Date : dimanche 13 mars 2016
Lieu : théâtre de la Gaîté-Montparnasse
26 rue de la Gaité
75014 Paris
Tarif : 65€Compte-rendu de Pierre GUEDIN et Philippe BILLOT
Cette deuxième édition de la Journée Magique de la Gaîté-Montparnasse (lire le CR de la 1ère édition) a vu plus que doubler sa fréquentation par rapport à la première qui était déjà un succès.
Nous avons eu la chance de voir :
- Deux collègues magiciens du Québec : Michel Huot et Yannick Lacroix.
- La conférence de Yann Frisch.
- Le spectacle « Emprise » de Viktor Vincent.
- La conférence de Dani DaOrtiz. Celle-ci ayant été décalée de deux heures (19 h à la place de 17 h) ce qui a spolié ceux qui prenaient le train de retour qui ont dû y renoncer (dont moi qui retournait sur Dijon). C’est le seul bémol de cette magnifique journée.
- Un concours à la manière de Pen & Teller qui consistait à essayer de bluffer les membres d’un jury.
Nos deux « cousins » du Canada passaient ensemble et en premier mais, pour que vous compreniez mieux qui a fait quoi, voici ce que vous auriez vu séparément s’ils n’étaient pas passé en même temps.
Michel HUOT
Spécialisé comme magicien corporatif depuis 1996, son challenge est de tenter de renforcer et de rendre plus mémorable un événement d’entreprise.
Les tours de la conférence dont certains sont des créations récentes sont ensuite proposés à la vente.
Prédiction du numéro d’une boule de billard
15 boules de 1 à 15 sont représentées sur des cartes.
Le spectateur choisit une carte. Une vraie boule de billard surgit d’un petit porte-cartes et tombe lourdement sur la table. Le numéro correspond.
Adaptation en close-up de la fameuse boule de bowling qui fit tant de bruit lors de sa création… (Cherchez l’astuce.)
Tour avec le portable de la spectatrice
Le magicien prend en photo une spectatrice avec son propre portable.
Elle tient en main droite une carte blanche. La photo est prise. La spectatrice choisit ensuite une carte.
On retrouve la carte sur la photo à la place de la carte blanche.
La photo est laissée en souvenir. Très astucieux !
Gag de la destruction d’une petite cuillère
Le cuilleron se détache dans la tasse en remuant le café qui se met à bouillir !
De notre temps, on se servait du truc avec un efferalgan et un préservatif mais comme le disait si bien Cicéron « O Tempora, O Mores ».
Carte choisie et signée retrouvée dans la pochette de poitrine de la veste
Le gimmick an eu bien des ratés mais il était quand même disponible à la vente car il faut bien vivre, n’est-ce pas ?
Rainman Book Test
Un livre rempli de lettres et de mots différents.
Une divination de mot basée sur le code classique de la mnémotechnie (Toit = 1, nid = 2, etc.) à partir du numéro de la page.
Ceux qui ne connaissent pas le principe de la mnémotechnie peuvent l’apprendre par ce biais.
Carte à l’épée gag
La carte est retrouvée au bout de la chaussure après avoir shooté dans une cascade de cartes à jouer.
Très bonne adaptation d’une idée d’Annemann à l’origine.
Un nouveau gag hilarant qui se termine par un effet de mentalisme puissant
Quand on pense que le principe utilisé était déjà décrit en 1784…
Yannick LACROIX
Ses routines, basées sur la manipulation, utilisent des passes classiques, variées et efficaces.
Notes de conférence, DVD, et gimmicks étaient proposés à la vente.
Routine d’une pièce
Elle se termine par la production d’une pièce jumbo.
Rien d’original mais l’explication est pleine de petites astuces et détails que tout bon pratiquant devrait connaitre et qui nous sont expliquées pas à pas.
La position des mains grandes ouvertes, enchaînement de passes, les apparitions, les disparitions, l’utilisation du regard, du son, les subtilités diverses et variées.
Pipettes aspirantes
Un tour avec deux cartes signées dans des jeux de couleurs différentes sert d’illustration à un gag très sympathique.
La pipette aspire les signatures qui s’inversent entre le jeu bleu et le jeu rouge.
