gobelets, y reconnaitrait-on un escamoteur ?). Les premières mentions de "noix" ou "noisettes" en lien avec les gobelets se trouvent dans la littérature arabe au XIIIe siècle. Dans l'Europe du XVIe siècle, Folengo parle de balottas (pelottes), Scot de balles of corke (balles en liège)... On trouve mention de la muscade proprement dite chez Hocus Pocus Junior en 1634 : il suggère en effet d'utiliser des cork balls de la taille de nutmegs (muscades). Idem au XVIIIe : Ozanam/Grandin et Guyot évoquent des balles de liège de la grosseur d'une aveline, donc d'une sorte de noix. Par extension (mais c'est ce passage qui est assez mystérieux et difficile à cerner dans le temps), la "balle de la taille d'une muscade" devient une "muscade" chez Dumartherey (le vrai faux manuscrit de 1732, détail de vocabulaire qui contribue à le rendre louche...?), puis Decremps en 1788 ou encore Ponsin en 1853. Ce dernier en livre une explication crédible : "Les petites boules avec lesquelles on joue sont en liège ; on leur a donné le nom de muscades, parce qu'anciennement on noircissait ces petites boules en les brûlant à la flamme d'une chandelle ou bougie, pour les rendre plus légères, de sorte que leur couleur et leur forme les faisaient assez ressembler à cette noix odoriférante dont elles portent le nom." (Jean-Nicolas Ponsin, Nouvelle Magie blanche dévoilée, tome 1, Reims/Paris, 1853, p. 248) Autrement dit, les escamoteurs antiques utilisaient des cailloux, les escamoteurs arabes des noix ou noisettes au Moyen-âge et les escamoteurs européens généralement des balles de liège aux Temps modernes (même si Decremps parle aussi de balles-mousse et que Robert-Houdin nous dit que Conus utilisait des boules de cuivre, plus de deux siècles avant Gertner !). Il me semble qu'au fil des siècles, la muscade sert d'étalon pour la grosseur des balles à tailler dans le liège... et elle a fini au XVIIIe siècle par désigner (par pure convention) les balles utilisées par l'escamoteur. Sur l'histoire des gobelets en général, tu peux te reporter à l'étude chronologique publiée par les P&P (Billot et Guedin) en 2011 en ouverture de leur indispensable livre Prestidigitation - Mille et une sources (p. 1-7) : en dehors de quelques approximations pour la période antique (;-)), c'est une source sérieuse et fiable. Amicalement, p. P.S.: Quant au chop-cup, les P&P en retracent l'origine (p. 221-222) en 1723 chez Ozanam/Grandin avec un gobelet ou une balle enduit(e) de cire ou de suif. Le principe moderne d'aimantation du gobelet daterait des années 1930.
  8. Ottokar Fischer était en effet le plus grand spécialiste d'Hofzinser... mais c'est peut-être dommage de ne pas s'être appuyé sur le spécialiste actuel, autrement plus rigoureux que son prédécesseur. Ou du moins sur le texte original de Fischer en allemand, extrêmement facile à se procurer. Ou au pire, sur la traduction anglaise non publiée de Richard Hatch qui, à la différence de Sharpe (sa traduction anglaise date de 1931), comprend l'allemand... En tout cas, c'est plutôt étrange de passer par l'anglais pour traduire un texte de l'allemand en français. Je veux bien croire que certaines traductions ont été complexes et qu'il y a eu beaucoup de corrections à faire : pas évident de traduire la (mauvaise) traduction d'un texte (douteux) ! Pour citer Rafael Benatar : "The Sharpe-Fischer translation is full of inaccuracies, sometimes attrocities, and lots of arbitrary stuff without warning." (post #84931 du 21 janvier 2003 sur le forum Genii). Et voici ce qu'en dit l'intransigeant Bill Palmer : "Sharpe is the worst translator of the lot. His German is almost as bad as his French. He should have left Hofzinser alone and allowed someone else to do it. He had the mistaken idea that one could simply plug English words into a text in place of the German ones and it would read well. He did not understand some of the idioms." (post du 10 mai 2007 sur le forum Magic Café) Certains ne sont pas loin de penser qu'il est dommage que seul un cinquième du stock des livres de Sharpe ait été détruit pendant la guerre à Londres. Ceci dit, la traduction de Sharpe est historiquement intéressante, puisqu'elle a marqué une époque et que quelqu'un comme Dai Vernon n'avait que ça pour étudier Hofzinser (preuve à l'appui dans la collection de Seb !). J'attends avec impatience la sortie de ce livre, mais je me permets d'avoir quelques doutes sur la fidélité du texte final à la pensée d'Hofzinser. C'est d'autant plus dommage que toutes les sources - rassemblées par Magic Christian - sont aujourd'hui disponibles pour faire une traduction sérieuse. P.
