Tout d’abord merci Marc de SOUZA pour cette interview exclusive que tu accordes à Virtualmagie.com.
Deux vidéos viennent de sortir aux USA il y a quelques jours : l’une est consacrée à la scène et la seconde, au close-up.
Très peu de magiciens ont été primés dans les deux catégories et tu fais partie de ceux-là. Peux-tu nous dire par quelle discipline tu as commencé et est-ce que cela a influencé ton travail sur l’autre ?
Marc de SOUZA |
1954 1960 1974 1978 1989 1993 1995 1996 |
Marc de SOUZA : J’ai commencé par la scène. Comme beaucoup de magiciens, j’ai débuté par des spectacles pour enfants. J’ai démarré la magie quand j’avais 6 ans et j’ai présenté mes premiers spectacles à l’âge de 8 ans. A 12 ans, j’ai décidé de concentrer mon travail sur la manipulation et comme j’étais très motivé, les “grandes personnes” du magasin de magie à côté de chez moi ont accepté de m’aider. Bien sûr, aujourd’hui, ces “grandes personnes” sont devenues mes amis.
Même si je pratiquais le close-up, je ne me suis pourtant vraiment lancé dans cette discipline qu’à l’âge de 21 ans. J’ai travaillé au Magic Castle et j’ai rencontré quelques experts en close-up qui m’ont beaucoup inspiré. Dès lors, j’ai partagé ma vocation entre la scène et la micromagie. Je pense que la réflexion du magicien de scène influence beaucoup le travail en close-up. J’aborde ce dernier comme un homme de scène. Mes numéros font appel à toute une gestuelle corporelle, à l’immobilisation des mouvements et bien sûr à un point important : le texte.
Peux-tu nous parler un peu de tes deux vidéos ? Quel genre de tours y décris-tu et quel est le niveau requis ?
Ces vidéos présentent une partie de mes meilleurs effets à aujourd’hui. La vidéo de scène a été tournée en fait en 1991 et les tours ont quelque peu changé depuis. Toutefois, si vous me voyez travailler lors d’un prochain congrès, vous pourrez constater que je présente les mêmes tours que sur la cassette : la routine de la boule et de la rose, les anneaux chinois et la rose zombie. Il y a également une présentation personnelle du tour de Fred Kaps “Les Billets Diminuants” et une routine de manipulation avec une pièce géante.
La vidéo de close-up a, elle, été tournée en 1995 et contient plusieurs tours avec lesquels j’ai été primé dont “MagiCash” et “Morphing”. Il y a aussi “Curse of the Rasta” qui est une routine de carte folle où toutes les cartes peuvent être examinées à la fin et “Quad-Ringle”, un effet en quatre temps avec une corde et un anneau. Ces deux derniers tours font toujours partie de mon programme “tous publics”. Enfin, vous y trouverez mon effet préféré : “Alice through the Windowpane”. Si jamais je ne devais plus jamais créer un seul effet de ma vie, je serais déjà réellement fier de celui-là. C’est le final par excellence.
Comment conçois-tu ta façon de faire de la Magie et où trouves-tu tes sources d’inspiration ?
Toute ma magie est inspirée par quelque chose. Parfois, c’est juste en regardant l’effet d’un confrère ou en lisant la description d’une routine. Je réfléchis à des moyens plus efficaces ou plus simples pour y arriver ou tout du moins à une méthode qui me correspond mieux. Quelquefois, le fait de voir un numéro me donne un déclic qui va aboutir à quelque chose de complètement différent. Et de temps en temps, les séances de brainstorming permettent à certains tours de voir le jour. La plupart du temps, mon inspiration vient de livres (non magiques) ou de films.
Je peux dire que tu es un formidable conteur. Plusieurs de tes numéros sont basés sur un texte très structuré (celui à propos du Temps notamment). Penses-tu tout d’abord à l’histoire avant de réfléchir aux effets possibles ? Et pour toi, quelle est la place de la présentation par rapport à la technique ?
Parfois, j’invente les tours et j’attends de trouver une bonne histoire avant de les présenter mais la plupart du temps, je trouve l’histoire puis j’invente les effets qui vont avec. Mes textes sont écrits avec beaucoup de précision… Tout y est clairement consigné. Après m’être entraîné et l’avoir présenté plusieurs fois, je modifie sa structure et effectue quelques changements. Et même si après cela, je trouve que tout est parfait, il y a toujours de petites modifications avec le temps. Ces modifications intègrent le plus souvent les commentaires du public. Et puis, j’essaie toujours de garder un petit côté improvisé, je ne souhaite pas qu’on ait l’impression que chaque mot est toujours au même endroit. Il faut laisser de la place à l’improvisation.
Concernant la deuxième partie de ta question, la présentation est toujours au premier plan. C’est l’effet qui compte. La méthode est secondaire. Je choisis la meilleure méthode quelles que soient les conditions. Et qu’elle fasse appel à de la manipulation ou à un trucage, cela m’importe peu.