Ensuite nous sont proposés des applications de cet accessoire inattendu, par exemple avec une balle éponge. Principe très bien utilisé.
Dés à coudre
Cette routine, qui ne nécessite pas de chargeur, est également classique (Les manipulation de dés apparaissent au début du XXe siècle).
Les effets de multiplication, disparition et changement de couleur sont possibles en conditions de close-up.
Une routine de trois pièces avec deux pièces ! Une passe au son efficace et trompeuse réalisée grâce à une « passe au muscle détournée ».
Gros succès dans le public.
Bermuda Triangle
Une suite de disparitions de pièces à vue sur la table parfaitement exécutées avec, pour terminer, un voyage dans le porte-monnaie insoupçonné.
C’est aussi beau que le tour Shadow de Michael Ammar / David Roth mais beaucoup plus facile (David Roth, a mis un point d’honneur à faire voyager les trois pièces dans le porte-monnaie).
Serviette citronnée
Un billet de banque signé se retrouve dans le sachet « lingette rince doigts » fermé hermétiquement comme il se doit (doigt).
Une autre façon de donner le pourboire en « main propre » !
Yann FRISCH
Formé au jonglage par l’école du cirque de Toulouse, il est devenu ce qu’il est (Champion de France puis d’Europe en 2011 et champion du monde en 2012) grâce à un travail acharné à partir d’un seul outil du patrimoine magique, le lapping.
NDR : L’esprit créatif à partir d’un seul accessoire (une chaise, une petite échelle, une bouteille) dont l’artiste explore toutes les possibilités est une démarche caractéristique de l’école circadienne.
Des rencontres ont été marquantes, parfois éphémères, mais elles l’ont influencé profondément : Pierre Edernac et Jean Merlin.
NDR : pour ces deux derniers exemples indirectement nous reconnaissons en amont tout le travail créatif du maitre Tony SLYDINI.
Après cette recherche foisonnante et infinie sur les possibilités du lapping associées au jonglage, le choix des passes et le jeu de comédien est venu dans un deuxième temps avec Raphaël Navarro.
Vous l’avez compris l’objectif ici n’est pas commercial. Il est purement artistique, original, et le style est inimitable.
Aujourd’hui le numéro est décortiqué après avoir montré au bord postérieur de sa table les deux réceptacles à balles et les deux chargeurs de tasse.
Sur la table une tasse avec une balle à l’intérieur et le broc d’eau. Nous revenons à un des outils qui a servi pendant plusieurs siècles, à savoir la fameuse « servante »
NDR : On peut retrouver un dispositif approchant dans le numéro de gobelets de Candide qui a remporté des prix prestigieux en 2006 puis en 2007 à Blackpool et aux championnats d’Italie.
Le change de la tasse remplie d’eau contre la tasse contenant une balle est exposé de deux manières.
La manière la plus chorégraphiée est paradoxalement laissée de côté pour ne pas que le numéro soit estampillé jonglage dès le début.
Le geste de gicler de l’eau renforce la surprise de l’apparition de la balle.
Faux versement de la balle (passe classique de gobelet)
Effet du rebondissement d’objet popularisé dans les années 85 chez les magiciens par Michael Ammar lors d’une tournée de conférences.
Mais ici l’ajout est que la balle rebondit jusque dans la tasse tandis que les deux mains du magicien sont nettement décalées vers la gauche, ce qui semble impossible.
Explication des lappings sur les genoux et dans la tasse.
NDR : Fred Kaps le pratiquait avec des grands gobelets.
La passe du diablotin de Slydini (Imp Pass) est pratiquée avec une balle.
La passe navette (Shuttle Pass) également.
Le poids de la tasse évite qu’elle se renverse lors de l’arrivée de la balle et permet un curieux effet de culbuto.
L’apparition de trois balles puis quatre en croisant les avant-bras.
Yann explique qu’à l’origine le numéro est parti de deux passes :
Le lapping d’une des deux pièces pendant leur ramassage
Une passe qu’Al Baker a décrite en 1941.