  9. Bonjour, C'est une excellente initiative de mieux faire connaître Hofzinser en France. Le livre d'Ottokar Fischer de 1910 était déjà traduit depuis des lustres en anglais (de façon pathétique, semble-t-il) et en espagnol. A partir de quel texte a été faite la traduction ? Est-ce une traduction du texte allemand (très controversé) de Fischer ? Est-ce une traduction de l'édition Non Plus Ultra - Kartenkünste corrigée (à partir des manuscrits originaux d'Hofzinser, et non à partir de la réinterprétation d'Ottokar), annotée et augmentée de Magic Christian (qui me semble être aujourd'hui incontournable) ? Avant l'entrée en scène des livres de Magic Christian, Richard Hatch avait entrepris une nouvelle traduction anglaise des deux compilations de Fischer. Il a eu le temps de publier celle sur la magie générale, mais Kaufman a renoncé à publier celle sur la cartomagie pour attendre la version mise à jour de Magic Christian. Stephen Minch a aujourd'hui pour projet de sortir l'ensemble des livres de Magic Christian en anglais, ce qui va rendre définitivement dépassé le texte d'Ottokar Fischer traduit par Sharpe. Bravo en tout cas et bonne continuation, P.
  10. Chers P&P, Dans ce domaine, la prudence impose de ne faire confiance à personne, que l'auteur s'appelle Max Dif ou Stephen Minch... (et surtout quand il s'appelle Max Dif !) Je sais bien que toutes les éditions d'un même livre sont différentes (et pas seulement au XVIIIe siècle)... sinon, ça serait trop simple. En l'occurrence, je voulais parler du tour "How to make a card jump out of the pack, and run on the table". Dans la 11e édition de 1795 (Philadelphie) qui doit être celle que vous possédez, le tour se trouve aux pages 39-40. N'est-ce pas assez clairement un étalement du jeu ? (qui pourtant reste considéré comme un "pack", en témoigne le titre... ce qui signifie à mon avis que le jeu n'est pas étalé n'importe comment sur la table) A très bientôt pour d'autres discussions historiques et bon courage pour la poursuite de votre louable travail, p.
  11. Bonjour, Dans le même genre, dans le best-seller de Jérôme Cardan, on lit ça : "Il y en a qui regardent l'image de la carte à l'aide de miroirs placés dans leurs bagues." Mais c'est plus axé tricherie et ça date du milieu du siècle... p. P.S.: ... enfin, du milieu du XVIe siècle ("Sunt qui speculis in annulis positis contemplantur formam chartae", dans le Liber de ludo aleae, édité un siècle plus tard dans les Opera omnia, Lyon, 1663, p. 269).
  12. Bonjour P&P, Je n'ai jamais vu ce tour dans l'édition de 1722 d'Henry Dean... donc ça m'intéresse furieusement. C'est à quelle page ? La première occurrence que j'avais chez Dean se trouve dans la deuxième édition de 1727 : Henry Dean, "How to make a card jump out of an egg", The Whole Art of Legerdemain : or Hocus Pocus in Perfection, Londres, 1727, p. 122-123. Il est vrai que la méthode est savoureuse. Tant qu'on parle d'Henry Dean, vous datez la première description du "ruban ou étalement sur table" (P&P 2011, p. 63) de 1785... je trouve qu'il y en a pourtant une mention assez claire chez Dean en 1722 : "Then spread the pack of cards open on the table" (p. 51) dans un tour par ailleurs assez moderne (qui mériterait à mon avis, bien que le jeu ne se coupe pas de lui-même, d'être inclus dans votre chapitre "Vous saurez tout sur le FI", p. 203). Quel est votre critère pour déterminer l'apparition de l'étalement sur table ? Des détails esthétiques ? Des précisions techniques ? Merci P&P et à très bientôt, Signé : P.
  13. Si vous aimez les tours avec des œufs durs... et que vous voulez par exemple retrouver un œuf de caille au milieu d'un œuf dur de poule, ou produire un œuf dur exclusivement jaune, ou encore servir "l’œuf paradoxal à un quelconque philosophe" où jaune et blanc sont inversés... je vous conseille vivement le formidable petit livre d'Abdul Alafrez intitulé Deuxième volume de la Grande Encyclopédie "Miam-Miam" qui traite, pour cette fois, de la CUISINE MAGIQUE, Paris, 1984. Il est assez facile à se procurer sur le marché de l'occasion à vil prix. p.
