Extrait du livre La Grande Magie des Tout Petits 2.0 de Peter DIN
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Comment intégrer les enfants dans le spectacle ? (suite)
Je ne voudrai pas oublier une dernière chose qui me semble importante.
Sachons ne pas confondre spectacle participatif et « garderie désorganisée ».
J’ai eu très récemment une conversation avec un artiste qui travaillait avec un producteur qui exige que l’on ait au moins 10 à 15 enfants sur la scène.
Je ne vous cacherai pas que je trouve cela totalement stupide et faisant preuve d’une méconnaissance extrême de ce que devrait être un spectacle jeune public.
Mais on ne peut obliger malheureusement des « commerçants » à un minimum de responsabilité et les artistes devront très souvent « gérer » au mieux ce genre d’ineptie.
En ce qui me concerne, j’ai la chance et l’expérience qui me permet de pouvoir «imposer» mes règles et je n’ai plus à me préoccuper de ce problème, mais je conçois que cela soit parfois difficile pour un artiste moins « installé » de faire valoir son expertise et il se sentira très souvent obligé de répondre favorablement aux demandes les plus stupides.
Mais dans tous les cas, n’oubliez pas que vous êtes l’Artiste et que au même titre qu’un capitaine de navire, vous êtes le maître à bord.
Pourquoi, je refuse d’avoir pléthore d’enfants sur scène ?
Tout simplement, car plus vous aurez d’enfants sur la scène, plus ceux qui n’auront pas eu la possibilité d’y être ressentiront de la frustration.
Et curieusement, les plus frustrés seront ceux qui n’auraient dans tous les cas, pas voulus y venir.
Il y a une grande dichotomie chez l’enfant entre l’envie et l’assurance nécessaire pour assumer cet envie.
De plus, je crois que l’on confond souvent deux concepts entièrement différents : l’animation et le spectacle.
Ce sont deux choses très différentes et bien souvent les « magiciens » moins compétents estiment qu’ils réussiront mieux à faire illusion en créant une animation très mobile et active.
C’est en effet parfois le cas, mais le revers de la médaille, c’est un appauvrissement de l’offre artistique au profit de l’offre « low cost »… le concept du « Je voudrais un petit spectacle pour les enfants ».
Donc, pour le « Magicien Voyageur », j’ai choisi de n’avoir que deux interventions participatives sur scène.
Ce qui ne veut pas dire que le spectacle n’est pas participatif dans sa globalité. Mais nous y reviendrons plus tard.
Lors du travail d’écriture, j’ai défini le type d’intervention en fonction de l’histoire et du but que je me suis fixé.
Les enfants connaissent à présent mon personnage, ils possèdent « la règle du jeu » et sont prêt à prendre leur place dans la dramaturgie.
En clair, ils connaissent leurs rôles.
Je vais m’attarder un instant sur cette notion.
Pour moi, un spectacle pour enfants réussi est un spectacle où il n’est pas seulement spectateur, mais dans lequel il est totalement partie prenante, il est acteur.
Et si je dis « il » au singulier, c’est que chaque enfant présent dans la salle, doit avoir sa partition à jouer et doit en être conscient.
On est loin du traditionnel tour pour lequel l’artiste fait monter un enfant sur scène afin qu’il fasse un geste ou quoi que ce soit d’inutile, car dans le fond personne n’est dupe, c’est le magicien qui fait tout !
Si je demande à un jeune spectateur de me rejoindre sur scène et s’il doit faire une action, cette action doit avoir une répercussion réelle sur l’histoire, elle n’est pas seulement esthétique ou cosmétique.
Rien ne doit se passer comme le magicien l’avait prévu ou prétendu, il doit y avoir un « bug » qui fait rebondir l’action.
Énoncer ainsi de façon théorique et livresque, cela peut paraître un peu complexe, mais il suffit d’avoir « écrit » cette partie généralement improvisée pour lui donner toute sa saveur et son utilité.
Après plusieurs années, je suis encore surpris de voir que quelque soit la salle ou le type d’enfants présents, les réactions, les interactions, voir les interventions seront pratiquement toujours les mêmes ou à peu près.
Ce qui me donne une très grande liberté d’esprit pour jouer mon propre rôle, je n’ai pratiquement rien à modifier et je peux laisser le texte se dérouler sans faire en même temps d’effort de concentration afin de m’adapter sur l’instant.
Cela peut bien évidemment, se produire quelques fois, mais croyez-moi c’est très rare et terriblement confortable.
Bon les enfants commencent à s’impatienter et il serait temps de faire notre premier tour participatif.
Je dois auparavant vous faire un rappel de ce que j’ai fait avant, afin de conserver la chronologie du spectacle.
J’ai interrompu ma description après le sketch de la formule magique, avec l’apparition des fleurs au bout des doigts.
Cette séquence se terminait par la question : « Vous y croyez-vous à la magie ? ».
