Mercredi 24 Juillet, 20 h
C’est la période Obon au Japon.
Il y a des fêtes dans tous les quartiers de Tokyo pendant 3 jours. Des estaminets colorés illuminent les ruelles, les filles en kimono côtoient celles en mini-jupe le plus naturellement du monde. Les enfants tentent d’attraper des poissons rouges avec des kleenex dans l’un des nombreux jeux forains installés pour l’occasion.
Par manque de place, ce sont les cours intérieures des temples qui accueillent les spectacles et les restaurants en plein air. Un peu comme si on faisait la fête au Père Lachaise !
Dans le coeur des japonais, c’est l’équivalent de la place de la Contrescarpe et du café “Les deux magots” à Paris. Ou plutôt c’était, car les terrasses des cafés ont envahi les trottoirs et il est
devenu impossible d’y présenter un spectacle de rue.
Quant à la célèbre place de la Contrescarpe et autres, on n’y dansera plus depuis que le maire de l’arrondissement a imposé des fontaines partout. C’est criminel et vivement le jour où on les détruira à la hache pour faire renaître la «place sous les pavés».
Cette féerie de quartier me rappelle Taïwan où je tournais début mai.
Là-bas, il y a toutes les semaines le Omarché de minuit’ : des milliers de jeux de hasard y compris pour les enfants, des tables de restaurants improvisés et sans licence en bordure des routes et à 3 euros le menu, du bruit, des ampoules en tissus alimentés au pétrole comme sur la place Jamar al fnaa au Maroc, une hygiène approximative, des scooters pétaradant entre les allées.
Des choses que l’on ne pourra plus jamais voir dans le monde occidental où tout est interdit. J’espère que le modèle américain ne viendra pas pourrir trop tôt cette image d’un autre temps.
Un japonais maîtrisant le français (il a fait Sciences Po à Paris) m’a présenté au responsable local, je pouvais faire mon spectacle mais l’endroit est trop sombre malheureusement. Puis il m’a invité à boire, on a parlé de mathématiques, de philosophie, etc. C’est TOKYO l’été.
Né le 1 mai 1960 Elevé en Bretagne, bon élève condamné par ses parents à faire l’Ecole Centrale de Paris d’où il sortira en 1985 avec le premier prix d’Informatique.
Trésorier du Groupe de Paris de 90 à 93 Trésorier adjoint de l’AFAP de 91 à 93 Fondateur de la revue magique Sycophante 95-96 avec Michel FONTAINE Président du CFI depuis mars 2000 Primés une dizaine de fois dans les congrès sous divers pseudonymes. Professionnel depuis 1989 quoique pratiquant la magie en dilettante.
Ses maîtres : Michaël VADINI, Stanislas, Peter SHUB, Alan TURING, Evariste GALOIS, Yvonne-aimée de Malestroit.
Sa passion : la programmation des bases de données sur macintosh plusieurs heures par jour.
Principal défaut : n’a jamais pu s’empêcher de dire tout haut ce qu’il pense tout bas.
Jeudi 25 Juillet
Pratique le email quand il vous permet de rester en contact avec vos agents et amis. France Telecom vous envoie même un message quand quelqu’un laisse un message sur votre répondeur à Paris !
Mais ce matin, c’est le directeur du Cirque Baroque avec qui j’avais organisé la tournée d’une troupe durant la coupe du monde en juin dernier qui me réclame d’urgence du lui acheter à Tôkyô une douzaine de Okumo no su’ (toiles d’araignées) à destination de l’Espagne où tourne le cirque. =
Il s’agit en fait de streamers, popularisés par la FISM de Lausanne en 1991 et par Jeff Mac BRIDE et qui n’étaient utilisés alors que dans les spectacles de Kabuki.
Direction donc le magasin de Shibuya “Tokyu Hands”, une sorte de BHV pour le petit matériel avec un étage entier dédié à la fête.
L’année dernière, j’y ai travaillé comme démonstrateur de matériel de jonglage et de magie une journée (ne le dites pas à ma mère). J’en profite pour regarder le rayon magie avec de nombreux tours de Max Maven (qui parle très bien le japonais), John KENNEDY et même la collection complète des Tarbell ! Un coup d’oeil aux nouveautés : cette fois c’est un bébé qui dodeline de la tête grâce à l’énergie solaire. Je le montrerai au CFI en septembre prochain. Je monte aussi au rayon papeterie qui est une spécialité japonaise pour dévaliser le rayon des élastiques fort prisés par les magiciens.
Tous les magasins sans exception ont l’air conditionné mais dehors c’est la fournaise. Heureusement, il y a des distributeurs de canettes fraîches tous les 20 mètres. L’envers de la médaille : peu de cafés comme en France. Les touristes étrangers adorent les zincs de nos bistros et Amélie POULAIN fait des émules. J’espère qu’on ne verra jamais ces odieuses machines chez nous.
J’ai un peu de temps alors je file à Akihabara, la Mecque de l’informatique.
Là aussi, il y a un camelot qui vend de la magie dans la rue : vidéos sur le FP, fil invisible, etc. En France, ce serait le tollé.