  14. Bonjour, Retrouver un billet une carte dans un œuf est un classique du XVIIIe siècle. Le tour est décrit par exemple en 1723 par Grandin/Ozanam, en 1759 par Carlo Antonio et en 1769 par Guyot. Grandin suggère de faire choisir une carte, de la laisser tomber dans la gibecière en mélangeant le jeu, d'y jeter un œil et de transmettre l'information à un complice en montrant une autre carte du jeu (par un système de correspondance, le complice en déduit la carte choisie). Le complice met alors tranquillement (sans que l'on sache comment) une carte duplicata dans un œuf avant de l'apporter à la vue de tous. ([Jacques Ozanam et Grandin], "XLVII. Faire trouver dans un oeuf la carte qu'on a tirée", Récréations mathématiques et physiques, vol. 4, Paris, 1723, p. 444-445) Carlo Antonio montre un jeu de cartes normal puis, par une parenthèse d'oubli, l'échange contre un jeu à forcer ne contenant que des rois de cœur. Il fait choisir et remettre dans le jeu une carte, puis fait apporter une demi-douzaine d’œufs, contenant tous une carte duplicata (les œufs ont été percés à un bout, une carte très mince y est roulée, l’œuf est refermé avec de la cire) ! Le spectateur choisit un œuf... que le magicien casse sur une assiette avec son bâton de Jacob. Et le spectateur n'a pas le droit de toucher aux autres œufs... (Carlo Antonio, "V. Pour faire trouver une carte dans un oeuf", Trésor des Jeux, Genève, 1759, p. 30-32) Guyot a introduit une carte bien serrée dans un œuf rebouché avec de la cire. Il force une carte longue duplicata au spectateur... et donne l’œuf à casser au spectateur (au cas où ça gicle). Pendant ce temps-là, le magicien escamote la carte longue. Il propose aussi de mettre des cartes duplicata dans plusieurs œufs ou de faire choisir l’œuf parmi d'autres par un complice... afin de pouvoir casser ensuite les autres œufs vides. (Guyot, "LXXVIIe Récréation - Faire trouver une carte dans un oeuf", Nouvelles récréations physiques et mathématiques, vol. 2, Paris, 1769, p. 257-258) Quant à utiliser un étron en magie, c'est une excellente idée qui remonte au Moyen-âge : la célèbre transformation instantanée dans la bouche d'une datte ou d'un fruit quelconque en étron. Y faire réapparaître un billet ne peut qu'ajouter au charme de l'expérience. p.
  15. Les deux éditions espagnoles (2000 et réédition 2010 [ou quelque chose comme ça] avec DVD) sont en deux volumes. Bref, quelqu'un sait pourquoi les éditions anglaises sont en un seul volume ? ;-) p.
  16. Bonjour, Certes, vu comme ça, on peut effectivement produire du rosé... vu tout ce que les Anciens mélangeaient dans leur piquette pour lui donner un goût potable, rajouter un peu d'eau ne leur aurait pas fait peur. Ceci dit, l'effet de la transformation de liquide s'applique mieux au Zaubervase du musée archéologique de l'université d'Amsterdam, vase à plusieurs compartiments (qui est mentionné dans un grand nombre de livres plus anciens sur l'histoire de la magie). D'ailleurs, sur la notice du musée où vous en verrez de belles images (ici), et même sans être particulièrement porté sur le néerlandais, j'ai l'impression qu'ils indiquent qu'il pourrait s'agir d'une copie du XXe siècle (quand bien même ils font remonter l'histoire de la collection du vase au XIXe siècle sur la même page). S'agirait-il d'un faux ? Oui, cette œuvre est une belle trouvaille, largement plus de 100 ans avant Tibbles ! Plick.
  17. Bonsoir, Je suis ravi que la recherche sur Erdnase, après les hypothèses des dernières années de Tamariz, avance pour de bon... ... mais cet homme que vous appelez "Kaufman" ne serait-il pas apparenté à ce "Richard Kaufman" qui, si je me fie à ma (faillible) mémoire, écrivait dans Cardmagic que le chapitre sur les tours de passe-passe du livre de Reginald Scot avait été écrit par Shakespeare himself... et qui donnait à l'appui de cette affirmation de fausses références bibliographiques ? Quel modèle de probité historique... même si d'aucuns disent qu'il s'agissait de second degré kaufmanien, trésor si rare...! Comme le précise l'individu sur son forum, il n'a pas trouvé de document incontestable (il n'a pas mis la main sur le contrat avec l'éditeur, selon ses propres termes), seulement des circonstances aggravantes et des documents confondants... c'est-à-dire à peu près la même chose que tous les historiens qui ont déjà proposé des noms, barbouillé des pages d'arguments percutants et produit des montagnes de documents convaincants. Si on avait du temps à perdre, je suis sûr qu'on pourrait démontrer de façon convaincante que Erdnase n'est autre que Majax, l'éditeur Frantz et M.D. Smith James Hodges. C'est donc avec plaisir et curiosité, mais aussi et surtout avec circonspection que j'attends ces révélations fracassantes...! P.