Cette question est assez importante, car au-delà des réponses diverses qu’elle va susciter, elle va me permettre de dévoiler une autre facette de mon personnage, ce qui clôturera la phase d’exposition et permettra de passer à la phase participative qui deviendra alors, tout à fait justifiée.
Je viens donc d’avouer aux enfants que je ne n’étais pas certain d’être un vrai magicien, mais mes explications ont donné lieu à deux véritables tours de magie : le ballon coupé et les nounours dont les explications vous seront données à la fin de ce série d’articles.
La fin du sketch des nounours, me permet de rebondir sur la partie participative :
« Voilà, c’est comme cela que je suis devenu Magicien ! Mais peut-être que vous aussi, vous avez déjà fait de la magie ? ».
C’est le moment toujours délicat du choix de l’enfant qui viendra me rejoindre sur scène.
J’ai besoin que cela soit un des plus grands présents dans la salle, car j’aurai ensuite besoin d’un des plus jeunes et il est important qu’il soit « mis en confiance » par cette première séquence.
Je ne veux pas d’un garçon, toujours plus difficile à gérer, car entre 6 et 8 ans âge idéal pour le tour que j’ai choisi (je rappelle que nous sommes au théâtre avec un public familial de 2 à 10 ans environ et que je dois surfer sur trois classes d’âge (2 à 5 ans, 5 à 7 ans et au-delà de 7 ans), le désir de s’affirmer face aux autres est très fort et peut très vite, m’obliger à « cadrer » de façon trop perceptible, les réactions parasites.
Afin d’écarter les garçons, s’en pour autant les frustrer, je vais affirmer que ceux-ci font très souvent de la magie, d’ailleurs ne dit-on pas Un Magicien !
Mais est-ce que les filles font-elles aussi de la magie ? (voir la vidéo) – ce qui me permet en toute logique, de faire venir sur le plateau une jeune demoiselle.
Le tour que j’ai choisi et qui sera la base de ce sketch ou de cette séquence est une adaptation modifiée d’une création du regretté Jean GARANCE « Les rubans » dont vous retrouverez la description et l’explication en fin de volume.
Le tour en lui même n’a rien d’exceptionnel et ne révolutionnera pas l’Histoire de la Magie, mais il a le mérite d’être très lisible et de faire avancer le scénario.
Il n’en reste pas moins que comme tous les tours, simples ou plus complexes, il doit donner lieu à une réflexion avant sa présentation, car parfois le produit livré par le marchand de truc, n’est pas élaboré de la meilleure façon.
Voici ce que j’en disais lors de l’écriture de la première version de ce livre.
Les Rubans de Jean GARANCE
Ce tour fait partie des grands classiques de la magie enfantine, mais il a tendance à disparaître en raison de la difficulté à trouver une quêteuse à 3 poches indispensable à sa réalisation.
En effet, si on peut trouver ce genre d’accessoire chez la plupart des marchands de trucs, il est le plus souvent lourd, encombrant et très laid.
Je présente donc cette expérience depuis de très nombreuses années mais j’ai toujours eu beaucoup de mal à trouver le «fil conducteur» et bien souvent l’impact sur le public était des plus modestes.
Quelque chose ne fonctionnait pas dans ce tour et j’envisageais de le supprimer de mon spectacle jusqu’à ma rencontre avec Jean Pellé, le Directeur du Théâtre de la Mainate avec qui j’ai eu la discussion suivante à la fin d’une de mes représentations.
Celui-ci me dit :
«Ce tour ne marche pas bien, il faut absolument que tu changes la couleur de tes rubans !».
J’avoue que je fus un peu surpris, d’autant que j’utilisais les mêmes rubans depuis plusieurs années et que je ne croyais pas une seule seconde que leur couleur puisse influer sur l’impact du tour.
Je possédais alors le jeu de rubans pastel, blanc, bleu pâle et rose pâle du plus bel effet, qui m’avait été livré avec le tour…
Sans grande conviction je décidais de changer mes rubans et de choisir un bleu marine, un rouge vif et un jaune canari des plus primaires.
Je dois avouer à ma grande surprise que l’effet fut immédiat : le tour se mit à fonctionner avec les enfants comme jamais il ne l’avait fait et je pus commencer à peaufiner une mise en scène attrayante et inclure définitivement ce tour dans mon répertoire.
Cette anecdote, me poussa à examiner avec attention tous mes accessoires et à attacher le plus grand soin au choix des couleurs que j’utilisais.
Cela peut sembler très dérisoire, mais pour les enfants, la couleur est souvent une aide à la compréhension et ils réagissent totalement différemment suivant celles que vous utilisez.
Un médecin pédiatre m’expliqua plus tard que la vision de certains enfants n’a pas atteint son développement maximum en terme de perception et de différenciation, ce qui explique l’attirance de ceux-ci vers les couleurs primaires et leur rejet quasi systématique des teintes pastel ou très pâles.
J’ai écrit ceci, il y a dix ans et ce tour est toujours à mon répertoire aujourd’hui…
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