Le lapping pendant le passage de l’avant-bras pour aller chercher une autre pièce qu’il attribue à Eugène Burger mais qui, en réalité, est une passe de cartes des tricheurs (très bien écrit aussi par Roberto Giobbi dans sa version des pièces kangourou)
Yann Frisch a développé ce qu’il appelle le « lapping dynamique »
La rapidité et la possibilité de franchir une zone visible font que le raisonnement du spectateur est faussé.
Soit il n’a pas accès à la solution soit il la réfute. C’est le corps entier qui se déplace pour éviter un focus sur l’action.
La balle prise depuis la bouche est lappée dans le geste de la poser sur la table où elle disparait. Pierre Edernac utilisait souvent cette passe avec une pièce.
Elle est très bien expliquée dans le livre Slydini Encores publié en 1966. Ce même geste est en effet une création de Slydini dans sa fabuleuse « One Coin Routine ».
La passe du diablotin effectuée de façon dynamique est très efficace également.
Le « Reverse Lapping » consiste à saisir la tasse et à la laisser tomber au giron (Terme que l’on peut employer pour traduire le mot Lapping) tandis que l’autre main frappe violemment la surface de la table à l’endroit où se situait la tasse.
C’est le vieux principe de la disparition du verre enroulé dans une feuille de papier mais sans le papier !
NDR : Notez que le premier effet connu utilisant le lapping est Le Couteau avalé et a été décrit aux alentours de l’année 1520. Le verre qui disparaît est apparu un peu plus tard (ou devrions-nous dire : a disparu ?).
Les gestes de jonglage en hauteur et en largeur permettent une disparition de la balle qui est projetée dans la tasse. On n’y voit que du feu.
Autre exemple : l’apparition très dynamique de trois balles « à la bouche ».
Une autre passe est démontrée
La balle tenue cachée contre l’oreille droite est brusquement « crachée » de côté. On ne voit vraiment pas d’où elle peut venir.
Des idées supplémentaires sont ingénieuses, un change de couleur subtil, un retournement de gobelet façon Aldo Colombini où la balle reste collée au fond du gobelet grâce à la force centrifuge.
Et encore la production d’une balle placée derrière le gobelet (la passe du gobelet plein de Takagi).
Enfin quelques exemples de lappings dynamiques sont montrés avec des cartes à jouer. (Pour faire simple et donner une idée : double levée et secousse. C’est un changement à vue mais vous pouvez le faire en différé, ce qui est moins casse-gueule. Voir Miracle Change de Marlo.).
Une ovation debout des spectateurs magiciens termine en beauté ce grand moment de magie.
Merci Yann.
Viktor VINCENT
Pré show
Les spectateurs s’installent tranquillement et deux assistants leur donnent des petits papiers avec la demande de dessiner un objet ayant une forme simple. Je dessine un stéthoscope.
Les nombreux petits papiers sont versés dans une coupe transparente placée sur le devant de la scène.
Sur scène côté cour une cage à oiseau pend à la vue de tous. Au centre un écran géant est enchâssé dans un cadre doré vintage.
Côté jardin une simple chaise avec un livre posé dessus, et un plus loin on repère un chevalet de conférence et la fameuse coupe contenant les papiers.
Pour susciter l’intérêt Viktor Vincent propose d’emblée une accroche classique en évoquant l’engouement pour les médiums et les spirites à partir du milieu du XIXe siècle. Des photographies en noir et blanc d’époque projetées sur un écran illustrent son propos.
Un personnage particulier, le comte de Chaseul* finit de capter notre attention. Il a eu une emprise sur quelques familles aisées. Ses manuscrits ont été brulés mais quelques-uns ont survécu. Prenant le livre sur qui est posé sur la chaise il précise qu’une étude sur le spiritisme a été publiée.
Elle contient quelques expériences du comte de Chaseul et je vais pouvoir vous les présenter vous faire revivre une séance d’occultisme telle qu’elle était présentée au XIXe siècle.
* Chazeul ? Mais n’étant pas versé dans le spiritisme, nous n’avons trouvé aucune trace de ce personnage d’où nous déduisons qu’il est probablement inventé pour les besoins du spectacle.
Premier effet. Une variante étonnante de la divination de la somme.