  18. Bonjour à tous, Je sors de ma tanière pour saluer la parution de cet ouvrage. Je pense que, depuis l'opuscule de Kurt Volkmann de 1954 sur l'iconographie du jeu des gobelets aux XVe et XVIe siècles, c'est le livre qui apporte le plus à l'iconographie des spectacles de prestidigitation. On a beaucoup jasé, il y a deux ans, sur la sortie du monumental Magic édité par Taschen. Malgré l'exceptionnelle qualité des reproductions et sa très large diffusion, ce livre n'apportait cependant rien de nouveau à l'histoire de la discipline. Au contraire, le livre de Fanch Guillemin et Stéfane Laurens rassemble en grande partie des images sinon inédites, du moins totalement inconnues des magiciens. Par un choix délibéré, je crois, ce livre se présente avant tout comme un album d'images, et non comme un ouvrage d'analyse historique : les textes se réduisent le plus souvent à des citations de textes anciens qui entretiennent un rapport plus ou moins étroit avec les images. Ce n'est donc pas un ouvrage scientifique comme tendait à l'être le livre de Kurt Volkmann il y a cinquante ans : il manque certes de références précises, de bibliographie... mais a le mérite d'éviter les développements indigestes ou les descriptions rébarbatives. Le sujet est traité avec fraîcheur et tout en couleurs (ce qui est remarquable). Je suis particulièrement séduit par les périodes postérieures au Moyen-âge, c'est-à-dire à partir du moment où apparaissent des images indubitablement liées aux tours de magie. Pour la préhistoire, l'Antiquité et le haut Moyen-âge, en dehors des quelques objets truqués conservés, le lien avec la prestidigitation est parfois plus ténu (on sait pourtant qu'il existait des représentations d'escamoteurs dans l'Antiquité, mais celles-ci ne nous malheureusement pas parvenues... par prudence sans doute, le livre de Taschen démarrait vers 1400). A partir de la fin du Moyen-âge et jusqu'à nos jours, les images proposées représentent clairement des escamoteurs : elles sont très bien reproduites (pour une partie, il s'agit de reproductions qu'a fait exécuter Stéfane à partir des originaux anciens) et souvent inédites. En tout cas, c'est un joli pied-de-nez à ceux qui pensent encore qu'il n'y a rien à trouver sur la magie ancienne et surtout un formidable support pour stimuler la recherche future. Ce livre apporte enfin du nouveau dans un domaine où les auteurs ont la fâcheuse tendance à se recopier les uns et les autres pour le meilleur et pour le pire... et il constitue donc une lecture hautement recommandable. A bientôt, Plick. P.S.: Je ne suis pas convaincu que le vase truqué dont il est question (que vous pouvez voir au Louvre dans la deuxième salle de la galerie Campana) puisse servir à transformer l'eau en vin, mais il servait certainement à produire une sorte d'effet de vase inépuisable.
  19. Bonjour, On a dit aussi que Eddy Taytelbaum était à l'origine du Pop Out move, de la Flipper coin... mais à ma connaissance, il n'y aucune preuve irréfutable de la paternité taytelbaumienne pour toutes ces inventions. Je ne mets pas en doute sa bonne foi (ou celle de sa mémoire) : peut-être est-ce parce que ce n'était pas sa priorité de publier ou de diffuser, parce qu'il a mal choisi ses amis ou parce qu'on était moins porté sur les sources il y a quelques années ? Certes la paternité de l’étalement Ascanio est discutée… mais des deux côtés de l’Atlantique ! D’abord, deux mots sur la version officielle : Ascanio a montré sa technique à la FISM de 1970… et elle s’est ainsi diffusée très rapidement (via Del Cartier, Mike Rogers, Herb Zarrow…). Du coup, Ascanio s’est mis à rédiger en décembre 1970 (soit quelques mois après son triomphe à la FISM) un petit manuscrit sur son étalement et son application dans la routine "Los ases culebreantes", abondamment illustré de photos et a envoyé le tout en janvier 1971 à trois revues associatives de pays différents : Ilusionismo (revue de la Sociedad Española de Ilusionismo), Le Journal de la Prestidigitation et M-U-M (revue « Magic-Unity-Might » de la Society of American Magicians). Seule la revue espagnole s’est