La Magie a-t-elle de l’Avenir ?

La magie a-t-elle de l’avenir ?

Répondre non serait avouer que la magie est un art bientôt dépassé.

Et a-t-on déjà vu un art “dépassé” ?
Répondre non reviendrait également à affirmer que la magie a atteint ses limites.

Or, la magie, c’est précisément le réel transcendé, l’impossible devenu pour un moment réalité.

Et y a-t-il des limites au rêve ? C’est la créativité de Jean-Eugène ROBERT-HOUDIN qui a fait en son temps évoluer la magie, qui l’a débarrassée de ses oripeaux moyenâgeux pour la faire entrer dans une autre ère. Et beaucoup de magiciens contemporains (et inventifs !) -scène, close-up ou bien hyper-spécialisés dans la cartomagie- ont amené eux aussi depuis quelques décennies une nouvelle dimension au type de magie qu’ils pratiquent (je n’en citerai aucun de peur d’en oublier un seul…).

C’est cette créativité qui à mon sens assurera un avenir à la magie, le besoin de renouveler, d’étonner plus encore, de faire ce qui n’a jamais été fait.
Le magicien est (presque) toujours créateur, quelle que soit la nature de son spectacle : il se produit et il met donc de lui-même dans ce qu’il fait. Il pense, il réfléchit, il cherche. Il trouve quelquefois. Il renouvelle, adapte, pour transformer la totalité du spectacle. Chaque magicien, il me semble, fait avancer la magie à tâtons, centimètre par centimètre…

Même le “débinage” participe d’une certaine manière à cette évolution…

Les différentes recherches des magiciens pour innover, “améliorer” sans cesse, pour tenter d’arriver souvent à une magie plus nette, plus pure, pour se séparer des artifices, témoignent de cette évolution.

Qui aurait pensé il y a vingt ans que l’on pourrait un jour, à l’instar de David COPPERFIELD, proposer à une salle subjuguée un numéro où le magicien vole, décolle tel un oiseau, atterrit puis repart en déployant ses bras et se meut comme si chacun de ses gestes lui permettait de défier avec naturel les lois les plus élémentaires de la gravité ? C’est le vieux rêve d’Icare, le rêve de tous qui prend forme…

La science, des techniques nouvelles, de nouveaux matériaux peut-être, donneront sans doute des possibilités supplémentaires que ne manqueront pas d’exploiter au mieux les magiciens. Mais ce n’est pas à mon sens le progrès scientifique qui fera évoluer la magie, mais bien l’imagination de ceux qui tenteront de le mettre au service du rêve.

La méthode mise en ouvre pour le vol de David COPPERFIELD est élaborée, précise, technique. Mais qu’importent les moyens utilisés : le spectateur découvre là quelque chose qu’il aurait jamais osé imaginer… Et qui sait, ce même spectateur découvrira-t-il dans quelques temps un autre magicien qui vole au dessus de la foule, en plein air, dans la clarté du jour…

Bien sûr que la magie a un avenir !
Elle naît de la création. Et la créativité est par nature une disposition d’esprit qui ignore a priori tous les écueils.

Elle n’est donc limitée par rien : la magie évoluera comme elle a évolué, comme elle évolue actuellement, lentement, au gré des idées de chacun, s’adaptant aux mentalités et à l’environnement quotidien des spectateurs, et contraignant du même coup les magiciens à déployer des trésors d’imagination pour satisfaire un public depuis longtemps habitué aux navettes spatiales et aux images virtuelles…