Année : 2007
Éditeur : Theory and Art of Magic Press
Pages : 185 dont 36 illustrations
Langue : anglaise
Dimensions : 23.5 cm (hauteur) x 15.8 cm (largeur) x 1.5 cm (épaisseur)Prix : 47 € + un jeu de cartes
Avant de commencer mes commentaires sur Transformations, je voudrais vous faire découvrir qui est Lawrence HASS en quelques mots car je pense que peu d’entre vous le connaisse.
Lawrence HASS est professeur de philosophie de profession. Il s’intéresse tout particulièrement à la création d’expériences, et plus particulièrement à la création d’expériences magiques.
Il a créé et organisé pendant plusieurs années le programme de formation universitaire Theory and Art of Magic dans lesquels les aspects théâtraux et psychologiques sont associés à l’art magique.
Il a depuis rejoint l’équipe de la McBride Magic & Mystery School animée par Jeff McBride et Eugene Burger.
Pour ma part, j’ai vu son nom écrit pour la première fois dans les commentaires de révision d’Eugene Burger dans le livre Magic and Meaning – Expanded Edition.
Le titre du livre Transformations – Creating Magic Out of Tricks m’a tout de suite interpellé (comme j’espère qu’il l’a fait pour vous,) d’autant plus qu’Eugene Burger parle de ce livre avec le plus grand bien.
Pour ma part, il n’en fallait pas plus pour que je cherche à me procurer ce livre !
Passons aux premières impressions que le livre m’a faite :
- couverture rigide avec jaquette anti-poussières
- illustration de couverture simple, belle et évocatrice
- papier glacé
- photos en noir et blanc
- dédicace à Eugene Burger
- table des matières intrigante (7 essais dans lesquels 11 performances sont réparties)
- un avant-propos de Marc DeSouza (lire son interview ici)
- et un autre de Jeff McBride… : j’en frémis d’avance ! :)
Vient alors l’introduction.
Lawrence HASS insiste sur le fait qu’il recherche à créer des expériences magiques et non des tours, défendant ses propos en se basant sur les paroles de Juan Tamariz et René Lavand (ça commence bien !).
Pour y arriver, Lawrence HASS nous demande de résister à la tentation de présenter des tours (et notamment à la tentation de présenter un tour que nous venons d’acquérir) et de chercher à mettre la barre plus haut.
Son mantra pour y arriver : « Les tours deviennent magiques au travers d’une présentation forte et puissante. » (expression originale : powerful presentations.)
Le livre est ensuite composé de 7 essais philosophiques dans chacun desquels Lawrence HASS va aborder une des multiples facettes d’une expérience magique. Il illustre ensuite (presque toutes) ses discussions au travers de performances.
Note : Lawrence HASS a choisi le terme performance (expression originale : performance piece) pour décrire une présentation magique travaillée.
Ce terme complète celui de tour qui ne se concentre que sur la partie cachée, truquée, d’une performance.
Partie importante et non négligeable mais ne représente pas l’ensemble !
Note de traduction
le terme piece a l’avantage intéressant de replacer les performances dans le monde artistique. En anglais, ce terme est utilisé par les artistes, musiciens, peintres, sculpteurs, danseurs, lorsqu’ils évoquent leurs travaux finaux.
En français, nous avons plusieurs mots pour décrire ces mêmes éléments – chanson, morceau, œuvre, peinture – ce qui me laisse penser que le terme performance piece mérite une meilleure traduction que je n’ai pas (encore) trouvée.
Cette structure et la différentiation des termes, peut habituelle dans la littérature magique, reflète la rigueur et la complétude visée par Lawrence HASS.
Chaque essai est en effet accompagné de notes et références étendues et chaque performance est décomposée en showtime (ce qui est entendu, vu et ressenti par les spectateurs) et en ce qu’il se passe réellement (les techniques mais aussi le timing précis des actions et du langage corporel à adopter en fonction du texte.)
