Biographie
Formé très jeune à la prestidigitation au contact demaîtres (Jean Merlin, Mac Fink), Thierry COLLET entre ensuite au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (promotion 1993).
En tant que comédien, il joue notamment sous la direction d’Eric Vigner (La Pluie d’été de Marguerite Duras – 1993), Lisa Wurmser (Le Maître et Marguerite de Boulgakov – 2000), Eugène Durif (La Maison du Peuple), Jean Lacornerie (Le Rêve du général Moreau d’Alfred Klabund – 2005).
Par ailleurs, il crée des spectacles qui mêlent théâtre et magie, à la croisée des chemins de l’objet et du texte, de la parole et du geste : L’Enchanteur en 1995, Maître Zacharius en 2000, L’Ombre en 2004, Même si c’est faux, c’est vrai en 2007. Influences – créé en 2009 – inaugure un nouveau cycle de travail basé sur le mentalisme.
Il est également conseiller en effets magiques pour de nombreux spectacles de théâtre ou d’opéra : avec Benjamin Lazar (Cendrillon – 2011), le collectif DRAO (Petite histoire de la folie ordinaire – 2010), Jean Lambert-Wild (La Mort d’Adam – 2010), Yannis Kokkos (Le Songe d’une nuit d’été – 2001), etc., et a dirigé la classe de magie au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique en 2008–2009
Magicien, comédien, metteur en scène, Thierry COLLET nous parle de son parcours, ainsi que de sa vision de la magie et du mentalisme, à l’occasion des représentations du spectacle “Influences” au Théâtre de La Cité Internationale à Paris.
Comment vous êtes-vous intéressé à la magie ?
Je n’en sais rien.
Je devais avoir sept ans et je suis tombé dedans.
Est-ce que le déclic a été de voir un magicien à la télé, ou de recevoir une boîte de magie, je ne sais plus.
J’ai l’impression que ça se passe souvent comme ça : des garçons de sept ans qui tombent dans la magie.
Toujours des garçons ?
Oui, il y a d’ailleurs très peu de magiciennes.
Quand il y en a, en général, ce sont des objets : on les met dans des boîtes, on les mutile.
Ce sont des clichés de la féminité.
La magie a un rapport très machiste aux femmes.
Y a-t-il des écoles de magie ?
Les magiciens se regroupent en clubs, en associations.
J’ai commencé à les fréquenter mais j’ai trouvé le milieu très conservateur et très fermé.
Le magicien est un homme solitaire.
Il est son propre auteur, son propre metteur en scène, son propre costumier et scénographe.
Pour préserver ses secrets, il travaille seul.
Et ça explique à mon avis que les spectacles de magie soient souvent assez pauvres artistiquement parce qu’un homme ne peut pas être bon partout et parce que les magiciens se trompent : ils font du secret la fin de leur spectacle alors que c’est seulement un moyen.
Et donc je me suis inscrit dans une école de théâtre, parce que je savais que ça allait me faire bouger, me faire rencontrer d’autres gens.
Depuis ce temps-là, je travaille à envisager la magie comme un art contemporain.
C’est-à-dire ?
Quelque chose fait par un contemporain pour ses contemporains, qui brasse les questions esthétiques, humaines, morales, politiques de l’époque.
La magie est un outil pour examiner des questions essentielles.
Par exemple, pour qu’il y ait magie, il faut qu’il y ait quelqu’un qui sache et quelqu’un qui ne sache pas.
D’où que, très vite, se pose la question du pouvoir, et des relations entre pouvoir et savoir.
Ces questions, ça m’intéresse de plus en plus de les poser sur un plateau de théâtre.
Pourquoi vous être spécialisé dans le mentalisme ?
J’y suis venu assez tard. J’avais commencé à travailler avec des objets dans des spectacles très liés à la narration.
Parce que je pensais que le sens venait de la narration. Et puis j’ai un peu changé d’avis, j’ai abandonné la narration et je me suis focalisé sur l’expérience magique ellemême.
Et j’ai repensé aux origines.
J’ai repensé à l’inquiétude primitive devant les étoiles, les orages, les éclipses.
Les chamanes sont les premiers magiciens, et ils ont été les premiers à proposer une description du monde visible et invisible.
Ça leur a donné une forme de savoir dont ils ont pu assez vite tirer profit et qu’ils ont pu transformer en pouvoir.
Si un chamane dit « je sais faire tomber la pluie », on peut se dire qu’il a assez observé le ciel pour reconnaître les signes avant-coureurs de la pluie ; mais aussi qu’il fait vraiment tomber la pluie, car c’est la fonction que la communauté lui a assigné et à laquelle elle a choisi de croire. On est ici aux confins de la religion, de la politique, de la médecine…
L’expérience magique, c’est selon moi confronter les gens à une inquiétude primitive.
C’est ici que la magie du mental vient à notre secours.
Manipuler les cartes ou les colombes, ce n’est pas tout de suite d’essence divine. Par contre, face à quelqu’un qui a apparemment accès à vos pensées, on arrive vite dans la zone limite entre croire et savoir.
L’idée d’Influences semble justement de réfléchir sur cette zone entre croire et savoir.
L’idée, c’est que la magie raconte elle-même la prise du pouvoir du magicien sur l’auditoire.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Il y a cette expérience qui m’étonne toujours.
Je me plante une grande aiguille dans le bras et je dis aux gens, voilà, ça ne fait pas mal, est-ce qu’il y a quelqu’un qui me fait suffisamment confiance pour tenter l’expérience ?
Pendant les répétitions, je pensais que les gens n’accepteraient pas facilement de se laisser enfiler un truc comme ça, à peine désinfecté, et que je ne ferai vraiment pas ce numéro à toutes les représentations.
J’ai donné Influences soixante-dix fois et je l’ai fait soixante-dix fois.
Pourquoi les gens acceptent-ils ?
Je le leur demande quand ils sont sur le plateau : séduction ? confiance ? goût de l’inconnu et du risque ?
C’est cette dernière réponse qui l’emporte.
Mais on peut aussi dire que le cadre du spectacle joue un rôle.
On sait où l’on est. On est venu voir un spectacle de magie et donc, bien sûr, on peut faire théoriquement le parallèle entre les dispositifs coercitifs de la société, et ceux à l’œuvre sur la scène, mais le spectateur reste dans un cadre inoffensif et il le sait.
C’est cette question, je crois, qui fondera mon prochain spectacle – car chaque spectacle amène les questions du suivant : comment, justement, dépasser ce cadre inoffensif de la représentation ?
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