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Tu t’es présenté à de nombreux concours aux USA et à travers le Monde. Qu’est-ce qu’ils ont apporté personnellement dans ton travail (hormis l’argent, la notoriété…. et les femmes !). Est-ce qu’ils ont changé ta façon de présenter ?
J’ai commencé les concours quand j’avais 14 ans et ma dernière compétition, c’était à la FISM en 1997. Les concours m’ont toujours donné l’opportunité d’élaborer des numéros qui me satisfaisaient personnellement sans me soucier des contraintes commerciales liées aux prestations pour grand public. Mais une fois que ces numéros ont été au point, je me suis dit que cela aurait été une perte de temps et d’argent de les présenter aussi rarement, donc j’ai décidé de les faire devant le grand public. Beaucoup de ces routines sont fort appréciées et je continue toujours à les présenter. Enfin, les concours t’obligent également à te fixer des buts et à les atteindre. Le numéro doit être au point sinon tu te couvres de ridicule.
Peux-tu expliquer aux internautes français comment est perçue la magie aux USA (lorsque tu travailles pour le grand public) depuis l’affaire du “Magicien Masqué” et les “TV specials” de nouvelles stars comme Penn & Teller et David Blaine ?
Le Magicien Masqué n’a pas affecté mon travail personnellement, mais il y a eu récemment et pour la première fois une nouvelle émission sur le close-up. Cela sera certainement nuisible à notre art mais nous nous en remettrons. Je fais une plaisanterie à son sujet dans mon numéro de scène lorsque je présente les anneaux chinois. Je ne crois pas que la magie ait été perçue comme diminuée à cause de lui. La plupart des profanes pense que c’est un imbécile.
J’ai par contre le plus grand respect pourPenn & Teller. Lorsqu’ils “dévoilent” un tour, cela a un but et un sens. Je n’ai pas de problèmes avec ce qu’ils font. En fait, Teller est de Philadelphie et je l’ai vu grandir. Je crois qu’il est l’un des esprits les plus créatifs en ce moment dans le monde de la magie. Pour David Blaine, c’est une toute autre histoire. Même si je me fiche de son style, il est une figure populaire parmi les jeunes gens. Il a apporté un nouveau public à la magie et c’est une bonne chose. Je crois qu’il était bien meilleur dans sa deuxième émission. Toutefois, il a besoin de beaucoup travailler d’un point de vue technique et je regrette qu’il paraisse si comateux quand il présente un tour. Parfois, je plaisante là dessus. Quand on me demande ce que je fais, je réponds : “Du close-up… Comme David Blaine, du divertissement !”.
A présent passons à la question certainement la plus difficile de cette interview : imagine que tu sois obligé de partir sur une ile déserte avec seulement 3 tours et 3 magiciens. Quels sont-ils et qui sont-ils ?
Oh celle-là, elle est difficile. Les trois tours seraient : – Le Jeu Invisible car c’est certainement le tour le plus efficace que je connaisse – Les Gobelets parce qu’il y a tellement de choses que tu peux faire avec et aussi du fait des nombreux mouvements de base qu’ils impliquent – Mon Alice thru the Windowpane, parce que c’est mon “bébé”. Je crois que c’est le meilleur effet que j’ai inventé.
En ce qui concerne les 3 magiciens, je présume que tu veux parler de n’importe quel artiste de notre histoire ? Alors :
– Fred Kaps car c’est le seul artiste aussi excellent que complet qui m’ait été donné de voir.
– J.N. Hofzinser pour sa créativité et son sens artistique
– Tommy Wonder car il intègre tout dans sa magie : théorie, création, technique, personnage.
Je ne peux pas réaliser cette interview sans parler de ta maison qui est située près de Philadelphie. Je suis peut-être jeune mais je peux te garantir que j’ai déjà vu des trucs vraiment dingues. Rien ne peut être comparé à ta maison !!! C’est le “Magic Castle” de la côte est ! Une incroyable combinaison de maison et de musée… Parle nous de ta bibliothèque (combien de livres et de vidéos ?), de ton petit théâtre, de ta collection d’affiches et de statuettes, de tes objets rares (gobelets, etc…)
J’ai eu la chance de t’accueillir plusieurs fois chez moi. Dans la “vraie vie”, je suis en charge de l’élaboration et la construction de propriétés. Lorsque j’ai décidé de faire bâtir, je me suis assis avec l’architecte et nous avons dessiné ensemble la “maison de mes rêves”. L’entrée donne sur deux niveaux dont les murs sont couverts d’affiches de magie : Carter, George, Alexander, Levante… A droite se situe ma bibliothèque qui doit bien comporter plus de 5000 ouvrages, 1700 notes de conférence et un nombre incalculable de revues dont les éditions complètes de Genii, Linking Ring, Magigram, Abra, Apocalypse, Magic, etc… Il y a de nombreuses raretés et des “collectors” mais je la considère surtout un bibliothèque de travail. Je l’enrichis chaque semaine et mes amis y ont libre accès afin d’effectuer des recherches.