empressée de publier la technique (Ilusionismo, n°251, janvier 1971), tandis que Mike Rogers, en charge de M-U-M, n’ayant pas trouvé de traducteur compétent, a confié le manuscrit à Jon Racherbaumer qui est allé proposer à Lloyd E. Jones de le publier séparément (The Ascanio Spread, 1976) ! Quant à la revue de l’AFAP… le texte d’Ascanio doit malheureusement encore croupir dans quelque tiroir, car à ma connaissance rien n’a été publié dans ces années-là (mais j'attends avec impatience d'être démenti par Philippe Billot !). La controverse commence aux États-Unis : Wesley James rappelle que Roger Smith avait créé au début des années 1960 son "Klondike Shuffle Display". Cette technique, créée indépendamment, est en réalité très proche d’un Ascanio partiel (où ne sont étalées que trois cartes) réalisé avec une tenue par les petites tranches (c'est-à-dire le handling que nous connaissons aujourd’hui de l’étalement Ascanio). Jon Racherbaumer raconte qu’au début de l’année 1971, surpris par la similitude des deux techniques (créées indépendamment), il aurait montré la version d’Ascanio qu’il jugeait supérieure, à Roger Smith. Ce dernier aurait néanmoins persisté à publier quelques mois plus tard sa "modeste variation" (The K-S Control System, 25 septembre 1971), pour reprendre les mots de Racherbaumer… à l’époque, on ne jurait en effet que par la version d’Ascanio, et pourtant c’est la tenue par les petites tranches qui s’est imposée et que nous connaissons aujourd’hui… et qui n’a plus grand-chose à voir avec les rampants anneaux de la couleuvre ! En Europe, le nom d’Eddy Taytelbaum a fait irruption dans le débat. Il aurait inventé dans les années 1950, soit plus de dix ans avant Smith et Ascanio, ce qui est devenu le "culebreo". Il l’aurait présenté avec des cartes jumbo (ça n'aurait donc pas dû passer inaperçu !) dès 1959 à la compétition de Enschede en Hollande, et, bien avant, à des amis proches comme Fred Kaps et Piet Forton (lui aurait-il montré à cette occasion ce qui allait devenir le Pop out move… ). Par cet intermédiaire, la technique aurait pu parvenir aux mains d’Ascanio, comme le rappelle C(helman)EDmagic. Mais, selon la légende, c’est Fred Kaps qui aurait rebaptisé "Ascanio Spread" la technique qu'Ascanio avait intitulée "Culebreo" ! Pourquoi l’aurait-il nommée ainsi s’il savait le nom du véritable créateur (et a fortiori s’il avait lui-même transmis la technique à Ascanio ?)… à moins qu’il ne l’ait oublié ou que le mouvement d’Ascanio apporte quelque chose de vraiment nouveau à une possible invention antérieure et indépendante de Taytelbaum ? Où se situe la vérité ? La circulation des idées dans des petits groupes de créateurs fait qu’il est difficile d’attribuer avec certitude telle ou telle technique… peut-être Eddy Taytelbaum a-t-il esquissé un certain nombre d’idées qu’il n’a pas exploité suffisamment… et que d’autres ont su améliorer pour en tirer le meilleur parti ? Tant que Taytelbaum ne peut produire aucune preuve, j'ai cependant du mal à créditer à son génie isolé toutes ces inventions merveilleuses ! Amicalement, Plick.
  20. Bonjour à tous, Denis Behr vient de mettre en ligne ses dates de conférence en France. Il me semble qu'il y a assez peu de communication autour de cette tournée. Je ne trouve par exemple aucune information sur la conférence à Paris (Salle Fraternelle, 37 rue Tournefort, Paris 5e) : prix, heure, organisateur ? 17. January 2011 (Monday): Lille, France (Labyrinthe) 18. January 2011 (Tuesday): Antwerp/Willebroek, Belgium (Fevaca Inn) 19. January 2011 (Wednesday): Namur, Belgium 21. January 2011 (Friday): Paris, France (Salle Fraternelle) 24. January 2011 (Monday): Lausanne/Geneve, France 25. January 2011 (Tuesday): Basel, Switzerland (Restaurant Bundesbahn) 26. January 2011 (Wednesday): Dijon, France (Salle des fetes (Mairie)) 27. January 2011 (Thursday): Nice, France 28. January 2011 (Friday): Toulon, France 29. January 2011 (Saturday): Toulouse, France (Salle Giacomo) 31. January 2011 (Monday): Bordeaux, France 1. February 2011 (Tuesday): Poitiers, France (Rond Point Rocade) A très bientôt, P.