J’ai pour ma part été impressionné et séduit par cette manière de structurer et décrire ses idées, paroles et actions car cela montre d’une part le travail qu’il a effectué (et le respect qu’il a pour notre art et ses artistes) et montre d’autre part précisément ce que nous devons prendre en compte dans la conception de nos présentations magiques.
Entrons maintenant dans le vif du sujet !
Essai 1 : Diriger l’attention
Cet essai est construit sur le concept d’invisibilité psychologique développé par Max Maven.
Il s’agit ici, non pas de diriger uniquement l’attention, mais aussi de diriger l’inattention.
La question pour laquelle Lawrence HASS cherche une réponse est « comment rendre mes mains psychologiquement invisibles ? » (afin notamment de renforcer l’expérience magique).
Il évoque ensuite les qualités requises pour y arriver : subtilité, mouvements naturels et complétude.
Pour illustrer les propos développés dans l’essai, il propose 2 performances :
Performance 1 : « Impossible Prediction »
Une carte choisie se révèle être la même que celle contenue dans une enveloppe.
Le point démontré ici est comment rendre ses mains invisibles ?.
Performance 2 : « The 5 Gifts of Life » (Robert Neale)
Une magnifique adaptation du tour de Robert Neale basé sur une nouvelle noire de Mark Twain.
Le point démontré ici est comment rendre les cartes invisibles ?
Essai 2 : L’Illusion de la Technique
Bien que le titre laisse présager d’un contenu similaire à d’autres littératures magiques, il n’en est rien !
En effet, Lawrence HASS détaille et applique ici des textes philosophiques de Martin Heidegger sur la technologie au domaine de la magie.
Et croyez-moi, c’est incroyablement passionnant !
Il en tire notamment les conclusions que la technique est utile, nécessaire et indispensable mais ne doit pas être présentée à une audience.
Il y ajoute la nécessité de rester ouvert à tout ce que la pensée analytique et les manipulations techniques cherchent à nous faire oublier.
Les performances choisies pour illustrer ce deuxième essai sont :
Performance 3 : « Fading Coin » (Tomoyuki Takahashi)
Une pièce choisie se matérialise à partir de pièces invisibles.
Lawrence HASS nous offre même le luxe d’ajouter la présentation de cette performance par Eugene Burger à la sienne !
Le point démontré ici est se connecter à l’audience au lieu de se concentrer sur la technique.
Performance 4 : « In No Time »
Une carte de prédiction s’efface en remontant trop loin dans le temps ainsi que la carte choisie.
Le point démontré ici est viser à créer des émotions.
Essai 3 : La Contradiction et la Prestidigitation (sur la création d’un tableau impossible)
Ici aussi, Lawrence HASS nous fait part d’une réflexion philosophique appliquée au domaine magique.
En partant du fait que les « contradictions sont impossibles » et des réactions que cela entraîne pour nos cerveaux (revue rétroactive automatique de ce qu’il s’est passé,) il nous offre des pistes sur la manière d’enchaîner nos effets et dans la manière de construire notre répertoire.
Pour illustrer cette réflexion, Lawrence HASS a choisi :
Performance 5 : « Play It Straight » (John Bannon)
Une carte est choisie, le jeu est mélangé d’une manière chaotique, toutes les cartes de la suite de la carte choisie se retrouvent face en l’air, à l’exception de la carte choisie.
Le point démontré ici est l’impossibilité de reconstruire a posteriori.
Performance 6 : « Spirits Have Spoken »
Une carte est choisie, le jeu est mis dans un foulard, les esprits écrivent un message sur la carte choisie sous le couvert du foulard.
Le point démontré ici est la contradiction construite au cours du temps.
Essai 4 : « Puis-je avoir un volontaire ? »
Cet essai ne pourra que vous rappeler les dizaines ou centaines de présentations que vous avez déjà vécues où les volontaires sont présents uniquement pour être moqués ou rendus stupides par le magicien (comme cela est malheureusement présent dans ce que je vois le plus souvent !).
Sans surprise, cela explique l’aversion des spectateurs à se proposer comme volontaires ! J’ai pour ma part ressenti cette même aversion dans un congrès lorsque le magicien voulait un volontaire….
