15 mars 2002
Au secours, je m’américanise……
Comme il y a 20 ans, je commence à flotter dans une espèce de “no man’s land”, je ne suis plus un visiteur, les attractions touristiques m’intéressent de moins en moins – à Paris non plus je ne passe pas mes journées au Louvre – mais je ne suis pas encore tout à fait Végasien….
Il m’arrive parfois de ne plus voir l’extraordinaire pyramide de l’hôtel LUXOR avec son rayon de lumière que l’on peut voir même de l’espace, les touristes me font sourire, ils me semblent comme d’énormes “trous noirs” qui engouffrent tout : les shows, les buffets, les attractions, les putes.
Les innombrables salles des jeux sont devenues un décor banal, l’hôtel le plus original est pour moi le ALEXIS-PARC, car il n’y a aucune machine à sous, ni table de jeux, une extravagance suprême.
Il m’arrive également de manger sans boire du vin (!), de passer à table sans apéritif et de ne pas fumer pendant le repas.
Inquiétant.
Je laisse des pourboires de vingt pourcents, les billets de banque sont devenus des bouts de papier inutiles dont il faut se débarrasser le plus vite possible, aucune relation sentimentale avec le fric.
Ni d’ailleurs avec mon habitation, les maisons américaines sont des objets pratiques de la vie courante et pas de symboles d’embourgeoisement et réussite comme chez nous.
Ça tient pendant 20 ans, on casse et on reconstruit.
Toute la ville est un chantier permanent
Le TROPICANA va disparaître l’année prochaine, à coté du VENITIAN il y a un énorme trou pour faire place à un nouveau hôtel, le RÊVE.
Et juste à coté il y a un resto minable avec un motel miteux, mais le propriétaire ne veut pas vendre, il attend encore une hausse des prix.
Un vieux mafioso a trouvé à l’époque une solution originale pour faire vendre un petit complexe d’appartements : il a fait construire autour un immense parking et il a encerclé les appartements avec un mur en béton gris, les prix ont chuté et il les a achetés pour une bouchée de pain….
Je pense parfois que faire démolir l’OPERA de Paris sera une bonne idée pour trouver du plus rentable : le MGM était amorti au bout de sept ans et le VENITIAN au bout de deux années, il paraît.
Mes sources sont sûres car je connais un ami de la concierge du comptable du MGM.
Ce qui m’étonne à Vegas c’est que l’on parle ouvertement fric
Quelqu’un qui gagne beaucoup a l’estime de son entourage car ça doit être quelqu’un de valable, de courageux et de compétent, pas un escroc comme chez nous, sinon il serait en taule…
Les salaires sont les doubles de chez nous pour les professions syndicalisés, la moitié pour les petits boulots.
L’assurance maladie, vieillesse etc. est souvent facultative, donc à la charge du travailleur, les médecins et avocats font leur publicité comme n’importe quelle entreprise et mes chéries les putes, officiellement illégales, font du rabattage énorme sous le prétexte de “showgirls to your room”, 120 dollars pour une prestation.
Personne ne peut interdire à une jeune fille d’auditionner pour un modeste cachet dans une pièce de théâtre contemporain avec participation du public.
En ce qui concerne les mecs qui font cet honorable métier, ce sont des masseurs qui viennent chez vous avec des tarifs pour toutes les bourses, donc assez modestes. J’ai même vu une pub pour un massage de la prostate, je n’ose à peine imaginer avec quoi.
Chez les médecins c’est moins honnête
J’emmène ma copine MARYSE pour une bricole dans un centre médical “24 heures sur 24”. Le traitement commence par un interrogatoire serré.
Sur ses bobos ? Non. Sur ses moyens de paiement.
On papote pendant une demi-heure, et la réceptionniste est d’accord pour remplir la feuille d’admission à condition qu’on laisse un chèque de caution.
Nous attendons deux heures – toujours sans pouvoir nous soulager sur nos souffrances – vint une infirmière et met ma copine sur une balance comme une vache.
Finalement, après avoir donné sa température et sa tension artérielle, elle pouvait finalement communiquer la raison de sa visite : mal de gorge !
Oh ! Le docteur arrive, regarde dans la gorge, appuie sur le ventre à travers les vêtements, ausculte à travers du pull (!) et prescrit des antibiotiques.
Coût total 150 dollars, durée de la prestation médicale 2 minutes.
Moi, j’ai trouvé un médecin qui m’a regardé l’oreille pour seulement 50 dollars – prix d’ami – le cul sera plus cher – mais il m’a compté 160 dollars pour les antibiotiques qu’on trouve chez nous pour 100 balles. Vive le commerce libéral…
Mercredi dernier j’ai vu la vraie magie au DARWIN’s Magic Meeting !
Comme toujours, nous arrivons vers 1 heures du matin, l’atmosphère assez ringarde et glauque.
Je présente mes copines, tout le monde s’en fout plus au moins jusqu’au moment où un copain commence à montrer du close up ; suit un autre, puis un autre, et encore un autre.
Les tours étaient très forts, mais ce qui était encore plus étonnant c’était la transformation des magiciens.
Par je ne sais quel miracle, peut-être était-ce la présence de mes copines, les crapauds se sont transformés en Princes.
Je n’ai jamais vu une chose pareille, un ange passait peut être, je n’en sais rien…
Ça durait jusqu’à 5 heures du matin, George SCHLICK aussi a fait plusieurs interventions et un mec qui s’appelle Armando LUCERO nous a montré un “matrix” comme je n’en ai jamais vu, 5 fois le même truc et on ne voit RIEN, un autre vrai miracle avec une carte pensée, je lui demande où il a appris ça, et il me répond “pas dans les livres” et il n’explique RIEN.