  21. Bonjour, Je ne peux que confirmer les avis éclairés de JB, maître Frantz et CED. Les deux livres que tu mentionnes sont admirables et complémentaires. La magie des cartes de Hugard et Braue est la traduction de Royal Road to Card Magic (1948). Il s'agit d'un cours de magie progressif qu'il est bon de suivre consciencieusement. Chaque chapitre présente une technique incontournable puis diverses applications géniales dans de superbes routines. C'est très pédagogique, bien illustré, plein de finesses et de subtilités. Bref, un livre qui donne des bases solides. La Technique moderne aux cartes de Hugard et Braue est la traduction de Expert Card Technique (1940) qui est une anthologie de techniques et de tours de cartes puisés dans le répertoire des meilleurs magiciens de la première moitié du siècle (Dai Vernon, Charlie Miller, Paul Rosini...). C'est un livre qui s'adresse davantage aux magiciens confirmés (c'est-à-dire ceux qui ont lu consciencieusement La magie des cartes !). Comme le mentionne Dany Khan, Jean Hugard a aussi compilé (à défaut d'avoir écrit) L'Encyclopédie des tours de cartes, traduction de The Encyclopedia of Card Tricks (1937). Elle est, à mon avis, moins incontournable que les deux titres précédents (mais postérieurs ). Enfin, si tu veux compléter ce tour d'horizon des classiques-de-la-magie-des-cartes-à-la-Hugard, il faut que tu te procures le tome consacré aux tours de cartes de La prestidigitation du XXe siècle, traduction du monumental Greater Magic (1938, en un seul volume en anglais). Ce livre, mis en forme par le même Jean Hugard à partir des manuscrits laissés par John Northern Hilliard à sa mort en 1935, est une vraie référence. Quant à L'Expert aux cartes, traduction de Artifice, Ruse and Subterfuge at the Card Table (1902, réédité et plus connu sous le titre de The Expert At the Card Table), c'est en effet un livre bien plus aride, objet de toutes les spéculations (en ce qui concerne l'identité de son auteur) et de toutes les dévotions (en ce qui concerne son austère contenu). Le Conjuring Arts Research Center de New York, jouant sur ce caractère "biblique" du livre d'Erdnase, en a même sorti une édition de poche en "papier bible" (et tout récemment une version indestructible : indéchirable et waterproof !) : http://www.erdnase.com/ Amicalement, Plick.
  22. Bonjour ShunFX, Désolé si la réponse est un peu indigeste, mais tu poses tout de même quatre questions en une... Pour la coquille : A lire : Bobo, Traité de prestidigitation des pièces de monnaie (éd. fr. Payot, 1956, puis Slatkine 2003, éd. originale Modern Coin Magic en 1952) Doug Brewer, The Unexpected Visitor (2001) Kainoa Harbottle, Coinapalooza I: Shell Shocked (2006) Richard Kaufman, David Roth's Expert Coin Magic (1985) Richard Kaufman, Gary Kurtz: Unexplainable Acts (1990) Richard Kaufman, The Complete Works of Derek Dingle (1982) John Kennedy, Lecture notes Chris Kenner et Homer Liwag, The Magic Man Examiner, 1-4 (1991-1992) Chris Kenner et Homer Liwag, Totally Out of control (1992) Lance Pierce, Roger Klause in Concert (1991) Mike Maxwell, The Classic Magic of Larry Jennings (1986) Harlan Tarbell, Course in Magic, II, 23 (1926) A voir : Doug Brewer, The Unexpected Visitor Dean Dill, Coin Magic 2000 Dean Dill, Extreme Dean, I, II Paul Green, In the trenches Homer Liwag, CoinOne (2006) Homer Liwag, CoinTwo (2007) David Roth, Expert Coin Magic Series Roth, Rubinstein, Latta, Gallo, Harbottle, NY Coin Magic Seminar, I Barry Taylor, Shell Shocked Pour la flipper coin (dans son sens moderne, c'est-à-dire sans tenir compte des mentions de la pièce pliante utilisée pour simuler deux pièces) : A lire : Troy Hooser, The Silver Surf, II Joshua Jay, ExTROYdinaire - La magie flamboyante de Troy Hooser (éd. fr. C.C. Editions 2007, éd. originale DesTROYers - The Superlative Magic of Troy Hooser en 2001) Bob Swadling, Double Deception Dan Watkins, Coinvanish A voir : Troy Hooser, Total Destruction, I, II, III Garrett Thomas, Any Questions? Garrett Thomas, Inside the Mind of Garrett Thomas Garrett Thomas, Variations of Popular Effects and Original Material (2000) Dan Watkins, Coin Man Walking Voilà de bonnes bases, me semble-t-il, pour travailler sérieusement. Cordialement, Plick.
  23. Les artistes qui ont eu un grand et durable succès sont ceux qui savent ce que pensent les gens intelligents dans le public, et qui jouent devant et pour eux, en ignorant les hystériques qui tapent des mains. Best regards, Guy Jarrett .
