Il y a quelques années, la jeune compagnie aérienne belge «City-Bird», malheureusement aujourd’hui disparue dans la mouvance des tristes conséquences du 11 septembre 2001, avait fait appel – initiative totalement nouvelle – à des animateurs en vue de distraire les clients sur ses vols réguliers long-courrier, essentiellement à destination des Amériques Centrale et du Nord.
Quelques magiciens avaient proposé leur candidature et ont pu ainsi, à plusieurs reprises, profiter de l’aubaine pour se rendre, entre autres, aux Etats-Unis, notamment à Las Vegas, une liaison hebdomadaire reliant sans escale celle-ci à Bruxelles.
J’ai eu l’occasion à plus de vingt reprises d’assurer une animation magique sur ces vols et je voudrais, suite à cette expérience et en toute simplicité, vous livrer quelques réflexions, d’autant plus que l’apparition programmée pour les années prochaines de ces gros porteurs aériens capables de transporter plus de 500 personnes, laissera sûrement la place durant le vol, à des animations en tous genres, capables d’occuper au mieux ce «temps perdu» passé entre ciel et terre.
Il convient d’abord de se rendre compte des limites évidentes liées à une animation dans un avion de ligne : espace de travail très étroit, respect du client qui aime ou qui n’aime pas être «dérangé» durant le vol, nécessité d’utiliser du petit matériel facilement transportable en cabine…
Et de tenir compte des différents impératifs liées au temps de vol : service des repas, projection des films, plage de sommeil, sans compter les éventuelles mais fréquentes turbulences de l’Atlantique-Nord qui interdisent de quitter son siège.
En un mot, il est essentiel durant les 8 à 11 heures de vol, de pouvoir sans cesse s’adapter et de tenir compte de chaque instant et de chaque personne, équipage ou client.
Inutile de préciser qu’un multilinguisme de base est indispensable, tant la population des voyageurs est par définition, extrêmement diversifiée.
Au niveau du type de magie utilisée, il me semble qu’elle se doit d’être essentiellement verticale et visuelle, et pour essayer de concerner plus d’un voyageur à la fois et pour tenir compte de l’exiguïté des espaces et de la disposition des sièges qui ne permet que de s’approcher de ceux situés en bordure des couloirs.
De plus, la circulation au sein de ceux-ci ne peut absolument pas être entravée par votre présence qui se doit d’être nécessairement debout. Des tours rapides, efficaces, pas trop cérébraux, toujours sur le mode de l’humour, me semblent être les meilleurs pour ce type d’animation, ce qui n’exclut pas bien sûr de revenir près d’un voyageur que l’on a découvert particulièrement intéressé par notre art, ce qui, d’ailleurs, m’est arrivé à chacune de mes prestations «volantes».
Important aussi pour une animation optimale : commencer toujours par le fond de l’avion, en remontant vers le poste de pilotage (qui parfois souhaite aussi son temps de magie), afin que tout l’impact «effet de surprise» lié à la plupart des routines, ne soit pas altéré par du «déjà vu» à l’avant.
Quelques exemples de tours que j’ai à chaque fois mis au programme de ces animations aériennes : le raton laveur, le jeu de cartes invisible (avec de nombreux gags), la bague au porte-clef, l’araignée au dos de la main (excellent pour créer une ambiance ‘chaude’ dans la cabine), les nœuds voyageurs dans les foulards, différentes routines de cordes, quelques sculptures simples de ballons destinées aux enfants, etc.
Finalement, peu de tours de cartes sur les tablettes, même s’il m’est de fait arrivé deux ou trois fois de passer la majorité du temps de vol destiné au sommeil, à côté d’un passionné qui ne cessait d’en redemander.
Je soulignerai aussi qu’au niveau de la «first ou business class», l’animation se doit d’être plus prudente, les clients de celle-ci étant essentiellement des hommes d’affaires occupés à travailler sur leur portable ou simplement à se reposer très confortablement avant une nouvelle journée de rencontres professionnelles.
Il n’empêche que toujours, j’ai pu réaliser ma prestation en première classe auprès de personnes intéressées, dont l’une ou l’autre ont été des contacts intéressants pour de futurs contrats.
Enfin, comme je l’évoquais plus haut, certains équipages ont tenu à ce que je leur propose une «séance» au sein même du poste de pilotage. Avouez que faire léviter une cigarette à 11.000 mètres d’altitude, au-dessus du Groenland, pour quelques hôtesses de l’air en admiration, c’est le pied, non ?
De nombreuse anecdotes pourraient encore illustrer mes propos, liées notamment au passage obligé dans les détecteurs de métaux et autres explosifs à l’entrée des portes d’embarquement, avec dans mon «cabin-bag» paire de ciseaux, anneaux, ressort du raton laveur, etc.
Souvent, après l’examen de celui-ci par les services de sécurité américains, une démonstration magique suffisait à obtenir l’indispensable laissez-passer. Je me souviens d’une contrôleuse qui, à l’aéroport de Los Angeles, a bloqué toute la file des personnes en attente de passer dans la porte de détection, pour inviter ses collègues à contempler émerveillés mon raton laveur plus vivant que nature. Il est vrai qu’un «magician on board», ils ne connaissaient pas…
Je regrette qu’aujourd’hui, je ne puisse plus vivre de telles expériences, après la faillite de cette compagnie aérienne. Grâce à «City-Bird» et à mes talents magiques, j’ai pu, entre autres, aller six fois et sans escale à Las Vegas, ville de la magie s’il en est. Un rêve pour un magicien…
Peut-être que de telles animations pourraient se dérouler sur d’autres compagnies… ou dans les halls d’attente de nos aéroports où, toujours, il y a des vols en retard ? Pourquoi pas ? A nous artistes de toujours chercher des créneaux nouveaux où notre passion puisse s’exercer.
Et dans le cadre de cette politique d’échanges de services déjà évoquée dans d’autres articles de «La Revue de la Prestidigitation», pourquoi ne pas se mettre en recherche ? Il y a eu les «Chevaliers du Ciel», pourquoi n’y aurait-il pas les «Magiciens du Ciel» ? Je vous laisse répondre et demeure à votre disposition pour partager plus en détail mon expérience en ce domaine.
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Merci à Michel FONTAINE pour la relecture.
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