5 février 2002
La chasse aux comps (comp’ = freeticket )
Ici à Las Vegas, tout, mais vraiment tout, doit rapporter quelque chose, faire du profit.
Voici le nouveau credo végasien. Au nom du comptable, de la “corporation” et du Saint Actionnaire Amen.
Les temps ou l’on plumait les ploucs dans les salles des jeux, mais qu’on les chouchoutait ailleurs, sont révolus.
Même le stand des pommes frites et l’automate de capotes doit faire du bénéfice !
Vu sous cet angle, il n’y a point des invitations pour les spectacles.
Officiellement il n’y a donc pas des showtickets gratuits.
Un nouveau sport s’est crée : la chasse aux invitations.
Vu la délicatesse des Américains, leur approche est simple et efficace.
Je rencontre quelqu’un, il ne se passe pas une minute et on me demande une ou plutôt plusieurs invitations pour le spectacle.
Pas très poliment, mais pas mal élevé non plus.
C’est plutôt comme on dit chez nous “bonjour”. Ici c’est : “can you have me some comps for your show ?”
Heureusement nous avons une brave secrétaire, la Sainte Maryse, qui se débrouille pas mal pour les invit’s, mais si je ne faisais pas un filtrage avant, j’aurais tous les jours 50 personnes sur la liste.
Les gens ne demandent pas seulement pour eux, mais parfois aussi pour leur Kinésithérapeute, leurs amis qui sont en ville ou pour leur chien.
Le record de vitesse est détenu par un mec du club de magie : 5 secondes.
Même avant de décliner son nom.
Le record de la frustration est en ce moment tenu par un magicien qui travaille dans un autre spectacle : 35 interminables secondes.
Sur ma question comme il a pu tenir si longtemps, il m’a répondu qu’il attendais d’abord ma proposition à ce sujet. Soit !
J’ai inventé toute une panoplie pour décourager les plus gonflés, cela commence par répondre au téléphone avec “free-ticket-service” sans savoir qui est au bout du fil, en passant par sortir un chronomètre pour mesurer le temps passé avant la question fatidique, jusqu’à la distribution des numéros d’une liste d’attente comme à la Secu.
Ça – au moins – a l’avantage de faire rire et je peux profiter de ce moment d’inattention pour prendre la fuite.
Moi aussi, j’ai commencé de pratiquer ce sport.
Néanmoins je me suis fixé deux règles :
Premier essai au Tropicana, après midi, pour voir Rick THOMAS.
J’arrive à la caisse avec un copain une minute après le début du show et je demande à la fille
“you have 2 for the price of one ?”
Au pif.
Et ca marche, j’étais assez étonné, car j’ai cru plaisanter.
10 dollars de pourboire pour le mec qui distribue les places “the man with the deformed hand”, et on était placé comme la Reine Elizabeth.
A la sortie, je dis bonjour à l’artiste – ils sont presque toujours là pour vendre et signer leurs affiches, T-shirts et autres babioles – et il me demande un comp’ pour le “CRAZY”. Mauvais joueur.
Le lendemain un autre essai chez Ronn LUCAS, le ventriloque
Le mec à la caisse dit “non”, mais la fille me vend 2 coupons de boisson pour 6 dollars chacun, et nous assistons au spectacle pour 6 dollars avec une boisson, au lieu de 19.99 dollars seulement le spectacle sans boisson.
Je n’ai rien compris, mais ça fait partie du jeu.
Pour MELINDA j’ai demandé Fielding WEST qui a comme producteur son frère (je ne le savais point), pour CHARO.
J’ai fait un tel scandale dans le hall du vénéré et très chic hôtel “VÉNITIEN” qu’une espèce d’attaché de Presse est venu nous inviter.
Et pour SIEGFRIED & ROY on m’a transmis un mode d’emploi tellement vicieux et secret que même mon journal intime ne le saura pas !
SIEGFRIED & ROY sont des extraterrestres.
N’importer qui à leurs places serait déjà mort, dévoré par les fauves, cardiaque par le travail et fou par tant de succès ; personne aurait pu imaginer une telle ascension pendant 30 ans.
Il y a 20 ans, c’était déjà incroyable
Au “FRONTIER” ils avaient leur spectacle à eux. Ils étaient les seuls à avoir un show, et tout le monde se disait “c’est le max”.
Mais non : Il y a 10 ans on leur consacrait tout un hôtel, le premier “hôtel à thème”, le MIRAGE.
D’autres ont suivis, mais le MIRAGE était le premier…
Que dire du show ?
Il y a des imbéciles qui disent que les deux magiciens sont fatigués et moins en forme que la dernière fois ! “Cela ne veut rien dire ! Edith PIAF était sûrement moins en forme en 1961 lors de son récital à l’Olympia, n’empêche qu’elle n’a jamais été mieux.
Leur show est une histoire, un combat pour un monde plus beau et meilleur.
