11. (Supplément) Pas Touche à ma Gamelle !
ou comment gagner son beurre “légalement” sur le dos des magiciens

Extrait de la Conférence en 10 Points

La législation du spectacle est calquée sur celle du commun des actifs, à savoir les salariés. Étant donné la spécificité de la profession d’artiste (travail irrégulier et concentré sur les week-ends), on aboutit à des situations absurdes.

Ainsi un artiste qui aura travaillé tous les samedis et dimanche du mois, soit 8 jours au total, touchera quand même 31-8=23 jours de chômage ! Par ailleurs, il a aussi droit aux congés payés alors qu’il sera souvent au repos 5 jours par semaine.

En pratique, 10% du cachet brut de chaque spectacle est versé par votre employeur à une association loi 1901 : “Les Congés Spectacles“.

Mais contrairement à vous, salariés, à qui cet argent est versé automatiquement fin août par votre employeur, les choses se corsent pour nous artistes.

Un cascade ingénieuse de chausse-trappes permet aux Congés Spectacles de ne pas vous reverser votre dû :

  1. Tout d’abord, 90% des magiciens sont amateurs et ne faisant que quelques galas en règle dans l’année, n’iront jamais réclamer leur immatriculation à cette caisse. C’est déjà cela de gagné.
  2. Ensuite, si vous ne réclamez rien, vous ne recevrez rien.
    Sachant que le formulaire à retourner est à découper dans la revue “Spectacle Infos” adressée uniquement à ceux ayant reçu leur dû l’année précédente, il n’est pas aisé de rentrer dans le système.
    Pourtant, les congés spectacles connaissent parfaitement l’adresse et le numéro de sécu de tous les bénéficiaires.
    Le minimum serait d’adresser à tous ce formulaire automatiquement.
  3. Ensuite, deux techniques permettent de limiter les remboursement selon le nombre de spectacles effectués :
    • Premier cas, vous faites peu de spectacles : encore récemment, vous deviez avoir totalisé au minimum 25 spectacles avant de prétendre toucher vos congés. C’est comme si tous les travailleurs intérimaires ayant travaillé moins d’un an se voyaient privés de leurs congés payés !
      Remarquez que tout le monde est pénalisé : tout artiste cessant de travailler pour une cause quelconque (décès, reconversion, expatriation, etc.) ne pouvait toucher les congés de sa dernière année de travail, soit statistiquement 5% de ses gains annuels bruts.
    • Second cas, vous faites de nombreux spectacles :
      eh bien, vous allez devoir récapituler à la main sur plusieurs feuilles la totalité de vos spectacles avec pour chacun la date, le nom de l’employeur et le montant BRUT de votre cachet.
      Redoutable exercice de style. N’oubliez pas de joindre les feuilles bleues correspondantes. Certaines ne vous ont pas été envoyés par l’employeur, tant pis pour vous.
      Bien sûr, les Congés Spectacles possèdent dans leurs ordinateurs le bilan de vos spectacles et j’ai pu constater qu’ils ne tiennent même pas compte de la liste que vous leur adressez. C’est comme si les salariés devaient établir par eux-mêmes la liste de tous leurs jours travaillés dans l’année avant de pouvoir partir en congés.
      Aberrant, non ?
      Si vous avez égaré vos feuilles de paye comme moi ? C’est perdu car j’attends en vain mon argent depuis neuf mois.

On peut se demander le bien fondé d’une telle caisse sachant que le spectacle étant une activité par nature très irrégulière, l’artiste est censé devoir gérer ses recettes en prévisions des périodes de vaches maigres.

De surcroît, le travail de gestion demandé aux artistes par cette caisse va bien au delà du raisonnable.

Les bénéfices réalisés par les Congés Spectacles sont-ils importants ?

Façon de parler car une Association ne peut en théorie faire de bénéfices et pourtant les sommes en jeu sont énormes.

A titre de comparaison, sachez que des grands groupes comme Accor tirent leur bénéfice des tickets restaurants du simple décalage entre le moment où l’entreprise achètent ces titres de restauration et celui où le restaurateur les remet à sa banque, soit deux mois en moyenne.

Que dire des congés spectacles qui s’étalent sur un an ou plus.