Plus loin dans la rue, on me tape à l’épaule : c’est Damien, ancien élève de l’Ecole Centrale rencontré alors que je donnais des cours au club de magie de l’école il y a quelques années. Le monde est vraiment petit. Il a fait sa dernière année à l’université Todai de Tokyo (qui possède également un club de magie) puis est resté travailler sur place, amoureux comme moi de ce pays. Comme tant d’autres, il a un peu abandonné la pratique au début de sa carrière professionnelle mais espère avoir plus de temps pour s’y remettre. On parle de magie une demi-heure en promettant de se rappeler.
Le soir, je passe au restaurant français «Le clos Montmartre» tenu par Yannick, un français que l’on m’a présenté le mois dernier. Yannick a toujours bourlingué sur toutes les mers du globe dont dix ans sur le paquebot France avant de poser ses valises à Tokyo pour y ouvrir un restaurant il y a quelques années. Je fais quelques tours au personnel et on prévoit d’organiser un dîner-spectacle lors de mon prochain séjour.
Ce soir, je jette un oeil sur le site Virtual Magie. Pratique pour les dernières nouvelles du pays.
Tiens un français parle (en mal) d’un magasin de Magie à Nagoya. Je ne le connais pas mais je vois que c’est le magasin dont m’a parlé (en bien) Magic Dream. En fait, le premier parle (en mal) du matériel et le second du propriétaire (en bien). Je pense que ce jeune est passé à côté du principal : faire connaissance du tenancier et oublier le matériel car “Il n’est de richesses que d’hommes”.
Vendredi 26 Juillet
Le vendredi soir est le jour de sortie des salarymen, les cols blancs japonais. Le lendemain, ils prendront le train pour rejoindre leur famille souvent éloignée en province.
C’est le soir idéal pour travailler à Yokohama, au San Mon Opéra (l’opéra de 4 sous), un bar où un insipide whisky à l’eau est facturé 90 euros ! Il y a trois chanteuses des Philippines, un pianiste, un cuisinier et un serveur plus le patron. Tout ce personnel pour une poignée de clients, souvent aucun.
Ce sont surtout des patrons d’entreprise, dans la soixantaine, accompagnés d’une ou deux ‘Escort girls’ qui viennent en seconde partie de soirée investir cet endroit feutré. Ils ont déjà un coup dans le nez. Sur demande, je m’installe à leur table. Le client m’offre une boisson (à 90 euros), c’est la commission de l’établissement. Les conditions de travail ne sont pas idéales, mais le sont-elles jamais ?
Lumière fortement tamisée, clients fatigués et imbibés d’alcool, musique d’ambiance très forte. Je privilégie les tours rapides et avec contact : carte à la demande, les cendres dans la main, bague et anneau où en final la bague se retrouve sur un doigt coupé présenté dans un coffret (au Japon, c’est un symbole très fort des yakusa et l’effet est dévastateur).
En fin de programme, un ou deux tours de billet pour introduire la notion de l’argent et obtenir un pourboire entre 20 et 90 euros. Le stylo à travers le billet de Cornélius par exemple. Mais il n’y a pas que la magie. Pouvoir discuter avec le client (en japonais car l’anglais est peu parlé au Japon) sur tous les sujets en essayant d’être drôle est plus important que d’être un brillant manipulateur. Je pense même que le véritable talent consiste à ne pas avoir besoin de faire des tours de magie pour divertir une table.
Mais ce soir comme trop souvent cette année, le client est rare et sans le sou. Alors j’en profite pour répéter dans mon coin, amuser les chanteuses et parler avec le patron de la crise au Japon, dont l’économie s’enfonce peu à peu et dont personne ne voit la sortie du tunnel.
Je sors à 2 heures du matin, bredouille. Impossible de rentrer à Tokyo alors je vais dormir dans un «capsule hôtel», les fameux tubes où l’on s’allonge pour la nuit. Cela coûte seulement 22 euros alors que le week-end on ne trouve aucune chambre d’hôtel à moins de 120 euros.
En fait les émissions de télé en France ont toujours exagéré le phénomène. Ce sont des boîtes assez spacieuses mais la plupart des japonais n’y ont jamais été. Réservées aux hommes, on y rencontre surtout des ouvriers qui se lèvent à 5 heures pour prendre le premier train et embaucher avant que le soleil ne tape.
Le seul inconvénient est de ne pouvoir y apporter ses bagages. Chaque étage constitue un dortoir comprenant une centaine de containers répartis sur deux niveaux. Il y a des va et vient incessant dans la nuit, des cliquetis de clés dans les penderies et surtout un niveau de ronflement tel qu’on se croirait dans un bombardier. Deux boutons seulement dans la cabine : l’un pour la lampe, l’autre pour… le film de cul.
Le matin, les lève-tard se retrouvent dans l’immense salle de bains collective. Quelques uns sont tatoués sur tout le corps, c’est le signe de leur appartenance à la mafia japonaise, les Yakusas. Il faut comprendre que nous sommes dans le quartier des plaisirs de Yokohama qui recense un nombre incroyable de peep-show et de putes de toutes nationalités : taïwanaise, colombiennes, russes, mongols. Spectacles ou plaisirs, notre territoire de chasse est le même.
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