À la fin de l’effet et on demande au participant (qui était une participante comme disait Guy Lux) de choisir une enveloppe parmi six.
C’est le fil rouge. Au cours du spectacle chaque spectateur assistant choisira une enveloppe de la même façon.
Deuxième effet. Divination de dessins.
L’un d’entre nous a été choisi. C’est pourquoi, au début nous citons le stéthoscope avec un H.
Troisième effet. Révélation à la planchette Ouija avec une suggestion en interlude.
Quatrième effet. Coïncidence par-delà les années lors d’écritures automatiques.
Cinquième effet. Booktest et prédiction.
Sixième effet. Le grand final avec une succession de révélations.
Mélange de Bank Night de Tom Sellers et de Kurotsuke de Max Maven plus coïncidence entre ordre des enveloppes et numéro du billet, plus lettre dans chaque enveloppe formant le mot deviné du booktest, plus chiffres des enveloppes désignant une page, une colonne et position d’un mot dans un dictionnaire.
Le finale poétique révèle encore une dernière coïncidence.
Comme pour la première journée, nous avons préféré de pas en dire trop afin de ne pas vous gâcher les surprises si vous décidez d’aller voir ce spectacle.
Que nous soyons magiciens ou profanes nous avons tous passé un excellent moment de divertissement.
Le personnage est agréable.
Les textes sont ciselés et prononcés sans aucun achoppement. Les effets sont incroyables. Bravo !
Je cède maintenant la parole à mon compère Philippe qui a pu rester pour la suite du spectacle.
Dani DAORTIZ
Enfin, après deux bonnes heures d’attente, nous avons pu voir le maître qui était sans doute parti en catastrophe car il a été obligé d’emprunter le tapis de cartes de Djeuhom Lebel.
Mais l’important est qu’il avait quelques jeux de cartes, ce qui lui a permis de nous présenter quelques petits miracles.
Ne connaissant ce magicien que de nom et n’ayant jamais rien lu ni vu de son travail, ce fut sans idée préconçue que je me laissais entraîner dans son univers et je dois reconnaître qu’il est assez impressionnant même si ce à quoi j’ai assisté était en grande partie un exercice de style sur le thème de la carte au nombre.
Mais qu’importe ! Car ce qui a compté, c’est d’une part son approche de la magie et d’autre part le personnage qu’il a créé.
Aussi, je mets immédiatement en garde les djeuns qui voudraient imiter ce magicien car pour eux, c’est pratiquement l’échec assuré.
Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir émailler son numéro de cheat ! ou de wow ! De même qu’il n’est pas à la portée de tous d’apostropher les participants comme le fait Tamariz.
Je ne conseille pas non plus de reproduire les effets tels que DaOrtiz les a présentés mais je pense que nous avons là une nouvelle façon de penser la magie et c’est ça le plus important.
Et c’est cela qu’il va falloir comprendre et assimiler si nous voulons présenter d’autres petits miracles « à la manière de ».
Au grand dam de certains spectateurs magiciens, il n’a expliqué qu’un seul tour.
Et curieusement, c’est ce seul tour qui m’a fait entrevoir sa façon de penser.
C’est pourquoi je vous le dis sans vantardise aucune ; j’ai compris assez rapidement son dernier tour qui a fait hurlé une bonne partie de la salle car je me suis dit qu’il était assez rusé et retors pour utiliser ce moyen-là.
Peut-être ai-je tort (avec un T sinon ce serait tordu) mais en tout cas, je sais maintenant qu’il existe une autre direction pour faire de la magie et que DaOrtiz en est un des précurseurs.
Avant de vous quitter, je tiens à saluer une dernière fois Yann Frisch qui a assuré la traduction car, bien que comprenant apparemment le français, DaOrtiz a préféré s’exprimer en anglais.
Et Yann a bien eu du mal à suivre car même si DaOrtiz parlait la langue de Shakespeare, tendance USA, son débit était bien celui d’un espagnol volubile.
Une fois cette conférence terminée, vu mon âge, je n’étais plus en mesure de tenir le coup pour la suite.
Mais, comme déjà signalé, quelqu’un s’est chargé de ce compte rendu final.
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