  24. Bonjour Frédéric, Tu soulèves toutes les bonnes questions concernant l'origine de la Flipper coin. Techniquement, la Flipper telle qu’on la connaît aujourd’hui résulte effectivement de l’association d’une pièce pliante (en deux parties inégales) et d’une coquille de pièce non expansée. C’est pourquoi son histoire est étroitement liée à ces deux autres gimmicks qui lui préexistent. On peut donc dater différemment l'origine de la Flipper si on l’examine du point de vue du mécanisme (pièce pliante associée à une coquille) ou bien du point de vue de l’effet (dédoublement d’une pièce). En effet, avant même qu’on ait eu l’idée de l’associer à une coquille, la pièce pliante ordinaire avait déjà été utilisée dans le but de simuler deux pièces. La pièce pliante comme procédé de dissimulation : Les premières descriptions de la pièce pliante apparaissent dans la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est alors une pièce truquée que l’on peut facilement dissimuler en la pliant en trois parties qui se superposent. À cette époque, seule la fonction de réduction de la taille de la pièce (qui n’a rien à voir avec l’idée de dédoublement) est envisagée. A ma connaissance, on doit la première mention d’une pièce pliante au Professeur Hoffmann (qui devance d'une année seulement Edwin T. Sachs) dans Modern Magic (Londres, 1876). Il y décrit le gimmick dans le cadre très restreint d’une apparition de pièce au bout d’une baguette magique. La pièce pliante comme procédé de dédoublement : Il semblerait que ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’apparaît l’idée (qui est à l’origine de la Flipper coin) d’utiliser la pièce pliante non plus pour pouvoir la dissimuler ou la faire rentrer dans un espace réduit (baguette, bouteille) mais pour simuler deux pièces. La première mention que j'ai pu trouver de cette idée de dédoublement se trouve dans l'ouvrage, d'un auteur anonyme, intitulé The Art of Modern Conjuring And Drawing Room Entertainment (Londres, 1909). Dans cette description, la pièce se plie en deux (l’une des parties étant plus grande que l’autre), et une troisième pièce est placée en léger intervalle par dessus pour couvrir la partie manquante : c'est-à-dire que trois pièces sont vues en éventail serré. En les lâchant, une des pièces disparaît à vue car la pièce pliante se referme. A l’exception de la forme de la coupe, c’est exactement le même gimmick que la "Butter Coin" commercialisée aujourd’hui par Alex Lourido comme une pièce truquée "révolutionnaire" qui remplace à la fois la pièce pliante et la flipper coin : c’est en réalité une pièce pliante ordinaire que l’on peut utiliser pour simuler deux pièces sous une troisième comme décrit depuis un siècle ; et que l’on peut mordre et restaurer instantanément ("Biting Coin"). Cette application particulière de la pièce pliante – mais cette fois avec une pièce en trois parties - sera reprise dans l’ouvrage posthume de John Northern Hilliard Greater Magic (Minneapolis, 1938) avec une très belle illustration. Malgré ces deux mentions dans la première moitié du XXe siècle, l’idée d’utiliser une pièce pliante pour en montrer deux n'est pas mentionnée par J. B. Bobo dans son Modern Coin Magic (Minneapolis, 1952). L’histoire récente est paradoxalement plus difficile à traiter car elle fait l’objet de controverses sans fin. Néanmoins il semblerait que l’effet de dédoublement d’une pièce à l’aide d’une pièce pliante ait été réintroduit dans le patrimoine magique par Eddy Taytelbaum dans les années 1950. Sa réinvention dans le cadre d’une routine de pièces à travers la table aurait fait l’objet d’une publication dans la revue anglaise The Gen en 1967. Mais on ne peut réellement parler de flipper coin qu'à partir du moment où la pièce pliante est insérée dans une coquille : il semblerait que l'on doive cette idée géniale à Phil Postma. Ainsi, une troisième pièce n’est plus nécessaire pour cacher la partie manquante des deux demi-pièces inférieures. D’autre part, la Flipper coin s’émancipe définitivement de la pièce pliante ordinaire car elles n’ont désormais plus aucune application en commun, au point qu’aujourd’hui on ne fait plus spontanément le rapprochement entre les deux. Sur les instructions de Phil Postma, Eddy Taytelbaum aurait alors fabriqué plusieurs exemplaires de cette Flipper coin moderne qu’il aurait vendu, entre autres à Bob Swadling. Ce dernier, qui a véritablement fait connaître la flipper coin et à qui on l’attribue régulièrement, en a fait une pièce aimantée, la "Swadling coin": outre les effets magiques de pénétration à vue liés à cette propriété, l’ouverture du volet peut ainsi être bloquée à volonté et la pièce laissée à l’examen. Bien cordialement et vive le tango (zut, c'était le mot interdit), Plick. P.S. : Eddy Taytelbaum est le genre de gars qui a tout inventé mais qui n'a rien publié (ou qui a publié vingt ans plus tard). Il peut bien prétendre qu'il a inventé l'étalement Ascanio et le Pop out move... et qu'il les a présentés au concours de Enschede en 1959 (sic !), ça ne nous avance pas beaucoup. Et puis, le jour où il daignera répondre aux courriers à ce sujet... Bref, si vous inventez quelque chose, publiez-le : cela facilitera le travail des générations futures...