Pendant la première partie ils n’arrêtent pas de se faire attaquer par des vilaines créatures et d’innombrables bestioles, jusqu’au moment ou SIEGFRIED lévite d’un coté de la scène et parle d’un monde imaginaire.
Sur cela il y a une avancée des tigres et lions, blancs comme la neige, et au milieu un ROY plus beau que jamais !
30 ans de travail, de frustrations, juste pour ce moment, c’est très très beau !
Suit une séquence où SIEGFRIED n’essaie pas d’être drôle, il est drôle !
Pendant une vingtaine de minutes, magie dite intime avec l’ORIGAMI-illusion (la meilleure que j’ai vu, complètement japonisée), et une séquence avec une spectatrice moitié bourrée : SIEGFRIED a du charme, je le jure et j’ai fait une flaque pour lui…
Après cette séquence on a encore le droit à une vingtaine d’illusions
ROY lévite dans une bulle qui éclate, un éléphant disparaît, un compère dans la salle crie “bring him back”, aussitôt une grande plate-forme avance, on voit complètement travers, un foulard blanc est posé, et l’éléphant apparaît comme chez CHANNING la colombe !
Standing ovation tous les soirs, le public comprend beaucoup plus que la plupart des prestidigitateurs : leur show, c’est l’oeuvre de leur vies, 30 ans de combat et de courage.
Deux fois par soir, ils paient avec leurs tripes, leur âme et leur corps. Beaucoup plus qu’un simple show magique. Et ils n’ont pas encore dit leur dernier mot…
N’oublions pas en février la “Première” de leur protégé, Daren ROMÉO !
Je lui ferai ma deuxième flaque pour la soirée, et la troisième est pour la Sainte Lynette CHAPEL, qui, dans la vie leur fait la maman, la grande sour, la nounou, la garde du corps, mais sur la scène toujours la vilaine sorcière. Lynette, on t’aime !
Visite de Paris : Max RIOCHET (président de l’Illegal Magic Club) est venu, on a bien rigolé !
Les filles du Crazy ont bavé pour lui, mais il a gardé toutes ses forces (disons presque) pour sa fiancée Sev’…
J’ai vu MELINDA, je ne suis plus le même !
D’autant plus qu’elle ressemble à LOANA du “Loft”.
Elle parle bien et cela dans un vrai micro comme Siegfried & Roy et pas dans un minable micro cravate comme beaucoup d’autres qui ne savent pas qu’un vrai micro est un objet sensuel, elle danse beaucoup et fait de la magie.
Pas mal, mais j’ai presque tout oublié, car c’est la personne qui m’impressionne…
Ah oui, une disparition de la moto comme je n’ai jamais vu. Bravo ma petite hardeuse ! Et après, nous sommes restés pour ma vielle copine CHARO, (Hilton 83….) Incroyable ! Elle m’a troué le cul au marteau-piqueur !
Cette femme approche la soixantaine (de quelle cote ?) et elle fait l’un des shows les plus hot de Las Vegas.
Et – suprême élégance -, intelligence des “grands” : elle s’entoure de canons, les meilleures qu’elle a pu trouver.
Bizarrement, par ce fait, elle devient plus belle, c’est l’alignement par le haut. Un mystère. Si elle avait pris des boudins, elle aussi aurait été moche.
On a vu aussi Rick THOMAS
Le spectacle – en matinée – a tellement bien marché, que pendant l’été les gens y vont uniquement pour l’air conditionné.
Une bonne idée qui m’a vraiment surpris c’est son ASRAH
Il n’arrive pas à attraper le foulard d’une ASRAH, car c’est trop haut, donc il fait le flying le plus court de l’histoire de la magie : 5 secondes pour attraper le foulard, la fille disparaît, et il descend.
Les meilleures 10 secondes en magie !
Pour le reste, il y a des tigres blancs, des caisses, de la danse, participation du public, “where do you come from”, et plein d’autres choses que l’on peut voir le soir chez d’autres magiciens pour plus cher.
Ronn LUCAS travaille dans un nouveau hôtel, le RIO’S, le plus branché en ce moment, j’attends déjà avec impatience PENN & TELLER.
Ronn est aussi en matinée à 3 heures, une mode qui se lance.
C’est le meilleur ventriloque du monde, il a une façon de s’étonner sur ses poupées, que cela frôle la schizophrénie. Une séquence avec un spectateur qu’il transforme en clown et qu’il ridiculise à fond va rentrer dans l’histoire.
Pourquoi ? Parce qu’il sauve sa face avec une pirouette très astucieuse : il lui offre la vidéo life du spectacle ! Fallait y penser !
Ah oui : le printemps commence à Las Vegas en février et je suis toujours vierge !
Au revoir mon journal qui seul peut comprendre mon désarroi dans ce monde qui n’est que souffrance absolue…
Merci à Bruno SANVOISIN pour la relecture.
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