Selon lui une telle maîtrise vient par la méditation, aussi par une dépression – heureusement surmontée – et par des théories assez bizarres et encore plus poussées que chez TAMARIZ.
Le résultat est tellement parfait que cela devient de la vraie magie ! Il m’a parlé des “tiroirs qui se ferment” et je n’ai plus rien compris. Des vrais cracks !
Enfin, je les ai rencontrés, mes idoles depuis 15 ans : PENN & TELLER !
Ils vivent depuis peu à Las Vegas, et ils débutent leur tournée toujours ici.
Deux semaines, pas plus, à l’hôtel RIO, un endroit “off-Strip” donc plus branché. Le showroom est “décoré” si l’on peut dire ainsi comme une salle des fêtes en Amérique profonde, une malle en bois et une autre en plexi sont déjà sur la scène pour que le public puisse les examiner avant le spectacle.
Leur show ne ressemble à rien de ce que j’avais vu ces derniers 30 ans, parfois c’est carrément incompréhensible, c’est leur style.
“Nous ne voulons pas montrer des choses parfaites, mais des tours pas tout-à-fait finis”
affirme TELLER.
C’est celui qui ne parle jamais sur scène.
Dans les coulisses c’était le contraire : PENN, (c’est celui qui parle merveilleusement et comme un livre pendant leur show) ferme sa gueule après le travail tandis que TELLER est bavard et accessible.
C’est lui qui fait la plupart des mises en scènes de leur sketches,
“on discute bien ensemble, on n’est souvent pas d’accord mais j’ai une façon bien à moi de convaincre mon partenaire que ce soit comme ça et pas autrement…”
Au début – fin des années 70 – ils étaient trois, le troisième, selon TELLER le plus drôle, a quitté pour des raisons familiales, et le duo devient – après de longues années de vaches plutôt maigres – des vedettes nationales.
Débuts au café-théâtre, ils étaient soit-disant détestés et boycottés par les autres magiciens, “c’est nous qui avons inventés tout ça, une manifestation devant le théâtre aurait été un bonheur publicitaire pour nous”, puis reconnu par un public plutôt intellectuel et branché rock.
Leur show ne montre point des miracles classiques. Au lieu de présenter des choses inexplicables, ils posent des questions. Sans donner des réponses.
Il y a une séquence où TELLER (celui qui est silencieux sur scène) fait semblant de couper les feuilles d’une rose.
Pas sur la rose même, mais sur son ombre. Et c’est la vraie rose qui perd ses feuilles. Sens profond à mon avis : où est la réalité ?
Ou un autre truc où ils font disparaître un foulard dans un cône de papier.
“C’est nul” dit PENN et ils répètent la même chose avec le drapeau Américain et une feuille avec les 10 commandements de la Constitution Américaine, puis avec une autre qui est transparente (ils font allusion à la Chine).
Ça pourrait être assez démagogique, mais ça devient supportable du fait qu’ils n’insistent pas. Et: Ils l’ont déjà présentés avant le 11 septembre. Ils l’ont même retiré pendant quelques mois.
Pendant une autre séquence je me suis fendu la gueule, mais j’étais le seul à rigoler et “not on the right spots” comme m’affirmait Kevin JAMES : TELLER est enfermé dans une double malle et PENN parle et parle et parle pendant que l’autre est dans la caisse.
Et il ne se passe rien, le texte n’est pas drôle, plutôt nul, et ça dure une éternité.
Je trouvais ça très marrant, ça pose une question cruciale sur notre métier.
Jusqu’où on peut aller sans que les gens réalisent que l’on se fout de leur gueule ? Questions sur questions. Sans réponse.
Et pour terminer ils font le meilleur “bullit catch” (cible vivante) que j’ai jamais vu. Des chefs !
La honte, je n’ai toujours pas vu “O” – “the best show in this known univers” selon les critiques, ni le BLUE MAN GROUP dont je commence à connaître certains acteurs sans avoir vu leur show.
Selon David BURLET (directeur artistique de la BODEGA à Paris, photo plus bas….) ainsi que ma femme et mon fils, c’est extra et il y a beaucoup d’idées à piquer. C’est toujours frais, car ils travaillent à plusieurs équipes, et les musiciens jouent live, mais ce ne sont jamais les mêmes, pour éviter la routine.
Pour “O” il n’y a soi disant jamais de places, ni d’invitations, mon honneur est donc de ne pas le voir en touriste, mais depuis la régie lumière.
Parait que ça coûte une pipe. On verra.
FIELDING WEST, un autre copain de longue date passe avec son one-man-show à l’hôtel BURBON STREET, à 20 mètres du Strip et déjà moins touristique.
C’est un show typiquement café-théâtre, les filles de notre spectacle l’ont adoré. Je ne me suis pas ennuyé non plus, c’est déjà ça !
MURRAY, un autre magicien, passe tous les jours en matinée au FRONTIER, très BCBG, vive la magie des feues années 80.
Justement : un des spectacles les plus modernes à l’époque était “SPLASH” au “RIVIERA”
Je suis retourné, et je me suis retrouvé dans un truc rétro et sympa. Comme le temps passe vite….
Au revoir mon journal, c’est uniquement à toi et à personne d’autre que je confie mes joies et peines !
Mes joies ce mois-ci étaient les visiteurs du vieux continent – ma famille CHRISTA et THOMAS (qui a fait la joie des filles du “Crazy”) – George SCHLICK qui est devenu un rayon de soleil après ses années de méditation, David BURLET et Laurent PHILLIPE et plein d’autres.
Mes peines se portent plutôt sur la question : Y a-t-il une vie après Las Vegas ou non ???
Otto
Merci à Bruno SANVOISIN pour la relecture.
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