  25. Eh oui, on se prend quelques claques en ressortant le bon vieux Reginald (coloring book, in-jog...). Mais plus un livre est classique, moins on le lit, sans doute (surtout que celui-là est ardu... y a-t-il des gens qui l'ont vraiment lu ?!) . Mais on ne lit pas plus les nouveaux livres, hein. Un jour, quelqu'un (et c'était sans doute un grand sage poitevin) a dit : "Plus c'est un livre, moins on le lit." Exact. D'ailleurs, je l'ai lu chez Williamson avant de le lire chez Scot, ce qui n'aide pas à structurer la pensée historique... et comme dit l'autre (Edward Bulwer-Lytton) : "Do you want to get at new ideas? Read old books. Do you want to find old ideas? Read new ones." C'est un peu comme quand on découvre que le "Unshuffled" de Paul Gertner a été publié en 1563 par Giambattista della Porta. Le pire, c'est que j'exagère à peine : "Écrire sur des cartes à jouer - On peut très bien écrire, en particulier sur des cartes à jouer, qui doivent être arrangées dans un certain ordre, soit faces en l'air soit faces en bas. Lorsqu'elles sont ainsi arrangées, écrivez sur la tranche ce que vous voulez, et après mélangez-les et retournez-en quelques unes, afin qu'aucune trace d'écriture ne soit lisible. Si quelque curieux venait à les examiner, il ne verrait que quelques points épars. Quand celui à qui sont destinées les cartes veut les "lire", il les reclasse dans le même ordre que celui de l'écriture, afin que les points et les lignes se rejoignent et s'accordent : tout peut être lu parfaitement." Et le Zavier Belmont, il me fait rire avec ses pièces soi-disant révolutionnaires . Lisez plutôt la description par Reginald de la pièce copper/silver avec sa locking sliding shell (sic !) : "Un tour remarquable pour transformer un jeton en pièce de monnaie - Prenez une pièce en argent ou quelque autre pièce de monnaie et rabotez-la d’un côté pour qu’elle soit très mince. Prenez deux jetons et rabotez-les, l’un sur une face, l’autre sur l’autre face. Soudez la face polie de la pièce en argent sur la face polie d’un des jetons en les ajustant autant que possible, et en particulier sur les tranches qui peuvent être limées afin qu’elles ne semblent former plus qu’une seule pièce, avec d’un côté un sou en argent et de l’autre un jeton. Prenez ensuite un tout petit peu de cire verte (car c’est la plus molle et par conséquent la meilleure) et appliquez-la sur la partie lisse de l’autre jeton de telle sorte qu’elle ne décolore pas trop la pièce en argent. Par ce moyen, le jeton et la pièce en argent adhèrent ensemble comme s’ils étaient fermement collés. Les différentes parties étant ajustées entre elles, l’ensemble ressemblera à un jeton parfaitement entier, à tel point qu’un spectateur peut l’avoir dans les mains sans se méfier de quoi que ce soit. Puis ayant imprégné légèrement votre index et votre pouce de la main droite avec de la cire malléable, prenez le jeton truqué, et posez-le sur la paume de votre main gauche, comme le fait un banquier qui compte ses jetons, mais en le pressant fortement pour ne laisser que le jeton soudé à la pièce d’argent en évidence sur la paume de votre main gauche tandis que la face du jeton ciré va venir adhérer à votre pouce du fait de la cire avec laquelle il est enduit, et vous pourrez donc cacher cette partie comme vous le souhaitez. Assurez-vous toujours que vous laissez la face cirée vers le bas et la face soudée vers le haut. Fermez ensuite la main, et dans ou après ce geste de fermeture, retournez la pièce, afin qu’à la place d’un jeton (que tout le monde croit être dans votre main), vous semblerez avoir une pièce d’argent, pour la plus grande surprise des spectateurs, si cela est bien réalisé." Ah ! Il y a quelqu'un qui veut rajouter un mot, je lui laisse le clavier quelques instants : Très cher Sean, Les pièces les plus faciles à empalmer sont les pièces de cinq francs en argent ; moins les angles de ces pièces sont émoussés, plus l'opération est facile. Lorsque l'on commencera à s'exercer, on pourra remplacer la pièce de cinq francs par un rond de fer-blanc de la grandeur de cette pièce. On trouvera, alors, une grande facilité pour empalmer en raison de la légèreté de cette plaque et de l'adhérence que présentent ses angles.* Pour en discuter, passez donc me voir au Prieuré à la Toussaint. Bien sincèrement, Jean-Eugène R.-H. * S'ensuit un couplet sur "les escamoteurs qui ne sont pas assez habiles dans l'exercice de l'empalmage" et qui "enduisent une des faces de la pièce de cire molle" pour qu'elle reste plus "facilement collée dans la main". Et le père Eugène de conclure : "Celui qui emploie de tels moyens ne peut certes pas se flatter d'être maître en prestidigitation." C'est depuis qu'il a lu cette invective contre lui que Gilbus prétend qu'il n'est pas magicien .
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