J’ai également une autre bibliothèque dans le séjour pour les livres “normaux”. Mais la magie s’est également faufilée à l’intérieur avec des étagères d’ouvrages sur l’histoire de la magie ou destinés au grand public ainsi que des fictions dont l’action est liée à la magie. Le vidéos sont rangées dans la “Chambre Magique” au premier étage. Il doit y en avoir plus de 1500, aussi bien démonstratives qu’explicatives dont certaines sont des enregistrements privés. La “Chambre Magique” est également l’endroit où se trouve ma collection de matériel. Il y a beaucoup d’accessoires de close-up, essentiellement en bois ou en cuivre, ainsi que du matériel de scène (plus ou moins ancien). Je possède 75 jeux de gobelets dont les très rares “Connie Haden Cups”. J’ai un jeu de gobelets de Lewis Hanson et un autre qui a appartenu à Fred Kaps. J’ai également toute une collection de jeux de cartes et d’objets se rapportant aux cartes… notamment des petites boîtes en bois.
Le sous-sol est certainement l’endroit comportant le plus d’éléments magiques exposés : des affiches, des objets sous cadre et des autographes de Houdini, Thurston, Kellar, Blackstone Sr. and Jr.,Kaps, Cardini, etc. Il y a aussi un coin réservé aux statuettes magiques en tous genres, près du bar et de la cave à vins. J’ai aussi une collection de guitares à cet endroit, une vingtaine dont certaines sont dédicacées par Bruce Springsteen, Eric Clapton, James Taylor et quelques autres. Enfin, le petit théâtre est également à ce niveau avec un auditorium constitué de 30 sièges de théâtre, un système de projection vidéo sur un écran de 3 mètres et des éclairages de scène. J’y organise régulièrement des conférences et y ai accueilli certains des meilleurs conférenciers mondiaux… dont toi… deux fois !
Tu as une réelle passion pour “Alice au pays des merveilles”. Peux-tu nous dire d’où cela te vient-il ? L’ouvrage de Lewis Carroll est bourré de magie. Crois-tu que tu aurais adoré cette histoire, si tu n’avais pas été magicien ?
“Alice…” était vraiment l’un de mes livres préférés quand j’étais enfant. Bien sûr il était lisible à tellement de degrés différents qu’aucun gosse ne pouvait pleinement l’apprécier. Quand je me suis replongé dedans vers l’âge de 20 ans, je l’ai trouvé encore plus intéressant, surtout d’un point de vue magique. Lewis Carroll était un homme étonnant aux multiples centres d’intérêt. “The John Fisher Book” et “The Magic of Lewis Carroll” vous donnent un aperçu de la magie qui transparait de son travail. La nouvelle édition corrigée de Martin Gardner “The Annotated Alice” est également incroyable. Mais ma véritable passion pour “Alice…” débuta lorsque je commença à développer ma routine “Alice through the Windowpane” en 1979. J’ai été particulièrement inspiré par la prestation de Jean-Jacques Sanvert à la FISM cette même année. Je me suis mis à rechercher des éléments autour d'”Alice…” et j’ai trouvé beaucoup de choses que j’avais envie de possèder !
J’ai débuté ma collection par différentes éditions du livre ainsi que par des ouvrages étudiant l’oeuvre de Lewis Carroll. Puis je suis passé aux objets : service à thé, pièces, timbres, etc… J’ai 6 étagères de livres et plusieurs autres, d’objets “collectors”. J’ai plusieurs éditions étrangères d'”Alice” dont quelques unes en français qui m’ont été envoyées par un ami magicien (Boris Wild pour ceux qui n’avaient pas deviné !).
Quel est ton épisode préféré de South Park ?!
South Park ! C’est l’une des trois seules émissions que je regarde (avec “The Sopranos” et “The Man Show” pour ceux que ça intéresse !). Mon épisode préféré ? Voilà une question difficile ! J’aime beaucoup l’épisode avec “Big Gay Al” et celui sur “Starvin’ Marvin” mais je crois que ceux que je préfère sont les épisodes de Noël des deux premières saisons, surtout le premier (Mr Hankey). Celui-là est certainement ce que j’ai vu de plus épouvantable à la télé !
Voilà, j’aimerais dire un grand merci à tous ceux qui portent de l’intérêt à mon travail et les invite à me contacter pour de plus amples informations. J’espère avoir bientôt l’opportunité de visiter la France et de m’y produire ainsi que d’y donner quelques conférences. Un grand merci à mon ami Boris Wild pour avoir mené cette interview en me posant des questions à la fois perspicaces et, pour la dernière seulement, idiote. Goodbye !
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Boris WILD
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