En moyenne, c’est 10% de nos revenus annuels bruts qui rapportent des intérêts pendant six mois en moyenne.

Et on a vu que nombreux sont ceux qui ne récupèrent pas leurs billes. On comprend qu’il s’agit là d’un véritable fromage mais avec un détail scandaleux : ce sont les plus pauvres qui sont les plus spoliés.

Je m’explique : Qu’un Edouard Balladur ait été directeur d’un centre de péage d’un tunnel dans les Alpes amorti depuis de nombreuses années est un exemple de fromage sans grande conséquence sur des milliers d’automobilistes.

Qu’un ancien directeur de la Française des Jeux, ayant débuté comme vendeur de cravates ambulant devant les Galeries Lafayette, mais ami de Mitterrand, ait pu se construire une piscine au sommet du siège social grâce à quelques centimes pris sur chaque pari en est un autre exemple.

Mais que les Congés Spectacles vivent aux dépens d’artistes qui n’ont pas assez de cachets dans l’année, de ceux qui n’ont pas la capacité intellectuelle de gérer toute cette paperasse, bref des plus pauvres d’entre nous, est tout simplement écœurant.

Les artistes les plus spoliés sont bien sûr aussi les moins armés pour se défendre.

Mais on peut constater une chose : la somme remise à l’employeur pour les congés de l’artiste comprend non seulement son cachet mais aussi toutes les cotisations sociales obligatoires : urrssaf, retraite, assedic et le fisc par le biais du cachet.

On sait fort bien que l’Etat n’aime pas être volé et se montre redoutable dans le recouvrement de ses créances. Cela pourrait être le talon d’Achille de ce système.

J’aurais aimé qu’il soit exact dans les moindre détails mais, et c’est un demi-aveu de la part de son Président M. Lionel PATRICK, toute mes demandes d’interview (avec la liste des questions), d’informations sur les statuts et les modalités d’élection (si je devenais Président, les choses bougeraient), n’ont reçu aucun avis de réception depuis un an.

Mieux encore, malgré la loi Informatique et Liberté qui l’y oblige, la caisse s’est borné à me communiquer mon adresse et non l’ensemble des informations me concernant ! On croit rêver devant un tel mépris.

Pour vivre heureux, vivons cachés et on comprend son intérêt à préserver le status quo. En juin 96, une conférence sur la gestion des intermittents du spectacle tenue dans le magasin de Guy LORE a qualifié les Congés Spectacles d'”Escroquerie légale”.

Que pouvez-vous faire ? Tout d’abord demander à intégrer vos congés directement dans votre fiche de paye comme le font tous les intérimaires.

Protester par lettre auprès de M. Lionel PATRICK, afficher cet article dans votre centre assedic, demander copie de votre fiche informatique, etc.

Sinon, vous êtes sûrement ravis de financer les prêts à taux réduits et les colonies de vacances des enfants du personnel mais ne dites plus

“Je ne savais pas !”.

Voilà, il était intéressant de voir comment la cupidité de quelques-uns pouvaient dénaturer une idée généreuse comme les congés payés qui fêtaient en 1996 leur 60 ans d’existence.

L’homme est vraiment capable du meilleur comme du pire, mais avec le scandale de l’Arc présidé par M. Jacques Crozemarie, cela vous le saviez déjà.

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Né le 1 mai 1960 Elevé en Bretagne, bon élève condamné par ses parents à faire l'Ecole Centrale de Paris d'où il sortira en 1985 avec le premier prix d'Informatique. Trésorier du Groupe de Paris de 90 à 93 Trésorier adjoint de l'AFAP de 91 à 93 Fondateur de la revue magique Sycophante 95-96 avec Michel FONTAINE Président du CFI depuis mars 2000 Primé une dizaine de fois dans les congrès sous divers pseudonymes. Professionnel depuis 1989 quoique pratiquant la magie en dilettante. Ses maîtres : Michaël VADINI, Stanislas, Peter SHUB, Alan TURING, Evariste GALOIS, Yvonne-aimée de Malestroit. Sa passion : la programmation des bases de données sur macintosh plusieurs heures par jour. Principal défaut : n'a jamais pu s'empêcher de dire tout haut ce qu'il pense tout bas.