Lawrence HASS nous invite ici à considérer nos volontaires, non pas comme des objets supplémentaires à notre attirail, mais comme des personnes.
Pour illustrer, il nous propose :
Performance 7 : « Showdown Poker »
3 rounds de poker sont joués dans lesquels le spectateur choisit la manière dont les cartes sont distribuées entre lui et le magicien.
Le point démontré ici est comment rendre agréable pour le spectateur un sentiment qui lui est désagréable.
Performance 8 : « The Spelling Stunner » (Eugene Burger)
Il s’agit de l’effet de la carte épelée d’Eugene Burger où le spectateur est le magicien.
Le point démontré ici est faire du spectateur la star du show.
Performance 9 : « Imagination Card Across »
2 spectateurs reçoivent 10 cartes (qu’ils comptent), une carte choisie disparaît d’un paquet pour arriver dans l’autre.
Le point démontré ici est donner des indications à l’audience.
Essai 5 : La Deuxième Phase de l’Apprentissage Magique
Selon Lawrence HASS, l’apprentissage magique se décompose en 2 phases :
- apprendre par imitation,
- être différent.
La première difficulté étant d’être honnête avec soi-même en reconnaissant ce qui vient de soi et ce qui n’en vient pas et qui est copié sur quelqu’un d’autre.
A mon sens, il s’agit de la principale difficulté à admettre et à surpasser pour beaucoup de magiciens, moi y compris.
Vient ensuite la difficulté de mettre en place la deuxième phase. Pour la surmonter, il propose ce qu’il appelle le re-visioning [note de traduction : Lawrence HASS combine ici les mots révision et vision.]
Il définit ce terme comme la quête liant imagination et rêve et qui nous permettra de trouver quelle sera notre propre magie.
Les illustrations de re-visioning proposées par Lawrence HASS sont :
Performance 10 : « Neither Blind Nor Stupid » (Juan Tamariz)
Un bel exemple de recadrage du personnage de Juan Tamariz au personnage de Lawrence HASS.
Et c’est peu de dire que les deux personnages n’ont rien à voir entre eux !
Performance 11 : « The Ultimate Rip-Off » (Paul Harris + Tommy Wonder)
La construction d’une expérience magique au travers d’une histoire.
Essai 6 : Les Voies Merveilleuses – Philosophie et l’Art Magique
Lawrence HASS nous gratifie ici d’un florilège de réflexions sur la magie effectuées par des philosophes et des magiciens.
Il nous livre les oppositions qu’il y a pu avoir et celles qui persistent encore entre magie et philosophie.
Cela lui permet de délimiter un contour au merveilleux et ouvre donc des voies sur comment créer des merveilles.
Essai 7 : Le Délire Magique
Dans son dernier essai, Lawrence HASS construit sur les contradictions liées à la magie, comme le fait que la magie soit considérée comme étant faite pour les enfants alors qu’elle permet aussi de montrer aux adultes comment se libérer des pressions de la réalité quotidienne.
Lawrence HASS défend notamment ici que la magie est un jeu et un art riche dans l’échantillon d’émotions qu’il peut créer.
Clôture
Le livre s’achève alors sur plus de 5 pages (!) de références de livres, K7 et DVD.
Je n’ai jamais vu de bibliographie aussi fournie dans un ouvrage magique !
Une manière de ramener le lecteur à la réalité.
Réalité qui s’enrichie désormais de réflexions et pensées qu’il sera difficile d’ignorer !
Une fois votre lecture terminée, je vous invite à visiter les sites web suivants :
- www.lawrencehass.com : site de présentation de Lawrence HASS,
- www.lawrencehass.be : site événementiel pour rencontrer Lawrence HASS lors de sa venue (pour une conférence, un atelier et un spectacle public) à Bruxelles (Belgique) le 26 novembre 2016 ! (J’y serai. Et vous ?).
Pour ma part, je retourne méditer sur les essais (si tous les cours de philo avaient pu être comme ça !) et sur la manière dont je vais m’y prendre pour améliorer mes tours existants et les transformer en expériences.
Je ne vous souhaite que la même chose !
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